Souvenir

Le Sophora de Villennes n'a malheureusement pas résisté à la tempête de fin décembre 1999. Il était alors âgé d'environ 196 ans selon le panneau qui figure sur de nombreuses cartes postales d'autrefois.

Depuis longtemps déjà, il n'était plus l'arbre magnifique que les anciens de notre village ont connu.



 

Botanique

Le sophora est un arbre ornemental, originaire du Japon, de la famille des papilionacées (dans l'ordre des légumineuses), comprenant près de 12 000 espèces, de toutes tailles, telles que le trèfle, la luzerne, le haricot, le pois, la lentille, la glycine, le genêt. Il se caractérise par son feuillage presque permanent et, tous les deux ans, par sa floraison tardive :
ses fleurs blanches sont odoriférantes.

 

La plantation

Le Sophora de Villennes a été rapporté du Japon, en 1803, par le capitaine de Givry, qui le fit planter par un jeune jardinier de 16 ans dans une dépendance du château.

 

En 1882, après le décès du propriétaire du château, le comte de Labenne, le terrain, qu'il couvrait de son ombrage, fut vendu à M. Emile Martin, restaurateur. Celui-ci s'est empressé d'appeler son établissement "Le restaurant du Sophora".

 

L'attraction

 

Le Sophora est devenu une des attractions du village.

Un jour, 196 personnes sont montées dans ses branches.

Ce journal publia, en 1883, un court article sur le Sophora.  

 

Cette photo est la plus ancienne, que nous possédons, du Sophora ; elle a été publiée, en juillet 1887, dans le numéro 79 de la revue "Seine-et-Oise Illustré".

Cinq hommes sont attablés sous l'arbre, pour un déjeuner, peut-être arrosé de vin de Villennes ; de l'autre côté, une femme et son fils ne participent pas à ces agapes.


Deux moustachus, dont l'un porte un chapeau, sont grimpés dans le sophora, qui avait été planté 84 ans auparavant. L'article, qui relate son histoire, précise qu'un jour 196 personnes sont montées sur ses branches. Les deux calèches, que l'on aperçoit derrière la grille, se dirigent-elles vers l'église et le château, tirées chacune par un cheval ? Ou bien leurs cochers y attendent-ils les clients, à la station de taxis de l'époque ?

Le centenaire

 

 

 

 

Une cérémonie a célébré le centième anniversaire de sa plantation, le 21 septembre 1903, en présence du député, Maurice Berteaux.

 


  Où est-il dans dans ce groupe de personnes ?

Cliquez sur la photo.

Albert Manganne a lu un poème en 80 alexandrins, qu'il avait composé en cette occasion.

   

AU SOPHORA

Ravi dès ton jeune âge au sol qui te vit naître,
Apporté du Japon sur le pont d'un vaisseau
Où tu fus confié aux soins d'un quartier maître,
Ici tu fus planté, frêle comme un roseau.
Dans ce sol d'alluvion, que déposa la Seine,
Tu grandis vivement, étendant tes rameaux,
Et devins le géant renommé de Villenne,
Résistant aux grands vents qui brisent les vaisseaux.
Ah ! que nous dirais-tu si nous savions comprendre
Ton murmure, ta voix, le léger bruissement
Du zéphir du midi dans ton feuillage tendre
Qui imprime à tes bras un doux balancement ?
Tu fus témoin muet de l'amour le plus tendre.
Tu fus aussi témoin de violentes passions.
Tu as vu sous tes bras l'oisiveté s'étendre
Mais tu as vu aussi de bien nobles actions.
Tu as connu les maux de notre chère France,
Maux sur lesquels tu as laissé couler tes pleurs,
Mais tu as vu aussi se relever la lance
Du drapeau que tu as recouvert de tes fleurs.
Tu as vu l'ennemi se vautrer sous ton ombre.
Ses chevaux ont brouté le bout de tes bourgeons.
Tu as vu les tyrans sortir de la pénombre,
Ces parjures qu'on nomme les Napoléons.
Tu as connu la France en sa misère noire,
Mais tu as vu aussi se relever bien haut
Le front du peuple grand, de ce peuple de gloire
Qui se débarrassa du joug de son bourreau,
Secoua ses chaînes, rejeta dans la fange
Les bandits chamarrés, assassins de haut rang
Qui tuaient à plaisir, essuyant à la frange
De leur habit brodé leur sabre teint de sang.
Tu as appartenu au bâtard de l'infâme,
De ce vil Badinguet, de ce chef de bandits
Qui ne respectait rien, ni la vie, ni la femme,
Traînant derrière lui la honte et le mépris ;
Ce bâtard énervé, cet enfant né du drame
T'oubliait, ô bel arbre ! au milieu des festins.
Il tenait de son père ; il en avait bien l'âme.
Comme lui il sombra, jouet des justes destins.
C'est alors que t'acquit un humble prolétaire,
Maçon de son métier, travaillant sans répit,
Qui t'entoura de soins et te fit populaire,
Beau vieillard toujours vert que l'on fête aujourd'hui.
Il te donna l'aspect de l'arbre gigantesque
Que tu es aujourd'hui et que tu n'étais pas
Lorsqu'alors tu rampais et que tu mourais presque
Au milieu des orties, des ronces, des plâtras.
Et sous ton vaste ombrage naquit l'allégresse.
Les chansons et le vin et les rires joyeux
Tout ce qui appartient à la folle jeunesse,
Se donna rendez-vous sous tes bras vigoureux.
Le pêcheur en sabots, la grisette volage,
La famille tranquille et le gai canotier
Se coudoient sans façon sous ton épais feuillage
En répétant en choeur un refrain familier.
Et le soir quand la nuit étend partout son voile,
Ton feuillage frémit au bruit d'un doux baiser,
Tu caches l'amoureux à la vue de l'étoile,
Tu entends conjuguer l'enivrant verbe aimer
Bel arbre, c'est ainsi au milieu de la joie
Au doux bruit des baisers et des chants amoureux
Aux accents du cristal où la grâce coudoie
La raideur grimaçante du moyenageux,
Que tu as atteint ton centième anniversaire.
Et c'est en ton honneur, et c'est à tes cent ans
Que je propose un toast en élevant mon verre.
Vive le Sophora, que nos petits-enfants
Arroseront encore dans cent ans je l'espère,
Tandis que nous serons sombrés dans le néant.
Enfin, à tous ici, fêtant ce centenaire,
Je bois et j'adresse le plus cordialement
De mon affection le plus ardent hommage,
A vous Monsieur Berteaux, toujours si dévoué,
Vous que rien n'arrête, que rien ne décourage
Qui m'avez si souvent prouvé votre bonté,
Je suis heureux d'offrir, là, devant ma famille,
L'hommage bien sincère de mes sentiments.
A vous je bois ce vin qui chaudement pétille.
Agréez, de nous tous, les fiers remerciements.

   

Le classement

Cet arbre, dont le Syndicat d'Initiative était très fier, a été classé en 1932 par le Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-arts.

C'est pourquoi le conseil municipal, soutenu par la population, a fortement protesté auprès de la Commission des Sites contre son déclassement, décidé en 1948.

Il avait alors une circonférence de 7,50 mètres et une hauteur de 30 mètres ; il couvrait une surface d'environ 800 m2.

 
 



   

Le Sophora, quelques années avant sa disparition

 

 

 

 

 

 

 

...et dans ses derniers mois.