La viticulture avant la Révolution

Le texte qui suit, décrivant la vigne et les vignerons en l'Ile-de-France avant la Révolution, peut s'appliquer à cette activité dans notre village. Il est extrait de l'ouvrage de Michel Giraud, ancien Président de la région : "Histoire de l'Ile-de-France" (Editions France-Empire, 1996).

Durant l'apogée de l'ancien régime, dans les campagnes où vit la majorité de la population francilienne, ce sont essentiellement deux catégories de ruraux qui se distinguent : les vignerons et les fermiers-laboureurs. Ils en constituent l'ossature sociale, les premiers dans les bourgs ruraux, les seconds dans le plat pays. Ils sont à l'origine d'une bonne part de l'âme de notre région. Leurs activités principales en génèrent beaucoup d'autres. Ainsi, les vignerons font vivre des tonneliers, des charretiers …

Avec les céréales, la vigne est, en effet, la seconde grande richesse de l'Ile-de-France. C'est aussi le marché parisien qui en explique le développement.

Au XVIe siècle, la vigne est présente partout, sur les coteaux des vallées qui convergent vers Paris, mais aussi sur les riches terroirs céréaliers […].

Le vignoble francilien compte parmi les principaux vignobles français par l'étendue et la qualité de ses productions. […] Au début du siècle, on trouve deux sortes de vignes. Les vignes de qualité remontent au Moyen Age. Elles produisent de bons vins blancs, obtenus grâce à l'implantation de cépages importés de Bourgogne ou du Val de Loire, et consommés dans la capitale. En particulier, le pinot fromenteau ou pinot gris, le chardonnay de Suresnes, le pinot meunier, le meslier. Les vignes populaires, beaucoup plus productives, fournissent un vin médiocre. Elles sont plantées en cépages moins nobles, comme le gamay ou le gouais.

A partir de la fin du XVIe siècle et durant tout le XVIIe, le vignoble francilien connaît une double mutation : le recul général des superficies plantées, dû principalement à l'édit de 1577, et la modification des productions résultant de l'évolution des goûts.

L'édit royal de 1577, qui restera en vigueur jusqu'en 1776, interdit aux marchands de vin de Paris de s'approvisionner dans un rayon de 20 lieues - c'est-à-dire 88 kilomètres - autour de la capitale. Cet édit se révèle lourd de conséquences, car il prive les vignobles de la couronne parisienne d'une grande part de leurs débouchés naturels. Le vin d'Ile-de-France continue d'être consommé, mais dans des proportions très sensiblement moindres. A l'intérieur du rayon de 20 lieues, les habitants ne peuvent qu'acheter du vin pour leur propre compte ou faire venir celui de leurs propres vignes. Quant aux vignerons, s'ils ont toujours la possibilité de vendre directement leur production aux cabaretiers de Paris, ils le font rarement car les droits d'entrée sont très lourds. Les crus locaux se commercialisent alors dans les guinguettes situées hors des barrières fiscales, c'est-à-dire dans les faubourgs et dans les villes moyennes.

Cette nouvelle réglementation explique qu'un certain nombre de vignobles situés dans la zone des 20 lieues, mais trop éloignés des voies d'eau pour être acheminés en banlieue, périclitent. […]

D'après le mémoire sur la généralité de Paris, la principale zone viticole en quantité comme en qualité, est, au XVIIIe siècle, l'élection de Paris où l'on produit 140 000 muids de vin par an, chaque muid représentant 268 litres. La production est consommée sur place ou exportée vers la Picardie, l'Artois et les Flandres. […]

Dès la fin du XVIe siècle, les goûts changent. Les familles bourgeoises délaissent le vin de la région pour des vins importés, spécialement de Basse Bourgogne ; ceux-ci sont acheminés par la Seine. Le vin francilien devient un produit de consommation populaire. Les blancs font place aux rouges, sauf dans quelques terroirs, comme Chanteloup, où ils seront fabriqués jusqu'en 1900. […] De plus en plus, les vignerons privilégient la fabrication d'un vin rouge de qualité ordinaire, bon marché, consommé par le petit peuple dans les guinguettes des faubourgs. Les anciens cépages de blancs font place au gamay qui connaît de beaux jours, comme à Argenteuil. C'est là qu'après les grandes gelées de l'hiver 1709, les vignerons replantent, sur un millier d'hectares, un cépage beaucoup moins sensible aux gelées que le pinot.

Les vignes d'lle-de-France sont généralement des vignes basses, très denses, alignées en sillons serrés, ne laissant le passage qu'à un homme ou à un âne. Les pieds sont rapprochés. […] L'apport en fumier est assez rare car, en dehors d'un âne, de quelques porcs, les vignerons ne possèdent que peu de cheptel. […]

L'outil principal des vignerons est la houe, avec une grande lame pleine et deux, trois ou quatre dents. Sont également utilisés le hoyau, ou besoche, pic large du bout, le croc ou crochet, pic à une ou plusieurs dents, la binette et la serfouette. Rares sont les vignerons possédant une charrue ou une herse ; ils se contentent de l'emprunter. Le transport des fumures ou des grappes se fait à dos d'homme ou à l'aide de bâts, montés parfois sur des chevaux, plus fréquemment sur des ânes. Lors des vendanges, les grappes sont mises dans des paniers, ou hottes d'osier, puis dans des «bachoues», récipients tronconiques de plus forte contenance. Les vignerons possèdent rarement leur propre pressoir. Ils utilisent celui du seigneur. La vendange est placée dans des cuves de 2 300 à 4600 litres. Les tonneaux de conservation contiennent un demi-muid, soit 134 litres, ou une demi-queue, soit environ 200 litres. Dans beaucoup de vignobles, à Ivry par exemple, le vin ne se conserve pas d'une année sur l'autre ; aussi est-il rapidement vendu aux cabaretiers de banlieue.

Les rendements varient selon les années et les cépages. Les moins productifs donnent autour de 20 hectolitres à l'hectare pour les vignes non fumées. Ils peuvent atteindre 30 hectolitres dans les vignes fumées. Les cépages très productifs, comme le gamay, ont des rendements souvent bien meilleurs. […]

La vigne est alors une activité assez rémunératrice ; aussi, les vignerons forment-ils un groupe social original, contrasté par rapport à ceux des plateaux céréaliers. Ils souffrent moins que les autres paysans des crises de la seconde moitié du XVIe siècle. Dans les vignobles proches de Paris, ils cultivent leur vigne ainsi que celles de propriétaires horsains, essentiellement des bourgeois parisiens, ou celles de l'Église. Ils trouvent, si nécessaire, un complément de revenu dans d'autres tâches. Beaucoup s'emploient, en été, aux travaux des moissons.

A la fin du XVIe siècle, la journée de vendange est payée 5 sols pour le coupeur, 10 pour le hotteur, 7,5 pour le travail au pressoir, repas en sus. A cette époque, il faut débourser 24 livres pour faire labourer un arpent de vigne ; ne sont compris dans ce prix ni l'extirpation des rochers ni le ramassage des pierres. […]

La viticulture vers 1800

Dans la paroisse de Villennes, la vigne occupe encore plus de 20 hectares, soit un peu moins de 4 % du territoire, à la fin du XVIIIème siècle (voir les zones en jaune sur le plan d'intendance de 1786).

Le maire, l'officier municipal et les 3 notables, membres du conseil municipal élu en 1791, sont tous des vignerons.

En 1793, la récolte des vignes, appartenant au dernier seigneur, fait partie des biens séquestrés ; elle est vendue après les vendanges. Le pressoir de Villennes, faisant également partie du séquestre de Pierre Gilbert de Voisins, est attribué par adjudication au sieur Blouin ; il est en mauvais état et sa vis se cassera peu après ...

La viticulture vers 1900

L'instituteur écrit, en 1899, dans sa "monographie" :

Il y a également une assez grande quantité de vignes qui fournissent un vin agréable très rafraîchissant en été. La vigne qui était, il y a quelques années, d’un très grand rapport, est devenue par suite de maladie et de mauvaise saison, d’un produit très minime.

En effet, nous savons que le phylloxéra a anéanti, en cette année 1899, tous les plants de vigne de la région.

Quelques ceps subsistent néanmoins, dans les années qui suivent, au pied de la tour de Beaulieu.