Comme il peut paraître normal pour une rubrique sur une femme de lettres, celle-ci comprend de très nombreux textes (analyses de ses œuvres, extraits d'ouvrages, divers articles de journaux, souvenirs de contemporains, ...) ; clairement identifiés, ils peuvent être sautés pour une première lecture rapide.

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Ernesta Hierschel de Minerbi, dite Maria Star,
femme de lettres à la recherche des symboles
(1854 - 1926)

Maria Star à Villennes

Ernesta Hierschel, veuve du financier Louis Stern (étoile en allemand) s'est fait connaître, sous le nom de Maria Star (étoile en anglais).


Un de ses amis a construit pour elle un étonnant "château" dans sa propriété de Villennes au Bois des Falaises.

Son nom d'écrivain reste inscrit, à gauche du portail, sur un arc qui repose sur deux colonnes, encadrant une étoile.

On peut y reconnaître son goût pour les symboles.

Ses origines et sa famille

Ses parents


Née en décembre 1854 à Trieste, elle a passé son enfance dans la maison de ses parents (palazzo, ci-contre), construite par son grand-père paternel Moïse Hierschel, qui a été le propriétaire d'un théâtre.

Nous trouvons une étoile dans son ascendance : la mère de Moïse se prénommait Stella (étoile en italien) ! Celle-ci fut assassinée par un dément dans le théâtre familial ...

 

Le mariage des parents d'Ernesta, Leone Hierschel et Clementina de Minerbi, a été fastueux ; ils reçurent, en cadeau, un palazzo sur le grand canal de Venise.

Ernesta a bénéficié d'une éducation artistique au sein de cette famille de mécènes. Elle a pu rencontrer les nombreux artistes (écrivains, musiciens, sculpteurs et peintres) que sa mère recevait dans le salon qu'elle tenait.

Son époux

C'est peut-être à Venise qu'Ernesta a rencontré son époux. Ils s'y sont mariés en mai 1874. Une quarante d'années plus tard, elle fera l'acquisition, en bordure du Grand Canal, d'un ancien palais qu'elle fera restaurer, agrandir et décorer.

Louis Stern (1840-1900) était un fils d'Antoine Stern, issu d'une famille de banquiers originaires de Francfort depuis le XIXe siècle ; ce dernier était, en France, le fondateur de la Banque A. J. Stern et Cie avec son frère Léopold. Louis Stern et son frère Jacques, intégrés à l'élite parisienne, devinrent des associés de la banque en 1865.

Nicolas Stroskopf a présenté ainsi Antoine, le père de Louis, dans son ouvrage Les patrons du Second Empire Banquiers et financiers parisiens (Paris Picard Ed. Cénomane 2002).

STERN Antoine Jacques

Né le 16 janvier 1805 à Francfort-sur-le-Main
Décédé le 24 mai 1886 à Paris à son domicile 68 rue de la Chaussée d'Antin Banquier.
Membre du Cercle des chemins de fer
Abraham Jacob dit à Paris Antoine Jacques Stern est le fils (3ème enfant sur 15) de Jacob Samuel Heyum Stern (1780-1833) négociant en vins puis banquier, et de Thérèse Wohl. Neveu de Salomon de Rothschild, banquier à Vienne, et de Caroline Stern (1782-1854).
Epouse (17 mai 1835 Francfort) Fanny Speyer (9 décembre 1812 Francfort - 22 août 1880 Contrexéville), fille du banquier Joseph Lazarus Speyer-Ellissen (1783-1846) et de Jette Ellissen. Père de trois enfants : Jacques Salomon (1839-1902), Louis et Henriette Antonia épouse du négociant Georges Halphen.

Carrière professionnelle
S'installe à Paris, rue de Provence (1832) comme négociant et (1835) comme banquier en précisant dans le Bottin qu'il est allié à des maisons de banque à Francfort, Berlin et Amsterdam.
Association (juin 1842) avec son frère Léopold (1810-1846) sous la raison sociale A. J. Stern et Cie, 33 rue Laffitte. Une association semblable Stern Brothers est créée à Londres (1844) par leurs deux frères David et Hermann. En 1846 Léopold est remplacé par son frère Salomon (né en 1818) banquier à Francfort. En 1865 viendront s'ajouter à l'association les deux fils d'Antoine Jacques. Fondateur de la Banque Impériale Ottomane et administrateur jusqu'en 1868. Obtiennent en 1868 le monopole de l'exploitation des tabacs en Italie jusqu'en 1883.
Siège au Norté, à la Cie des mines de la Grande Combe, à la Cie linière de St Rémy (Somme), à l'Union des ports (assurances maritimes), la Sté des mines de houilles de Montieux-St-Etienne (président 1870), à la Cie des chemins de fer andalous (président), au Soleil et à la Cie des eaux pour l'étranger.
Son fils Jacques est en 1872 l'un des plus gros souscripteurs pour la Banque de Paris et des Pays-Bas et entre au conseil d'administration.

Vie sociale
Achète à Ville d'Avray (1863) pour 343.000 francs un château dit Le monastère. Ses fils s'intègrent à l'élite parisienne. Louis tient un salon littéraire et artistique dans son hôtel de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Jacques, époux (1877) de Sophie Croizette, sociétaire de la Comédie française, demeure 7 Rond-Point des Champs-Elysées. Il achète le château de Fitz-James de l'Oise, le haras de Crécy et se fait élire conseiller général de l'Oise.

Décorations
Chevalier de la Légion d'honneur

Fortune
Plus de 50 millions de francs à son décès. Sources Stroskopf (Nicolas) - Les patrons du Second Empire Banquiers et financiers parisiens page 340. Paris Picard Ed. Cénomane 2002).

La Banque Stern, a fusionné, en 1992, avec la Banque Pallas France : trois ans plus tard, la nouvelle entité Banque Pallas-Stern fut mise en liquidation judiciaire.

Louis Stern a constitué une importante collection d'œuvres et d'objets d'art.
Souffrant d'un poumon dès la fin de l'année 1883, il est décédé en février 1900.

M. Louis Stern, l'un des membres les plus sympathiques du cercle de la rue Royale, est mort avant-hier, à minuit, des suites d'une pneumonie infectieuse dont il avait été atteint il y a six jours. Il était le frère et l'associé de M. Jacques Stern, chef de la grande maison de banque parisienne. Homme de bien, d'une loyauté parfaite, très modeste, il ne trouvait son bonheur que dans la vie de famille. Sa mort, vivement regrettée du monde parisien où il était entouré de la plus haute estime, est une perte considérable pour les œuvres charitables et pour les miséreux auxquels il venait en aide avec la plus large bienfaisance.

M. Louis Stern, âgé de soixante ans, avait épousé Mlle Ernesta de Hirschel qui, sous le pseudonyme de Maria Star, est si appréciée dans le monde littéraire. De ce mariage, il laissé deux fils et deux filles. [...]

Le Figaro, 12/2/1900

Le Cercle de la rue Royale est connu par un tableau exposé au Musée d'Orsay : le peintre français James Tissot a représenté, en 1868, douze membres de ce club très fermé, créé au début du Second Empire. A la fin du XIXe siècle, ce Cercle comprenait plus de six cents membres issus de la haute bourgeoisie et surtout de l'aristocratie.

Les obsèques de M. Louis Stern ont été célébrées hier matin, à dix heures, au milieu d'une assistance considérable réunie à l'hôtel du faubourg Saint-Honoré.
Le deuil était conduit par MM. Jean et Charles Stern, fils du défunt ; M. Jacques Stern, son frère M. Georges Halphen, le baron de Hierschel et le comte de Hierschel, ses beaux-frères, et les autres proches parents.
A la maison mortuaire, après les prières rituelles, M. Zadoc Kahn, grand rabbin de France, a prononcé une allocution où il a fait l'éloge du regretté M. Louis Stern.
Etaient présents :
Les ambassadeurs d'Italie et de Turquie, le ministre de Grèce, Moukbil-bey, barons Alphonse, Edouard et Henri de Rothschild, comte Nicolas Potocki, duc de Gramont, vicomte Foy, comte Hubert de La Rochefoucauld, baron de Zuylen de Nyevelt, baron de Bethman, comte Clary, marquis de La Roche-Fontenilles, baron Gourgaud, baron d'Estournelles de Constant, prince Ferdinand de Lucinge-Faucigny, baron de Pontalba, vicomte de Froissard de Broissia, baron S. de Gunzbourg, comte de La Jourdonnie, baron Taylor, marquis de La Ferté-Meun, comte Martin du Nord, comte de Charnacé, baron de Jouvenel, comte de Bari, comte Robert de Clermont-Tonnerre, prince Eugène Murat, comte Ad. de Chevigné, comte de Berteux, baron Gérard, marquis de Montgon, baron des Michels, marquis de Tanlay, marquis de Flers, comte Jean de Forceville, comte Wrangel, vicomte de Grouchy, baron de Mesnard, marquis de Torre-Alfina, comte A. de Germiny, baron de Neuflige, baron F. Seillière, baron Hély d'Oissel, comte de Salignac-Fénelon, comte du Taillis, comte d'Ayguesvives, comte Jacques de Bryas, baron Lejeune, comte de Girardin, marquis Paulucci dei Calboli, comte de Périgny, comte d'Onsembray, prince de Tarente, comte du Tillet, comte de La Sizeranne, baron Edouard de Rothschild, prince della Rocca, comte de Lapeyrouse, comte P. de Quelen, comte Urbain Chevreau, comte Jules Pastré, comte Henry de Courcy, comte de Rambuteau, marquis de Barral-Montferrat, comte de Ferré de Péroux;
MM. de Selves, préfet de la Seine, Henri Lozé, ambassadeur de France, G. Pallain, Th. Porgès, Henri et Auguste Bamberger, Arthur Baignères, etc.
L'inhumation a eu lieu dans le caveau de famille, au cimetière Montmartre.

Le Figaro, 15/2/1900

Maria Star à Paris

L'hôtel particulier

Leur résidence principale était, depuis 1885, située à Paris, au 68 rue du Faubourg Saint Honoré. Ils l'avaient acquise de leurs amis Fanny et Jules Ephrussi.

 

La porte cochère est toujours visible mais l'hôtel particulier fut démoli dans les années 1920 et remplacé, plus tard, par un bâtiment d'EDF.


 

Dans son ouvrage Mon Paris et ses Parisiens - Le Faubourg Saint-Honoré (Pierre Horay, 1956), André de Fouquières l'a décrit ainsi que sa propriétaire qui l'avait aménagé et décoré :

André Becq de Fouquières (1874-1959), diplômé de l'École des Langues orientales, était conférencier et auteur de pièces de théâtre et d'essais. Partisan de la restauration de la Monarchie, il participait à de nombreux événements mondains ; il en était le chroniqueur, collaborant notamment avec la revue "Les Modes".


[...] Mme Ernesta Stern fut une figure bien attachante de la société parisienne. Je crois que sa famille était établie à Trieste, mais par son allure et par son caractère, c'est plutôt à la Sérénissime République vénitienne qu'elle paraissait appartenir. Il y a bien des façons d'être cosmopolite, et le style de Mme Stern s'apparentait à celui que j'imagine avoir été celui de la Cité des Eaux. Elle semblait être, par bien des côtés, fille de l'Italie médiévale et de Byzance, c'est-à-dire merveilleusement «adriatique».

Impérieuse d'allure et de caractère, mais d'une politesse raffinée, virtuose de la flatterie et capable de se laisser abuser par ses propres ruses, elle joignait à l'intelligence la plus souple et la plus aiguë, un étrange aveuglement de l'esprit critique. Son hôtel du faubourg Saint-Honoré était bien la plus personnelle des demeures, était bien «son» hôtel. Il n'avait pas été aménagé par quelque tapissier en renom (on ne connaissait alors ni le décorateur ni l'ensemblier), mais par elle-même et à sa ressemblance. Le « fond » était composé de meubles somptueux de la Renaissance italienne, de tapis de prière persans, de faïences et d'orfèvreries orientales. Brochant là-dessus, des vierges médiévales, des chevaux chinois, des divinités hindoues.

Mme Stern était parfaitement accordée à tout cela, qui n'était pas décor mais plutôt atmosphère, et atmosphère qui paraissait nécessaire à la respiration spirituelle de la dame de céans. Elle eût été mal à l'aise dans tout autre milieu et on eut éprouvé un malaise de l'y trouver. [...]

La vaste salle de réception "évoque à la fois le mystère hautain d'une cathédrale gothique et la grâce profane d'un sanctuaire byzantin". Ce salon à l’immense cheminée était entouré d’une galerie de bois d’où pendaient des tapisseries murales séparées par des vitraux aux écussons de couleur.

Le salon

Comme sa mère, Ernesta Stern tint un salon, fréquenté notamment par Marcel Proust, José Maria de Heredia, Henri de Régnier, Paul Fort, Reynaldo Hahn, Paul Bourget, Gabriel Fauré, Edouard Schuré, Camille Flammarion, Anna de Noailles, Yvette Guilbert, Réjane. Nombreux et très variés étaient, en effet, ceux qu'elle recevait, comme l'a écrit André de Fouquières :

Mme Ernesta Stern avait, elle, le privilège unique de réussir spontanément à assembler autour d’elle les individualités les plus diverses. Ce qui eut été ailleurs cacophonie déplaisante était chez elle une véritable symphonie. Les princes de l’Eglise et les ballerines, les «initiés» et les athées, les barytons et les souveraines, les chefs d’Etat et les peintres évoluaient en liberté dans ses salons. Par un miracle constant, un mélange qui, normalement, eut dû être détonnant, ne provoquait pas la moindre appréhension.

Le salon a été fermé en février et mars 1895 :

Mme Louis Stern, dont le mari a été légèrement souffrant, partira, le 20 janvier, sur son yacht, pour l'Italie, la Grèce et Constantinople. Ses invités sont le comte de Grollier, M. G. de Saint-Maurice, M. Madrazzo fils. Ce sport est fort à la mode. Il est même recommandé par les médecins pour les convalescents. Retour en avril. Le salon de Mme Louis Stern se rouvrira donc avec le printemps.

Le Gaulois, 4/1/1895

Ce voyage avait, en effet, été recommandé à Louis Stern par son médecin. Les soirées ont repris à leur retour, avec la représentation de comédies écrites par Maria Star :

Chez Mme Louis Stern, la soirée a pleinement réussi. Le programme comprenait, ainsi que nous l'avons annoncé, une comédie, Sois charmante et Tais-toi, titre emprunté aux Fleurs du mal de Baudelaire qui a été interprétée avec beaucoup d'entrain. L'aimable maîtresse de la maison a été vivement et discrètement félicitée du succès de l'auteur qu'elle connaît mieux que personne. Cette charmante soirée s'est terminée par Nocturne, une œuvre fort intéressante, dont la distribution avait ce côté original que Mlle Bartet jouait la « partie opéra-comique » et M. Clément, de l'Opéra-Comique, jouait la « partie comédie ».

Le Gaulois, 20/5/1895

Des œuvres d'autres auteurs sont également représentées dans l'hôtel du Faubourd Saint Honoré, suffisamment vaste pour recevoir des chœurs et un orchestre prestigieux :

Grande soirée le dimanche chez Mme Louis Stern, où sera joué le deuxième acte de la Vestale de Spontini, interprété par Mme Rose Caron, MM. Delmas et Vaguet, et par les chœurs et l'orchestre des concerts de l'Opéra.

Le Gaulois, 13/6/1896


Dans le grand hall de Mme Louis Stern quelques privilégiés ont eu l'autre soir le régal d'écouter Bella Venezia, une sérénade nouvelle de M. Gaston Lemaire, interprétée délicatement par le ténor Koubitzky avec accompagnement de violon exécuté remarquablement par le virtuose de grand talent M. Emile Mendels et l'auteur, qui était au piano.
Mlle Bailac (de l'Opéra-Comique) a enthousiasmé l'élégant auditoire en chantant magnifiquement des mélodies de Massenet et Reynaldo Hahn.
Pour finir, M. E. Mendels a joué avec art une romance de Gabriel Fauré et le Sommeil de Marie de Gaston Lemaire.

Le Gaulois, 25/5/1908

Raffaele Mainella, ami vénitien d'Ernesta, réalisait des décors ; l'électricté était mise à profit pour des éclairages artistiques et des "effets spéciaux".

UNE FÊTE D'ART

Mme Louis Stern a clôturé, avant-hier ses réceptions de la saison par une soirée musicale qui fut une fête d'art dans la plus noble acception du mot, une fête de la plus émouvante, de la plus délicate splendeur et de la plus savoureuse originalité. Dans le vaste hall peuplé de chefs-d'œuvre et qui évoque à la fois le mystère hautain d'une cathédrale gothique et la grâce profane d'un sanctuaire byzantin, des fleurs artistement et discrètement disposées en de précieuses vasques, autour de fragiles statuettes apportaient une note claire et tendre ; tandis que de savantes lumières mettaient en relief les loggias, les toiles de maître et les objets d'art. Au loin, à travers les fenêtres ouvertes, des gerbes d'électricité baignaient les pelouses, les bosquets et les jets d'eau d'une clarté lunaire... C'était comme un minuscule Trianon un soir de printemps ! Au programme, trois numéros seulement, mais trois numéros d'un charme incomparable, trois numéros dignes d'un tel cadre.

Ce fut d'abord un jeune baryton étranger, M. Vernon d'Arnalle, qui vint chanter d'une voix chaude, vibrante, caressante, délicieusement timbrée, quelques mélodies : Solitude, de Brahms ; l'Ombre et la Sérénade, de Schubert ; le Noyer et les Deux Grenadiers, de Schumann.

 

M. Albert Lambert fils, de la Comédie-Française, vint ensuite. Il récita avec un merveilleux art de nuances, avec chaleur, avec tendresse, avec émotion, des poésies immortelles : Lucie, de Musset ; la Chanson d'Eviradnus, de Hugo ; le Parc, de Rostand.

 

Et quand les applaudissements se furent éteints — on ne se lassait pas de le rappeler — les portes qui donnent dans le salon des Lawrence et des Gainsborough s'ouvrirent sur un décor finement brossé par M. Mainella, un décor représentant un étang entouré d'un bocage semé de pétales de roses, avec un ciel pâle. Sur cet étang, Mme Felia Litvinne, drapée en étoffes de soie blanche, parut et chanta les Amours du poète, de Schumann, tandis que, dissimulé dans un coin d'ombre, M. Niederhofhem, le distingué pianiste, l'accompagnait.

Elle chanta, magnifiquement, comme elle seule sait le faire, avec le style incomparable, la maîtrise splendide que vous lui connaissez, les lieder admirables, cependant que le décor, grâce à un jeu de lumières, s'allumait selon le sentiment poétique de chaque mélodie. Tantôt des teintes roses de l'aurore, tantôt des éclatantes clartés du jour triomphant, tantôt des lueurs du couchant empourpré, tantôt enfin des mystérieux rayons de la nuit lunaire.

On fit, est-il besoin de le dire, à la grande cantatrice, des ovations enthousiastes. Et l'élégante et nombreuse assistance, qui eut le privilège d'assister à ce spectacle unique, associa à ce triomphe le jeune peintre qui avait conçu et exécuté cette originale « présentation » de la suite de Schumann, ainsi, qu'à la maîtresse de maison qui, en véritable poète qu'elle est, avait su ménager à ses amis cette nouvelle vision de beauté...

R.L.
Le Figaro, 15/6/1908

L'été, les réceptions et les spectacles se déroulaient dans le jardin.

Mme Louis Stern a donné lundi soir un véritable régal d'art à ses invités. Dans le ravissant décor du jardin merveilleusement éclairé, des jeunes filles et jeunes femmes du monde ont exécuté, sous la direction de Mlle Jeanne Chasles, de l'Opéra, des danses anciennes qui étaient des merveilles d'harmonie, de charme et de goût. Avec les prodiges obtenus par un éclairage des arbres savamment combiné, c'était à se croire transporté dans le pays bleu du rêve et de l'idéal.

Le Figaro, 19/6/1907


Une brillante réception aux sons d'un orchestre invisible, accompagné de chœurs discrets et harmonieux ; une lente promenade dans un jardin de Rêve aux clartés mystérieuses et tendres, le long de sentiers d'ombre, autour d'un bassin lumineux où flottaient des nénuphars et sur lequel chantait un jet d'eau... Ce fut hier l'exquis enchantement que Mme Louis Stern offrait à ses amis.

Elle donnait, en effet, avant de quitter Paris, une dernière soirée dans son bel hôtel du faubourg Saint-Honoré, dont le cadre merveilleux se prête si bien à toutes les fêtes que le goût éclairé et fin de l'auteur des Deux gloires et des Légendes de Venise, aime à concevoir et à réaliser.

Elle avait eu cette fois l'idée originale et charmante de n'en point fixer le programme ; elle avait tout simplement ouvert à ses invités ses salons peuplés de chefs-d'œuvre, et son jardin merveilleusement fleuri, où sa fantaisie s'était complue à imaginer et à régler une délicate symphonie de lumières. Mais une autre surprise, qu'elle n'avait nullement préparée, était réservée à l'élégante assistance : Mme Félia Litvinne et Mlle Mary Garden, qui se trouvaient parmi les invités, eurent, tout à coup, l'idée d'improviser un concert, afin de témoigner à la maîtresse de maison leur amitié et leur admiration.

Mme Litvinne chanta donc, avec son style et sa voix unique, du Beethoven et du Schumann ;

Mme Mary Garden interpréta, avec un art subtil et une délicieuse poésie, des airs de la Tosca et de la Bohème ;


M. Gilly, de l'Opéra-Comique, fit acclamer son baryton chaleureux ;

enfin, entraînée par l'exemple, la délicieuse Marie Lecomte vint dire, avec la grâce spirituelle que vous lui connaissez des vers charmants.

 

On juge quel fut le succès de ces éminents artistes ...

Le Figaro, 15/7/1909

Deux soirées eurent, notamment, lieu dans le jardin au cours de l'été 1912 :
- un spectacle : le ballet Les Eternels Amants fut dansé dans le jardin, éclairé de projections électriques d'un effet féerique.
- une garden-party : "dans le jardin éclairé de feux mauves et irisés, ce fut une vision enchantante de délicieuses danses par des femmes du monde" (Revue Les Modes, août 1912).

Avant de présenter ses œuvres théâtrales chez elle, Ernesta Stern le faisait dans d'autres salons où elle était invitée : "La comtesse Louis Cahen d'Anvers a entrouvert aux intimes les salons de son splendide hôtel de la rue Bassano par un dîner suivi d'une soirée, au cours de laquelle on a eu la première de Fumée, une charmante bluette de Maria Star, pseudonyme de Mme Louis Stern, qui a obtenu un succès éclatant." (Le Gaulois, 19/2/1894).

Un participant de ses soirées théâtrales a écrit son portrait :

Mme Louis Stern est aussi, d'une autre façon, un écrivain polygraphe.
Ses pièces ! Les premiers acteurs de Paris les jouaient, il y a quelque trente ans dans son bel hôtel ; ils les jouaient comme ceux du XVIIIe siècle jouèrent celles de la marquise de Montesson, la tantâtre de Mme de Genlis, mariée secrètement au duc d'Orléans, devant une compagnie que la perspective d'un bon souper consolait de cet ennui en quatre parties.
Mme Stern ne se contentait pas d'applaudissements plus ou moins artificiels ; elle aimait la vie, le mouvement, la danse ; peut-être s'imaginait-elle que danser, c'est prier avec ses jambes ou bien encore que la danse est un acte d'amour et fait maigrir. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle dansait avec l'entrain d'une jeune femme de vingt ans, et elle se refroidit à mon endroit, parce qu'au bal, j'eus l'imprudence de lui confesser que je ne dansais plus. Avait-elle calculé que nous étions du même âge ? Je n'y pensais certes pas, elle fut froissée, je le sentis et cessai de fréquenter chez elle. Aussi bien la disparate entre les grâces nécessaires de la sylphide et cet enbonpoint trop accusé, me semblait choquante.
J'entendis souvent parler d'elle, de sa belle villa du cap Martin, de sa fastueuse hospitalité ; elle était charmante, pleine de verve, et je me suis laissé dire qu'elle avait donné dans l'occultisme, ne prenant aucune décision ou majeure ou mineure, sans consulter les esprits par les tables tournantes.

Victor Du Bled (1848-1927), auteur de plusieurs ouvrages sur la société française depuis le XVIe siècle, tenait la chronique mondaine des salons de Paris dans la Revue des Deux Mondes ; fondée en 1829 et toujours publiée, elle est la plus ancienne des revues françaises.

Maria Star à Venise

Ernesta Stern acquit un ancien palais construit au XVème siècle, à l'époque de la Vénétie byzantine, au bord du Grand canal. De 1909 à 1912, elle fit restaurer, aménager et décorer ce palais, fortement délabré, par l'architecte Giuseppe Berti et par Raffaele Mainella. Cet artiste, ami d'Ernesta, collabora avec elle pour plusieurs de ses œuvres architecturales et littéraires.

 

Raffaele Mainella (1856-1941) s'est consacré, après sa formation à la Royal Academy of Fine Arts de Venise, à la peinture et est devenu l'un des aquarellistes italiens les plus renommés.

Il a voyagé avec un baron suisse-allemand orientaliste en Egypte puis en Terre Sainte, y réalisant de nombreuses peintures.

Venu à Paris en 1901 pour exposer ces aquarelles et celles de Venise. resté en France, il a ensuite orienté sa carrière vers la décoration de villas, de jardins et de monuments. Il a, notamment, aménagé le château de Balincourt à Arronville (Val d'Oise) et son parc pour le roi des Belges qui venait de l'acheter en 1908.

 

La décoration de l'hôtel parisien de Louis et Ernesta Stern avait constitué le début d'une longue collaboration.

Si l'on voulait chercher une comparaison pour juger la splendeur mondaine de la Venise actuelle, il faudrait remonter aux plus belles années de grandeur et de luxe de la république. Les femmes qui se promènent sur la place Saint-Marc sont d'une si parfaite élégance qu'elles font songer aux anciennes Vénitiennes qui ne se vêtaient que de tissus d'or et d'argent, et que de rares fourrures.

Les hommes, cependant, ne peuvent être comparés aux anciens patriciens. On sait que ceux-ci, dans leurs costumes, rivalisaient d'élégance et de richesse avec les plus nobles dames, ne portant que costumes brodés, ornés de boutons de strass, que manteaux écarlates, tels que nous les montrent les estampes de l'époque. [...]

Mme Louis Stern, qui habite son nouveau palais du grand canal, est en train d'organiser une sérénade en l'honneur de la grande-duchesse Wladimir.

Le Gaulois, 9/10/1912


Marie de Mecklembourg-Schwerin, petite-nièce de l'empereur Guillaume Ier d'Allemagne, avait épousé le grand-duc Vladimir Alexandrovitch, troisième fils du tsar Alexandre II de Russie.

 


L’inauguration du palais, fin avril 1912, donna lieu à une grande fête.

 

Comme son hôtel de Paris, Ernesta Stern fit de ce palais un lieu de rencontres mondaines et de spectacles, jusqu'à la guerre. Elle n'y revint qu'après la fin des hostilités ; elle retrouva son palais intact mais l'époque ne se prêtait plus au faste d'antan et elle le vendit en 1924 ... avant de faire construire sa villa Le Cloître de Villennes. Le palais est devenu un hôtel de luxe, l'Hotel Palazzo Stern.

Le lobby et les parties communes de l'hôtel arborent des antiquités (une colonne datant du 2ème siècle), de splendides fresques, des meubles anciens, des chandeliers en verre de Murano, et une mosaique dorée, le tout créant une atmosphère romantique.

 

C'est Ernesta Stern qui fit trouver à son amie, la marquise Luisa Casati, le Palazzo dei Leoni, palais au bord du Grand Canal, qu'elle habita de 1910 à 1914.

Luisa Amann, épouse du marquis Casati Stampa di Soncino, marquise de Rome (1881-1957) fut une muse et une mécène de nombreux artistes. Mondaine extravagante, elle inspira plusieurs peintres, photographes, couturiers, créateurs de bijoux, ... Elle fut le modèle de plusieurs personnages de romans.

Les dessins d'Ernesta Stern

 

 

Elle avait un bon coup de crayon. Ce croquis du Prince de Galles, d'après une photographie, a été placé au début de son livre Quinze jours à Londres.

 

Elle a également réalisé les portraits de deux de ses amis.

 


Reynaldo Hahn, 189?
 

Raffaele Mainella, 1897

Les œuvres littéraires de Maria Star

Ernesta Stern était membre de deux sociétés, regroupant les écrivains français et les auteurs d'œuvres lyriques :

- la Société des Gens de Lettres de France, qui décernera un prix portant son nom :

. en 1928, à Gaston Roupnel, historien bourguignon, ruraliste et moderniste, pour son livre Siloë.
. en 1929, à Hippolyte Roy, auteur de plusieurs ouvrages historiques sur la Lorraine.
. en 1931, à Robert Vallery-Radot, auteur de divers ouvrages, notamment Lamennais ou Le prêtre malgré lui et de livres sur la franc-maçonnerie, à laquelle il s'opposait ; il a rejoint le régime de Vichy en 1940 et ordonné prêtre, il termina sa vie dans une abbaye cistercienne.
. en 1932, à Mathilde Alanic, auteur angevine d'une trentaine de romans principalement sentimentaux.
. en 1933 à Charles Dornier,professeur de lettres et poète.
. en 1934, à Maurice Duplay, auteur, notamment, d'un ouvrage sur Marcel Proust, dont il était un ami.
. en 1935, à René Behaine pour son œuvre en plusieurs volumes Histoire d'une Société, décrivant la vie bourgeoise d’avant 1914, dans les milieux les plus divers, des paysans aux cercles littéraires de la vie parisienne.
. en 1936, à François Tavera et Philéas Lebesgue ; le premier est principalement connu par un livre de science-fiction, tandis que le second était un poète, romancier, essayiste, traducteur et critique littéraire. Membre de la Ligue celtique française, il était le Grand Druide des Gaules, l'autorité spirituelle du Collège bardique des Gaules et développait un ésotérisme poétique.
. en 1938, à Jean Desthieux, écrivain et journaliste, fondateur de l'Académie méditerranéenne et de la revue Heures perdues ; il était un poète humaniste.
. en 1938 (?), à Joseph Ageorges pour La vierge sur le fleuve, le témoignage d'un chrétien catholique sur les milieux du grand journalisme et de la politique internationale.
. en 1948, à Paul Chacornac pour son ouvrage Le comte de Saint-Germain ; celui-ci et l'auteur étaient des spécialistes de l'ésotérisme.
. en 1971, à Simone Saint-Clair, pour un ouvrage de spriritisme, Le Flambeau Ardent, "qui a pour but de démontrer la réalité de la survivance et de proclamer sans réserves qu'elle doit être l'espoir de demain" ; l'auteur, journaliste et écrivain, qui fit preuve de courage pendant la Résistance, était membre du comité exécutif de la Fédération Spirite Internationale.
. en 1972, à Jean Barbier pour Amour sans frontière, Mère Térésa de Calcutta.
. en 1974, à André Besson, pour Le village englouti ; écrivain et journaliste, il est l'auteur de romans régionalistes et de livres documentaires sur la Franche-Comté. L'ouvrage primé a été adapté, en 30 épisodes, pour la télévision.

Ces divers exemples laissent penser que la Société des Gens de Lettres a porté ses choix, avant les années 1970, sur des auteurs, possédant certaines des caractéristiques de Maria Star, dont ce prix perpétue le souvenir. Ensuite, le nom d'Adrienne Cambry (1866-1939), elle même auteur de romans et de nouvelles, dont un ouvrage couronné par l'Académie française, fut adjoint au sien pour désigner le prix.

- la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, à laquelle Maria Star a déposé deux de ses drames lyriques.

La Bibliothèque nationale de France conserve 23 de ses ouvrages publiés entre 1896 et 1925, dont deux réédités :



Titre



Publication



Genre


Précisions
Au fil des pensées
1896
   
Autour du cœur
1897 et 1904
  avant-propos : Hugues Le Roux (1860-1925) ;
illustrations : Madeleine Lemaire
Quinze jours à Londres
1898
   
Impressions d'Espagne
1900
   
Ames de chefs-d'œuvre
1901
   
Terre des symboles
1903
  illustrations : R. Mainella
Chaînes des fleurs
1903
  illustrations : F. de Madrazo
Visions de beauté
1907
  illustrations : R. Mainella
Le Cœur effeuillé
1907
comédies illustrations : R. Mainella ;
musique : Reynaldo Hahn
Faut-il pardonner ?
1907
roman  
Sangre y sol
1912
drame en 3 actes coauteur du livret : Henri Cain ; musique : Alexandre Georges ; première représentation au Casino municipal de Nice le 1/3/1912
Qui l'emporte ?
1912
roman  
L'épreuve dernière
1912
mystère en 3 parties et 4 tableaux musique : Emile Nérini ; première représentation à l'Opéra de Monte-Carlo le 16/3/1912
Suprême amour
1914
roman préface : Henri Lavedan (1859-1940)
Le Baptême du courage
1916
  publié en février et mars 1916 sous la signature Ernesta Stern dans La Nouvelle Revue
Au soir de la vie
1920 et 1921
pensées  
Une vie manquée
1921
   
L'épervier d'or
1923
roman  
Sémiramis
1924
roman  
La reine des Atlantes
1925
roman  
L'île désenchantée
1925
drame musical en 2 actes et 3 tableaux

d'après Les grandes légendes de France d'Edouard Schuré ;
musique : Henry Février

Des impressions de voyages et des pensées

Maria Star a collaboré, de 1899 à 1903, avec la revue mensuelle illustrée Le Carnet historique et littéraire, devenue simplement Le Carnet, qui a publié sa comédie en deux actes La Serpe et ses Pensées, telles que celle-ci :
"Un homme de bons sens ?... Celui qui pense comme vous."

Cette revue a également présenté plusieurs de ses ouvrages :

Impressions d'Espagne (1899)

Ce livre contient des photographies prises par l'auteur.

L'auteur, c'est Mme Maria Star, dont on connaît les Pensées de haute psychologie. Elle a parcouru la péninsule, un « instantané » à la main, et c'est une gracieuse lanterne magique qu'elle fait dérouler devant nos yeux. Ses désillusions comme ses enchantements, Mme Maria Star les décrit de plume vive et enjouée. Si elle s'extasie devant l'Escurial et la cathédrale de Séville, elle n'éprouve pas pour l'Alhambra l'admiration qu'elle escomptait. Le côté pittoresque du récit est amené par les « gitanos » et leur chef le « duc d'Egypte », par « la plaza de toros » à Séville, par « les flirts en mantille », par les chants du chanteur populaire d'Andalousie, Paco el Sevillano.

Il faut lire ce livre sans prétention, écrit par une femme spirituelle et « sensible ». C'est une artiste aussi, car ses instantanés sont de charmants tableaux de genre.

 

La dédicace imprimée est la suivante : "A ma chère fille Marie-Louise, qui fut ma compagne de route pour qu'elle se souvienne des émotions de pittoresque et d'art que nous avons partagées. Maternelle affection."

Ames de chefs-d'œuvre (1902)

Cet ouvrage fut qualifié de livre d'art d'une parfaite exécution.

 

Ames de chefs-d'œuvre, notices symboliques par Maria Star, avec 51 héliogravures.

L'auteur, de ses nombreux voyages, a rapporté des impressions multiples, toujours originales, et l'idée lui est venue de choisir dans chaque pays une ou deux toiles, un ou deux marbres qu'elle présente au public, en quelques lignes, en regard de la taille-douce. Admirateur enthousiaste, lyrique ou ironique, suivant les cas, Mme Maria Star sait condenser sa pensée et intriguer le lecteur. Contemplez ces gravures — évocations assyriennes ou égyptiennes, Amour et Psyché, Hermès, de Praxitèle ; L'Antinoüs, le Gladiateur mourant, la Joconde, Henri VIII, de Holbein ; Charles-Quint, du Titien ; l'élite des Ecoles française et italienne, des Gainsborough et des Reynolds, des Boucher et des Velasquez, la Vision de sainte Hélène, de Véronèse, etc. — mais n'oubliez pas de lire ces notices.

« Ce n'est pas un commentaire, a dit M. Hugues Leroux dans sa préface, ce n'est, ni de près, ni de loin, une prétention critique. C'est un élan de gratitude vers la beauté qui réconforte, une réflexion devant l'histoire évoquée, un songe devant le rêve du génie qui nous fait penser. »


Chaînes de fleurs (1903)

En un livre très artistique, où se profilent des portraits de femmes connues de la société, signés Madrazo, Maria Star publie de charmantes nouvelles, où elle a mis son esprit vif et son cœur sensible : tristesses d'amants, déceptions ou joies, scènes dramatiques, défilent tour à tour, et on lira avec intérêt ou émotion : Par le sacrifice et Si Jeunesse savait, Oublie-t-on ? et Menteuse par amour. Les ciels de saphir et les soleils pourpres d'Egypte et d'Italie éclairent ces pages de lumière et de vie.

Raymundo de Madrazo, peintre espagnol qui vécut à Paris, était un portraitiste célèbre dans la société de la Belle Epoque. Il avait épousé Maria Hahn, sœur de Reynaldo Hahn. Leur fils Frédéric écrivit, avec Jean Cocteau, des livrets de ballets, sur des musiques de Reynaldo Hahn.

Terre des Symboles (1903)

Mme Maria Star publie un nouveau volume : La Terre des Symboles, édité avec grand soin par la Gazette des Beaux-Arts. Voici comment l'auteur exprime la genèse d'un livre qui est appelé à faire sensation non seulement, dans les milieux artistiques, mais dans les clans littéraires où depuis longtemps Mme Ernesta Stern a conquis une place indiscutée :

« Le voyage a toujours été pour moi un but d'instruction et de distraction, un repos, une joie, une manière aussi de fuir les devoirs mondains, une sorte de récompense que je m'accorde après la fatigue fiévreuse de la vie quotidienne. Mais, seule, la terre d'Egypte m'a communiqué au cœur une émotion presque religieuse, si profonde, que c'était avec respect et humilité que je foulais ce sol sacré, que j'admirais les ruines augustes, encore vivantes, malgré les siècles accumulés.
« Envahie par le culte de l'Egypte, fascinée par son soleil fulgurant, par les phénomènes multiples auxquels est soumis le Nil, par la fécondité miraculeuse de ce sol béni, j'ai écrit sur place, et au cours de mon voyage, il y a deux ans, ma Terre des Symboles.
« J'ai été admirablement secondée par le peintre R. Mainella, un Italien de Venise, un fervent du culte d'Isis, qui m'avait accompagnée dans mon voyage, et qui, avec une rare poésie, a su interpréter fidèlement ma pensée... »

C'est Mme Maria Star qui s'exprime ainsi. Modestement, elle attribue la meilleure part du succès à ses collaborateurs. Ce qui prouve, ce que nous savions déjà, que Mme Ernesta Stern a autant de cœur que d'esprit. La Terre des Symboles est digne de ses devanciers : Ames de Chefs-d'œuvre, Impressions de voyages, Pensées, etc.


Cet ouvrage, comme plusieurs autres, concerne un voyage que Maria Star a effectué :

elle l'a écrit "sur le Nil" en février 1901.

Illustré par le peintre italien Raffaele Mainella de dessins et de délicates aquarelles, il décrit des vestiges de l'antiquité égyptienne, en s'attachant aux divers symboles qu'ils contiennent.

La dédicace, imprimée sur la première page, est la suivante :
"A ma chère fille Lucie, qui a partagé mon culte pour la terre des Symboles".


Isis, sœur et femme d’Osiris, mère d’Horus, est le type de l’épouse et de la mère idéale. Les Grecs, puis les Romains, l'ont fait entrer dans leurs panthéons respectifs.

Son culte se déceloppa hors de l’Égypte dans le monde gréco-romain, notamment en France, en particulier dans le Bassin Parisien ; il était encore le plus pratiqué en Europe, au IVème siècle.

Le nom même de Paris (Parisii) pourrait bien signifier "Temple d’Isis". Tous les lieux de culte d’Isis devinrent ceux de Jésus-Christ.

 

Quinze jours à Londres (1898)

En cliquant sur l'image de la page de garde, vous pouvez télécharger, à partir du site Gallica de la BNF, la version numérisée du récit de son voyage à Londres , à l'occasion du Jubilé de la reine en 1898.

Il commence ainsi :

Au début de ses notes sur L'Angleterre, M. Taine loue l'habitude qu'ont les Anglais, — non pas seulement l'écrivain de profession, l'historien, le philosophe, mais le simple touriste qui est venu passer une semaine sur le continent, — de fixer au retour, en quelques pages sans prétention, les impressions de sa promenade. J'ai voulu suivre ici, ce bon exemple. J'espère que les Anglais qui pourraient me lire m'approuveront de les avoir imités. Pour les Français qui jetteraient les yeux sur ces pages, je leur demande de s'associer, — avec l'indulgence que l'on doit à la sincérité , — aux réflexions que m'a inspirées, comme sans doute à tant d'autres, le spectacle d'une nation fêtant sa fidélité de soixante ans à une Reine glorieuse.

 

Visions de beauté (1906)

L'habile et harmonieux écrivain qui se dissimule sous le pseudonyme à présent célèbre de Maria Star — Mme Ernesta Stern — publie un volume nouveau et qui est une merveille d'art. Visions de beauté, c'est le titre de ce recueil, est dédié à Eleonora Duse, « qui incarne la beauté et l'art ». L'œuvre vaut la dédicace.

L'auteur a groupé les impressions les plus belles que lui aient laissées, au cours de voyages choisis, les paysages de lumière ou d'histoire. Impressions variées comme la Nature et, comme elles, ordonnées de rythmes secrets ; impressions heureuses ou tristes, nuancées des reflets de l'heure ou des teintes de la pensée. Londres, Venise, Naples, Ravenne, Constantinople, Bruges, Tolède, Taormina,— ces poèmes en prose sont datés de ces villes inspiratrices ; un autre est daté « des étoiles », et il dérive, en effet, de la contemplation du ciel nocturne, plein de lueurs et de rêves...

Un peintre délicat, M. Mainella, d'un talent subtil et d'une poétique imagination, a illustré ces pages des images les mieux faites pour donner à l'idée de l'écrivain le plus juste accompagnement. Deux arts sont unis pour faire de ce livre un double chef-d'œuvre.

Le Figaro, 13/12/1906



 

Visions de Beauté, par Mme Maria Star. (Paris, Frazier-Soye, éditeur). — Il faut réellement une très grande audace pour entreprendre l'expression parlée des paysages connus. Cela exige, d'abord, un sens très exact de la beauté représentative ; et ensuite, afin de ne point tomber dans la banalité, une interprétation nouvelle et curieuse des visions extérieures. Il faut donc louer cette admirable artiste qu'est Mme Maria Star d'avoir eu cette audace. Et puis il faut grandement se réjouir de la voir atteindre son but et réussir entièrement dans l'œuvre qu'elle s'est proposée.

Promenant à travers le monde un tempérament merveilleusement sensisif et compréhensif, Mme Maria Star s'est intelligemment ingéniée à synthétiser en de sobres et courts commentaires, l'âme vibrante des beautés plastiques et artistiques qui frappèrent ses regards avertis. Dans une langue exquisement châtiée elle a voulu nous indiquer ce qu'elle avait ressenti en contemplant le monde et la nature. Certes il ne faut point chercher en ces brèves notes une doctrine ou une thèse généralisées. Chacun contemple la nature selon les aspirations mises en lui parla divinité ; et vouloir monopoliser à son profit sentiment, sensation ou vision serait une absurdité aussi grande que vouloir imaginer une âme identique à tous les âmes d'une race ou d'un pays.

Ce qui en général frappe le plus Mme Maria Star — qui, en même temps qu'un écrivain de premier ordre, représente une érudite solidement avertie — ce sont les rapports qui existent entre l'extérieur d'un objet, d'un paysage ou d'une œuvre qui frappent ses yeux et l'évolution historique de la race humaine devant cet objet, ce paysage ou cette œuvre. Cela est tout à fait ingénieux et louable. Mme Star, surtout, a su éviter la longueur et la fastidieuse énumération de sensations que d'autres avant elle ou avec elle, eussent pu éprouver.

Elle a seulement conservé de la vision ce qui est original et neuf, ce que personne avant elle n'avait dit. Et sans doute son exquise sensisibilité l'a mise à même de nous donner une synthèse tout particulièrement attrayante de la beauté naturelle. Vraiment j'ai été très frappé par ce volume. L'époque actuelle — voyez les romans et les poèmes — tend très rigoureusement à revenir au sentiment de la belle nature. Il est peu douteux que nous n'abandonnions peu à peu les raffinements exacerbés de la contemplation muette de nous-mêmes. Les psychologies minutieuses, vétilleuses aussi, commencent à fatiguer outrageusement. On se lasse de la trop grande insistance des écrivains à analyser frénétiquement les atomes infinitésimaux des cerveaux, des esprits et des cœurs. D'autant plus que les temps modernes nous montrent souvent des intellectualités assez peu ragoûtantes ! Revenons sagement au sentiment doux et merveilleux de la nature. Combien nous puisons en elle de bonnes et profondes pensées ! Et combien, en somme, nous existons en elle comme elle existe en nous. Des écrivains comme Mme Maria Star nous rappellent si heureusement, si philosophiquement, et aussi si rieusement, que nous pouvons nous voir nous-mêmes, en plus clair, en plus hautain, en plus heureux, dans les beautés naturelles des paysages. [...]

F. CHARLES MORISSEAUX.
Le Thyrse, revue mensuelle d'art, Bruxelles, 1906-1907

Autres visions ....

La revue Vers et Prose a publié, dans son édition de 1909, un texte de Maria Star sur la Bretagne. L'année suivante, elle a signé, dans cette revue, plusieurs descriptions de paysages italiens, nommées Visions (de Florence, du lac de Bolsenna, de la Lagune, de Toscane, des Abruzzes), illustrées de photographies.

Voici le texte de sa Vision de la Lagune, celle de Venise, à laquelle elle est particulièrement attachée :

Il avait plu la veille sans discontinuer.
La matinée avait mal débuté, aussi un ciel bas et gris, une pluie fine et persistante semblaient présager une journée morne. Ailleurs la pluie est quelquefois bienfaisante ; à Venise elle est une criminelle. Mais vers dix heures, la pluie soudain cesse, et aussitôt avec une rapidité inattendue, une brise fraîche balaye et refoule au loin les nuages couleur d'acier. Des tâches d'un azur pâle et limpide apparaissent au ciel comme des plaques d'émail ; de petits nuages blancs les encadrent tels que de minces fils de plomb sertissant un vitrail. La lumière victorieuse court fébrile sur la Lagune, s'engouffre dans le canal, fait chanter les ors des coupoles et des mosaïques, accroche une note vibrante aux carreaux des fenêtres, revêt de splendeur les palais, palpite à la cime des campaniles et rallume dans sa Venise adorée, l'éclat de sa splendeur accoutumée. Il fait beau : quelle joie, quel délire. Et ce délire se communique à chaque être humain ; les figures s'épanouissent pendant que le soleil triomphant, souverain un instant contesté, reprend possession de son trône et se venge avec noblesse, en réchauffant, en consolant, en embellissant cette matinée d'octobre qui semblait compromise.
En une silencieuse chaloupe, nous allâmes en cette journée d'apothéose à l'île San Francesco del Deserto. La route qui y mène à travers la Lagune muette est bien connue. Tous les pèlerins du Beau l'ont traversée, l'ont aimée, l'ont admirée. Cependant il nous semble que chacun y a éprouvé des impressions différentes, car l'eau ainsi que la musique, ont une adaptabilité et une sensibilité particulières, qui se façonnent selon notre état d'âme. Aujourd'hui, la nappe d'eau uniforme m'est apparue comme une promesse d'apaisement. Ce n'était plus l'eau des canaux et pas encore celle de la mer ; c'était comme une immense prairie de nacre aux tons multiformes et doux, infiniment. Sans bruit, sans faste, comme il sied à la douceur, au calme, au bonheur tranquille, la Lagune s'étendait à perte de vue, jalonnée par les gros poteaux de bois, indicateurs du chenal, sur lesquels se pose de temps en temps quelque mouette aux ailes éployées. Il régnait un silence émouvant, dépourvu de tristesse, car le soleil y fulgurait. Tout au fond, crêtée de nuages, se profilait la jolie chaîne des Alpi Giulio, donnant ainsi une assise au tableau. Sans elle, nous aurions pu nous figurer de traverser un paysage irréel, un mirage magnifique, d'où émergeait de temps en temps quelque île enchantée. Les maisons rouges ou blanches, apparaissaient comme les fleurs des eaux, épanouies sous les rayons du soleil. De temps en temps, une voile couleur de rouille, gonflée par la brise, glissait gracieusement sur l'eau qu'elle ennoblissait soudain, tel un trophée mouvant. Les poteaux, les maisons, les voiles reflétaient, s'étiraient, se prolongeaient en longnes spirales dans le miroir limpide et ajoutaient des gemmes multicolores à la pureté immaculée de l'eau.
A un brusque tournant de la route voici San Francesco del Deserto :
Quel émerveillement !
Devant nous, sur cette plage nue, uniquement parée de lumière, se dressent superbes, en leur vêtement de velours vert sombre, de sveltes cyprès. Leur vue est inattendue sur cette nappe d'eau uniforme. Ils apparaissent comme les sentinelles hiératiques de l'église et du couvent des moines, comme les protecteurs des Franciscains qui s'abritent sous leurs ombrages. C'est une vraie citadelle de paix et de recueillement que nous allons aborder.
Plus à droite, du côté où l'île n'offre aucune végétation, un pin parasol, un pin unique, se reflète dans l'eau. Il a l'air un peu dépaysé, mais si touchant dans sa grâce frêle et pensive. Une cloche tinte appelant les fidèles aux Vêpres, on dirait une cloche d'argent, tellement le son est magnifié et enrichi par la répercussion de l'eau. Et cette eau limpide reflète fidèlement les cierges d'émeraude qui s'élancent vers le ciel, comme l'oraison pieuse des fidèles. Leurs silhouettes se prolongent dans l'onde indécise, hachée, hésitante, torturée peut-être comme l'âme de ces exilés volontaires des joies de la vie.
Cependant nous reprenons la route de Venise, le cœur débordant d'admiration pour la beauté simple et touchante de cette île enchantée. Déjà le soleil baissait rapidement ; les montagnes qui naguère se détachaient en bleu tendre sur la ligne de l'horizon, étaient maintenant transformées en couleur d'améthyste. Devant nous se profilait, en ombres chinoises, la ligne pure de la Cité belle ; au-dessus d'elle, le ciel était devenu une masse d'or liquide et phosphorescente, un vrai miracle de beauté. Nous étions parvenus à Venise. En débouchant par le canal qui mène à l'Arsenal, nous aperçûmes les Giardini, le Lido et la place Saint-Marc déjà noyée, comme alanguis, en une pénombre violette. Une grosse échancrure de clarté translucide, vibrait encore au-dessus de San Giorgio Maggiore ; c'était comme une clarté sans rayons, qui palpitait au ciel vénitien, malgré la disparition du soleil. L'église de San Giorgio s'y détachait comme un grand fantôme noir ; son campanile effilé semblait une lame, menaçant les nues. Au-dessus de lui, pendant quelques minutes, se joua une de ces admirables transformations de couleurs, qui communiquent à l'âme une impression surnaturelle abolissant la parole, exaltant la pensée. Les tons mauves, roses, chaudron, dorés s'y succédèrent, s'y mêlèrent, s'y confondirent. Enfin l'ombre, s'avançant inexorable à la fois par le Lido et la Giudecca, s'agrandit, se referma sur la clarté, enveloppant ces enchantements dans le manteau de la nuit. Une étoile brilla ; l'eau prit cette teinte indéfinissable qui n'est ni l'ombre opaque ni la clarté franche, une teinte neutre, qui favorise en l'isolant le frémissement de vie, dans cette eau que l'on sent vibrer même dans l'obscurité.

4 octobre 1908.

Autour du cœur (1897 et 1904)

La gazette des Beaux-Arts, qui a édité plusieurs des livres de Maria Star, a présenté, la deuxième édition de celui-ci :

Mme Maria Star a le goût des livres précieux. Elle aime les illustrations rares environnant les pensées subtiles ; elle se plaît à mettre une prose travaillée et miroitante parmi les splendeurs des aquarelles et les austères beautés des gravures. [...] Aujourd'hui, elle publie un recueil de pensées sous le titre Autour du cœur, ou plutôt elle vient de donner une forme nouvelle à un livre ancien qu'elle a revu et refait. L'objet de son étude est cette fois tout intérieur et immatériel ; elle médite, et elle exprime ses méditations. Elle scrute le mystère des consciences, des imaginations et des entendements ; elle cherche les nuances, fixe nos pensées mouvantes, immobilise dans les mots les impressions les plus fugaces, les désirs et les rêves. Cet art d'écrire des pensées, qui a fait la gloire de nos moralistes, a toujours été cher aux femmes. C'est jadis dans un salon, et parmi de spirituelles dames, que La Rochefoucauld commença de s'exercer aux « maximes », et quelques-unes de ses contemporaines excellaient à ce jeu. Les maximes ont continué d'être un genre aimé des femmes qui écrivent.

 

La « pensée », qui est l'âme de ce livre, y est sans cesse présente matériellement sous l'aspect de la fleur qui porte ce nom. Le thème de l'ouvrage s'offre aux yeux du lecteur en même temps qu'à son jugement. Mme Madeleine Lemaire a répandu sur les pages toute une floraison multicolore. Tons violets et vigoureux, tons jaunes et brillants, tons pâles et doux, ce sont partout des pensées. Elles se distribuent harmonieusement dans les hauts de pages, le long des marges, autour du texte même ; elles s'écrasent dans les feuillets roses, gris-blancs et lilas, comme si elles les avaient teintes de leur sang de fleur elles s'éparpillent, du commencement à la fin, tombant une à une du même bouquet, et donnant sur le papier qui les a reçues et gardées un parfum mystérieux, une mélancolie de fleur qui s'effeuille. Ainsi les « pensées » de l'artiste, jetées à pleines mains, au hasard, avec le charme de l'inattendu, enguirlandent les « pensées » de l'écrivain, tantôt les couronnant, tantôt leur faisant cortège, proposant toujours leur symbole. Les unes et les autres ont leur unité c'est partout la même fleur, c'est partout le même cœur humain. Mais, ici et là, que de nuances ! C'est une gracieuse idée que cette illustration florale sur un même thème, si heureusement mariée au texte ; c'est là quelque chose de plus qu'une illustration mise pour l'ornement c'est un exact et sincère symbole.

On ne saurait ici résumer le livre de Mme Maria Star. On ne résume point, d'ailleurs, une série de maximes dont chacune est un tout complet. Il les faudrait citer ; il les faudra lire. Elles sont groupées, selon le sujet où elles se rapportent, en cinq chapitres Caractère, Mérite, Amour, Cœur, Littérature. Ce sont tantôt des définitions, tantôt des observations où l'auteur semble mettre en pratique cette idée exprimée par elle-même : « Une pensée qui n'est pas formulée dans le moule des mots flotte indécise comme un nuage ; un souffle de vent l'emporte ». Mme Star a épargné à ses méditations ce destin fâcheux ; elle leur a donné une forme qui les retienne et les fixe. Elle a apporté dans ce travail un grand souci de l'art, et ce souci même n'a pas été sans joie. Il est visible que, pour l'auteur, la recherche de la beauté trouve en soi sa récompense, et l'on ne saurait mieux faire, pour définir l'enthousiasme, le zèle littéraire qui anime son livre, que de citer l'une de ses maximes : « Avoir le culte du beau, c'est une façon d'adorer Dieu. »


LES LEGENDES DE VENISE

L'âme si troublante et si complexe de Venise ; le secret de ses marbres, de ses nuits, de ses eaux vertes, tout ce qui constitue, pour le poète, sa religion, son humanité, son mystère et sa beauté ; la Venise d'autrefois, celle que nous eussions voulu connaître et qui revient éternellement dans les histoires d'amour, de volupté et de mort que nous conte le gondolier de sa voix mélodieuse et grave ; cette Venise déjà lointaine et que pourtant l'on sent encore toute proche, tant elle frémit et palpite dans le silence des pierres, dans l'ombre qui descend, dans la brise qui caresse, dans la gondole qui passe : cette Venise obscure, une artiste au cœur vibrant, une Vénitienne qui a gardé le culte enthousiaste et pieux de la cité merveilleuse, nous l'évoque aujourd'hui dans la forme la plus imprévue et la plus opulente....

Maria Star, qui n'est autre, comme on le sait, que Mme Louis Stern, ne s'est pas contentée, de recueillir les légendes de Venise et de ressusciter en un style admirablement imagé les plus morts souvenirs qui courent la lagune, ces épopées féeriques vécues à moitié, rêvées à demi par le peuple vénitien... Elle les a réunies en un volume. dont le peintre Mainella a illustré les pages avec un art où se révèle un coloriste, un imaginatif d'une originalité et d'une fécondité d'inspiration prodigieuses. Nul mieux que lui n'a su rendre dans ses dessins symboliques les clartés irréelles, les adorables demi-teintes, toute la gamme des nuances subtiles et infinies du ciel de Venise. Ses encadrements sur bois ont la finesse des dentelles anciennes, ses gravures ont la flamboyante tonalité des antiques vitraux. Il a fait de ce beau livre une sorte de Missel rare et précieux, qu'on ne se lasse point de feuilleter...

Le Figaro, 25/12/1908


Le même journal publiera, le 15 mai 1912, "une pittoresque description de la cérémonie d'inauguration du Campanile à laquelle elle eut le privilège d'assister. Ces notes, écrites au lendemain de la solennité, donnent la physionomie vivante de cette belle fête de patriotisme et d'art, telle qu'elle a été observée par une vénitienne qui est en même temps une artiste très fervente et très avertie".

Des pensées et des romans

Des analyses de quatre de ses romans ont été publiées, de 1910 à 1914, par la revue Les Annales politiques et littéraires, rappelant qu'un romancier l'a comparée à George Sand :

Les Deux Gloires (ouvrage ayant fait l'objet d'une nouvelle édition le reproduisant, en 2010)

L'amour, l'amour encore avec les Deux Gloires de Mme Maria Star... La gloire des formes, la gloire de l'âme, deux grands objets d'amour qui se partagent notre cœur, ce pauvre cœur d'homme ou de femme, accessible à la fois aux faiblesses et à l'héroïsme. C'est une très haute idée, très vraie, très humaine, mais très féminine aussi, qui a fait prendre la plume acérée du romancier psychologue à cette rêveuse, à cette errante, qui nous a laissé des pages évocatrices, feuillets épars magnifiquement rassemblés sur l'Egypte et sur Venise. Les deux gloires, ou, plutôt, les deux pôles lumineux, qui attirent successivement, et parfois en même temps, les Eves, sollicitées aussi bien par l'ange des Paradis perdus que par le serpent des Edens terrestres. Cette lutte intérieure, ce dédoublement de l'âme, ces chutes vers la passion, à travers lesquelles persiste l'ascension vers l'idéal, sont poignants et beaux, parce que même dans les défaites s'attestent alors la noblesse de la vie, la grandeur de notre humanité qui ne nous est pas donnée d'un coup, mais que nous créons lentement, nous-mêmes, dans la bataille, la volupté et la douleur.

La si charmante Paola, l'héroïne des Deux Gloires, est bien une Italienne, elle qui, tout d'abord, est attirée par la splendeur des formes et les sensualités de la vie ; mais, dès sa plus tendre jeunesse (l'auteur a raison de nous le faire entendre), l'âme tourmente sa chair par des pressentiments et des élans purs. C'est la poésie, c'est la musique, c'est, en somme, déjà l'amour de l'autre gloire, la gloire d'être plus grande et meilleure, qui perce déjà sous les éblouissements et les ivresses de la beauté des corps.

C'est Michelet, je crois, qui a écrit que la femme ne pouvait se réaliser entièrement, soit dans le bien, soit dans le mal, que selon l'homme rencontré et aimé. Renan même a formulé cette idée, ou, plutôt, cette vérité d'expérience en un aphorisme, où une ironie discrète se revêt de mysticisme. « La femme, a-t-il écrit, doit aimer l'homme, et l'homme doit aimer Dieu », c'est-à-dire, laïquement parlant, l'idéal et ses devoirs dont l'amante aura par lui l'intuition et le respect. Mme Maria Star, qui a dédié à la grande romancière italienne, Mme Matilde Serao, son premier roman, aurait pu prendre comme exergue cette petite phrase citée plus haut et extraite du Prêtre de Némi.

En effet, Paola, que trouble et trompe la joliesse perfide d'Aldo Fiorelli, mince, souple et fort « comme un fleuret », dit-elle, finit par recevoir la définitive empreinte de ce Gérard qui l'aima comme un père et un époux, la releva, lui pardonna et, en mourant, lui légua sa devise: « Labeur et Charité ».

Les dernières pages des Deux Gloires m'ont particulièrement ému par leur élévation, faite de renoncement aux ivresses inférieures et de sincère aspiration vers une existence grave et dévouée :

Tout souffre, ici-bas, d'une commune misère : la plante, la fleur, la bête, l'homme. Et je sentis une pitié immense envahir mon cœur. Les souffrances de la nature entière trouvaient un écho dans mon âme. J'étais sauvée, je ne pensais plus à moi.

Seule, je suis seule au monde, à quarante ans ; ma fatale beauté a gâté ma vie ; j'avais cru que la beauté était la vraie gloire d'ici-bas; je comprends enfin, grâce à l'exemple de Gérard, qu'il est aussi, dès cette vie, une autre gloire, impérissable celle-là : la beauté de l'âme.

« J'étais sauvée, je ne pensais plus à moi... » Voilà une phrase profonde qu'hommes et femmes devraient méditer. M. Charles Foley, qui, romancier très goûté, sait encore être un critique averti, a eu raison d'écrire que les Deux Gloires évoquaient le souvenir de deux œuvres de George Sand : Leone Leoni et Jacques. C'est un très bel éloge. Comme chez George Sand, le romantisme rend parfois excessives les métaphores de Mme Maria Star ; il est vrai que les orages du récit gonflent les mots, comme les autres orages la mer. D'autre part, la simplicité est l'aboutissement de l'art. On y arrive lentement. Mais l'auteur des Deux Gloires a, entre autres, cette gloire déjà de réagir contre la « religion du plaisir », dont trop de romancières se font les prophétesses. Elle met plus haut le Devoir et la Bonté. Son roman en tire une grâce plus sereine.


Faut-il pardonner ?

Faut-il pardonner ? Mme Maria Star nous laisse dans l'expectative. Elle pose la question sans la résoudre, ni dans son titre, ni dans son roman. Faut-il pardonner ? qui succède à une étude psychologique des plus raffinées : Les Deux Gloires, que nous avons précédemment analysée, témoigne d'un véritable progrès pour le style et pour la composition. Maria Star, qui est femme, fait commettre la faute par l'homme. Pour lui, la société est beaucoup plus indulgente et, d'ailleurs, il a coutume d'user volontiers et plus souvent du mauvais privilège. Maria Star voit juste : tout en continuant à aimer Viviane de Beauvoir, Olivier a des faiblesses pour une petite actrice. Hélas ! le caprice a des raisons que le cœur ne comprend pas. Il nous arrive d'avoir les pieds d'argile tout en gardant une âme délicate. En ceci, le « Masculin », pour employer déjà une expression que M. Paul Hervieu va rendre populaire, est plus fragile encore que l'Eternel Féminin. L'idée secrète de Maria Star est que l'amoureuse, ayant placé très haut son amour, est désenchantée et blessée d'une trahison, — jusqu'à ne pouvoir en guérir... Elle ne cessera pas d'aimer, mais elle cessera de dire qu'elle l'aime à celui qui l'aime mal ; d'autant que, dans le cas de Viviane, le devoir ne saurait intervenir. Elle a abordé dans cette île de la passion qui, même supérieure, ne connaît d'autres lois que celles de la confiance réciproque et de la réciproque loyauté. Je regrette de devoir écourter une étude aussi intéressante que profane et de ne pouvoir discuter des problèmes que la vie ne proposera que trop tôt à de jeunes âmes. Félicitons Maria Star d'être restée idéaliste aussi bien dans les élans de la tendresse que dans les refus orgueilleux d'un cœur outragé. Ce livre, écrit par une femme, nous propose des leçons et nous révèle des crises de sensibilité, que les romanciers masculins négligeaient en abordant les mêmes sujets ; mais ces divers tableaux se complètent et s'éclairent. Le cœur humain réclame, pour sonder ses énigmes, des investigateurs de doctrines et de sexes différents.

Qui l'emporte ?

Rien n'éveille plus de problèmes intéressants et subtils que le thème éternel des tendresses partagées. Les femmes, mieux que nous, peut-être, sont appelées à les poser et même à les résoudre. Faut-il pardonner ? se demandait, hier, Mme Maria Star. Aujourd'hui, elle interroge encore le cœur de l'Eve moderne : Qui l'emporte ? lui dit-elle ; oui, qui l'emporte de celui qui a parlé à l'âme ou de celui qui fut l'excitateur de passion ? Cette psychologue ardente, par son roman très humain, aux descriptions impressionnantes et aux perspicaces analyses, répond que chacun peut avoir sa part et que, dans le cœur féminin, il y a aussi plusieurs demeures... Mais là où il faut apprécier à sa juste mesure le haut bon sens de cette investigatrice, c'est qu'elle ait donné la victoire au père de l'enfant. La maternité suggère vraiment à la femme des lueurs supérieures, que le raisonnement et les autres instincts ne sauraient lui communiquer. Là est le devoir, là est aussi la lumière. Il n'empêche que la lutte peut être longue et douloureuse. Nous sommes une âme et une chair. Victor Hugo s'est écrié, à propos de l'Eve primitive : « Argile idéale, ô merveille ! » Mais cette argile a écouté le serpent... Et, longtemps, il en sera ainsi, selon le profond enseignement de la Bible. Le mal n'est pas tant d'écouter le tentateur que de lui laisser le dernier mot. Mme Maria Star fait triompher la voix de la Race. Et, là, elle est d'accord avec la loi humaine et la loi divine.

Depuis ses premières productions, je suis avec un intérêt croissant les œuvres de Maria Star. Elle a rendu son style de plus en plus souple, exact ; elle a construit Il était son dernier récit avec une adresse véritable. Grande voyageuse, elle a beaucoup vu et, selon le conseil du fabuliste, « beaucoup retenu ». Les paysages de la Bretagne et de l'Egypte ont trouvé en elle un peintre épris de leurs splendeurs diverses et même contradictoires. L'amour, grâce à de tels cadres, se nuance, s'amplifie, se révèle dans son innombrable variété, qui s'unifie aux profondeurs de l'être. Qui l'emporte ? Le talent féminin dans les mystérieuses promenades au dédale intime. Le sphinx des Pyramides n'est-il pas la Sphinge, — une femme ?

Suprême Amour

Par une heureuse amphibologie, le titre du dernier roman de Maria Star, Suprême Amour, désigne également le dernier amour d'une femme, presque l'automne d'une sainte, et l'amour le plus élevé qui, dans un cœur d'incrédule, s'exalte jusqu'à la foi. Un jeune Florentin désespérait de vivre parce qu'il ne croyait plus. Providentiellement, il est dépêché, à Grenade, auprès d'une veuve de quarante-six ans, qui entreprend son salut. Elle le sauve, en effet, par l'ardeur même et la pureté de la passion qui les unit, du sacrifice qui les sépare, et, quand il meurt de phtisie, il naît à la vie éternelle : noble sujet, d'une spiritualité un peu romantique, mais baigné de lumière latine, et qu'Henri Lavedan lui-même nous recommande en une discrète et exquise préface.


L'anneau d'or aux six colombes

 

Cet ouvrage est dédié à Gustave Schlumberger (1844-1929).

Historien et numismate, il était spécialisé dans l'histoire des croisades et de l'Empire byzantin. Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, président de la Société des antiquaires de France, il a écrit environ 200 ouvrages et articles.

 

 

En des pages d'un coloris éclatant comme un décor de Bakst, Mme Ernesta Stern évoque, à la faveur d'un roman d'amour, de volupté et de sang, une des périodes les plus florissantes de l'histoire byzantine.

« Byzance ! écrit l'auteur aux premières lignes de son livre : Centre de l'univers, foyer de grandeur et d'incohérence, de luxe inouï et de misère abjecte, mélange fantastique d'orgueil et d'humilité, de beauté et de laideur, de vertus et de vices...


Byzance ! Clef de l'Europe et sentinelle de l'Orient, flambeau du monde, initiatrice de l'art, civilisatrice et corruptrice à la fois, rapace et vindicative, gorgée de butin, unissant l'insolence asiatique à l'énergie de l'occident, passionnée de conquêtes, repue et pourtant toujours assoiffée de sang, cité des Césars qu'un peuple avili adorait à genoux... »

Le drame tumultueux dont Mme Ernesta Stern nous conte les péripéties avec un art à la fois vigoureux et subtil se déroule vers la seconde moitié du dixième siècle, époque à laquelle Byzance vient d'atteindre l'apogée de sa grandeur. [...]

Le Figaro, 14/3/1920

L'Epervier d'or

Une excellente critique du roman de Maria Star fut publiée par le journal Le Gaulois, suivie de l'avant-propos de l'ouvrage, qui nous explique son attirance par l'Egypte.

 

Ajoutant un fleuron de plus à une œuvre aussi riche que variée, Mme Louis Stern, sous le pseudonyme bien connu de Maria Star, publie aujourd'hui un nouveau roman. Cette œuvre abondante en tableaux magnifiques, vivante et vibrante, pleine de connaissance et d'érudition nous conduit aux rivages enchantés de la Terre des Pharaons. L'Epervier d'or ouvre ses ailes vers le succès. Ce qu'est ce livre, l'auteur vent bien nous l'expliquer dans cet avant-propos que nous sommes heureux de publier et qui dit mieux que nous ne le pourrions faire tout ce qu'il renferme d'attraits mystérieux.

J'ai toujours aimé à remuer les cendres du passé et à évoquer une époque défunte. Mais ce fut surtout en Egypte, sur la terre des Symboles, dans la patrie des Pharaons, que je me plus à ressusciter ceux qui, depuis des siècles, dormaient sous le sable roux du désert ; il me semblait que rien n'était mort de cette plage magique et que les ruines augustes que j'admirais, la terre brûlante que je foulais, gardaient intactes l'ardeur et l'empreinte de jadis.

Oui, je l'avoue, j'aime à me plonger dans les temps fabuleux, à reconstituer une page d'histoire, un cri de douleur, une exaltation amoureuse, un acte glorieux. J'aime à mettre à nu les passions, les vices et les vertus qui jadis animèrent les corps vivants. Rien n'est entièrement disparu de ce qui a vécu. Il traîne encore dans les endroits qui furent le théâtre de grands événements, quelque chose de l'autrefois indélébile. La vitalité, le fluide, l'âme ne sont pas de vains mots ; ils laissent ici-bas d'impérissables traces. Il suffit de se concentrer, de méditer, de s'isoler, d'écouter les mille frémissements de la nature, la cadence de la mer, le rugissement du vent, le bourdonnement des mondes, de suivre dans les cieux la marche des nuages, et pendant la nuit d'épier le scintillement des étoiles, pour s'imprégner des forces universelles qui ont présidé au passé, comme elles président à nos instants. Elles sont le moule de l'humanité. J'acquis ainsi la certitude que ce passé sourit encore dans le présent et influence l'avenir. Ceux qui ont existé réviennent pour de nouvelles pérégrinations terrestres. Ils recherchent instinctivement et anxieusement les endroits qu'ils ont habités et animés de leur présence. Ils laissent après eux une marque ineffaçable, comme une traînée d'amour et de regrets qui ne peut jamais disparaître. Car le bouillonnement de la vie et l'intensité des sentiments ne se perdent pas entièrement. L'invisible que nous ne savons pas déchiffrer garde des empreintes, et la pierre, ce témoin impassible, est un document qui racontera ses secrets à ceux qui se donnent la peine de les découvrir.

Parmi les ruines imposantes de Louqsor, à l'ombre des colonnes superbes, auxquels le Nil sert de miroir, dans ce temple de la ville sainte, je tombai soudain dans une méditation sans fin, qui m'avait envahie au point d'engourdir mes mouvements et d'annihiler ma volonté. Instinctivement je fermai les yeux, pour ouvrir ceux de mon âme.

Je vis alors peu à peu se dessiner autour de moi des formes vivantes :
Un Pharaon, couronné de l'Uræus d'or, des prêtres d'Amon, des prêtresses de Mout, des danseuses sacrées, des musiciens, des soldats et le peuple pressé autour des sanctuaires, les uns accomplissant leurs rites mystérieux, les autres exprimant des formules de sagesse et toute cette foule emportée par la violence ou l'enthousiasme. Ces fantômes, ou plutôt ces réminiscences du passé, me conduisirent aussi vers d'autres contrées de l'Egypte et partout j'assistai à des scènes passionnantes et souvent tragiques. Ce furent des visions successives qui me remuèrent profondément. Le langage de cette multitude, d'abord incompréhensible, me parut soudain familier. Leurs paroles et leurs actes me fascinèrent si entièrement, que, rentrée sur ma « dahabia », j'essayai de fixer mes impressions.

Combien d'heures eus-je le bonheur de vivre cette fantasmagorie ? Je l'ignore. Une nuit entière, douée comme une promesse et charmeuse comme un songe, je demeurai prisonnière du temple et de ses incantations, pendant qu'au-dessus de ma tête le ciel profond d'Egypte, criblé d'étoiles, m'abritait sous sa beauté tutélaire.

Ce sont ces visions, pieusement recueillies, que je veux essayer de reconstituer ici. En écrivant ces lignes, il me revient à la mémoire un proverbe arabe : « Qui a bu de l'eau du Nil en reboira. » Je n'ai pu retourner en Egypte comme je l'aurais voulu et souhaité, mais ma pensée, en revivant son histoire et en s'abreuvant à la source intarissable de sa fécondité, est un tribut d'admiration et d'amour que j'offre à la terre de Chem.

Maria Star
Le Gaulois, 14/11/1923

Sémiramis

Avec son avant-dernier roman, Maria Star quitte l'Egypte pour Babylone et sa reine légendaire.

Sémiramis a-t-elle réellement existé ? On ne saurait l'affirmer, et cette grande figure appartient plutôt à la légende qu'à l'histoire. Mais cette légende personne ne pouvait, mieux nous la conter que Mme Ernesta Stern, chez qui les dons poétiques s'unissent au talent du romancier et du peintre.

En une série de visions qui fixent les étapes successives d'une éblouissante destinée, elle évoque la vie de la reine orgueilleuse et toute-puissante, qui régna, dit-on, 2.000 ans avant J.-C., et conduisit elle-même à la victoire les armées du pays d'Assour. Elle dit sa naissance mystérieuse dans une grotte où elle fut abandonnée et nourrie par des colombes, son mariage avec le stratège de Ninos, Phuluk, puis avec le roi lui-même, ses triomphes après ses expéditions contre les Bactres et les Egyptiens qu'elle soumit, le faste de sa vie, la pureté hautaine de son cœur, la sagesse de son esprit.

Ces pages sont comme une suite de somptueuses enluminures aussi fermes de dessin qu'éclatantes de couleurs. On prend à les feuilleter un plaisir délicat et toujours renouvelé.

Le Figaro (supplément littéraire), 22/11/1924


Il ne faut jamais croire qu'on puisse oublier Sémiramis, même après Marmontel et même après Voltaire. La déesse assyrienne de l'amour, qui fut mêlée de son vivant, si jamais elle vécut, à de grands drames et à d'étranges catastrophes, reparait quelquefois parmi nous ; et, que ce soit dans les pages d'un livre ou que ce soit sous les traits d'une grande dame, nous aimons à la revoir. La voici qui s'anime aujourd'hui sous la plume vibrante de Maria Star.

Passionnément préoccupée des grands problèmes que, éternellement inquiète, l'humanité se pose autour de l'amour, Maria Star — tout !e monde sait —, au surplus, que c'est Mme Ernesta Stern les aborda naguère avec ardeur dans les Deux Gloires et dans Faut-il pardonner ? On devine chez cette femme à la généreuse indulgence la réponse à pareille question.

Autant que de l'amour éprise de la beauté, Maria Star écrivit naturellement son magnifique livre des Légendes de Venise — illustré avec un art exquis des légendes — de cette Venise dont elle aime les pierres comme Ruskin les aimait. Avec ses allures de dogaresse, elle suit ainsi la vie, dans son palais du faubourg Saint-Honoré, comme dans ses jardins enchantés du Cap Martin — suspendus comme ceux de Sémiramis — où les fleurs au-devant de ses pas s'ouvrent à son appel.

Oui, Sémiramis est dans nos murs, la Reine-Prêtresse de qui la statuaire antique nous a gardé le souvenir — d'un jour d'un jour symbolique — où, décoiffée, surprise à sa toilette par l'émeute, elle n'eut qu'à se présenter au peuple pour calmer toutes les fureurs.

Le Gaulois, 21/11/1924



Deux feuilletons

 

 

Les œuvres de Maria Star L'Ennemie et Harmonie, Désharmonie furent publiées dans le journal quotidien Le Gaulois, en 1923 et 1924.

 

 

Des œuvres lyriques

Collaborant avec divers compositeurs, Maria Star a écrit le livret de plusieurs drames lyriques, opéras et mystères, présentés à Paris, à Nice et à Monte-Carlo.

- Sangre y Sol (1912)

Le succès des tentatives de décentralisation musicale s'est affirmé depuis quelques semaines avec un remarquable éclat. Tel est le cas de Sangre y Sol d'Alexandre Georges, qui vient d'être si chaleureusement accueilli à Nice.

M. Alexandre Georges a eu la chance, si rare aujourd'hui, de découvrir dans le livret si vivant, si pittoresque et si poétique de Maria Star, qui n'est autre que Mme Ernesta Stern, et de Henri Cain, un admirable drame lyrique possédant toutes les qualités scéniques propres à séduire et à inspirer un compositeur aussi riche d'imagination et de mélodie que nous apparaît l'auteur de Miarka. Aussi bien, il a écrit une partition chaudement colorée, âpre et tendre à la fois comme un paysage d'Espagne, ainsi que l'atteste la sérénade que nous reproduisons aujourd'hui.

Le Figaro, 9/3/1912



Alexandre Georges

- L'Epreuve dernière (1912)

Opéra de Monte-Carlo : L'Epreuve dernière, mystère en trois parties et quatre tableaux, poème de Mme Maria Star, musique de M. Emile Nérini.

M. Raoul Gunsbourg va, samedi soir, offrir au public une œuvre nouvelle du jeune compositeur, M. Emile Nérini, L'Epreuve dernière, dont le poème est signé Maria Star, pseudonyme transparent de Mme Ernesta Stern. Dans sa villa du Cap-Martin, Mme Stern, de qui l'inlassable activité aime à se dépenser en un travail incessant, trouve sa meilleure joie, dans l'admirable décor où elle vit, à s'entourer d'artistes et à faire elle-même œuvre d'art, chaque jour, à toute heure, pour distraire noblement ses heures, pour trouver dans la poésie le calme profond dont le contraste la repose de la vie mondaine, et surtout pour noter ses impressions de la vie, corporiser ses rêves et apporter, parmi tout ce qui se pense et s'écrit, sa pensée personnelle, qu'en artiste née elle sait formuler simplement, nettement, avec cette pure et haute élégance qui est le cachet particulier des grandes dames et qui écrivent.

M. Emile Nérini, lui, est un benjamin de la musique, mais un benjamin qui n'a pas perdu son temps, et qui, si jeune, va déjà, va, va, en brûlant les étapes. Il est entré, enfant, au Conservatoire de Paris, — la seule vraie grande école musicale du monde, — y fit ses études de piano, d'harmonie, de contrepoint, fugue, composition, — bref y apprit tout ce qu'il y pouvait apprendre et, tout de suite, avec l'ardeur et la fougue de son tempérament passionné, composa et publia quantité d'œuvres pour piano, de mélodies, de pages d'orchestre, de musique de chambre.

[...] Que nous promet ce titre, un peu mystérieux, de l'Epreuve dernière, alors que son sous-titre n'est ni « drame lyrique», ni « comédie musicale », ni rien des formules à la mode, mais seulement « mystère » ?...
Je l'ai demandé à Mme Stern, quelques minutes avant une répétition. Je transcris fidèlement ce qu'elle a bien voulu me dire sur le plateau, parmi l'affairement des machinistes :
— J'ai écrit l'Epreuve dernière simplement pour le plaisir de travailler. Mes fleurs, la nature, l'amitié et l'art, ce sont mes joies. Surtout le travail. Une fois l'œuvre finie, je m'en désintéresse pour ne songer, qu'à une œuvre nouvelle. Mais, en moins de quinze jours, je viens d'avoir deux grosses émotions : les répétitions de mon drame lyrique, Sangre y Sol, à Nice, où j'ai senti que des artistes s'emparaient de mon âme, et remportaient un si grand succès à être les fidèles interprètes de ma pensée et de l'admirable musique de mon collaborateur Alexandre Georges, et puis les répétitions, à Monte-Carlo, de l'Epreuve dernière, où, de nouveau, je vois que mon rêve devient vivant ! Oui ! cette vie scénique que prennent des poèmes et que de nouveaux poèmes me faisaient un peu oublier, me passionne profondément et me cause une grande joie... Ah ! le théâtre ! je l'aime au-dessus de tout !... C'est la réalisation la plus vivante de la pensée !... Et que de contrastes !... Il y a quelques jours, je donnais, à Nice, Sangre y Sol, une pièce réaliste, grouillante de vie populaire et aux sentiments violents, tandis que l'Epreuve dernière, tout au moins ce que j'ai essayé de faire, est un rêve pur, presque métaphysique ! C'est la traduction des songeries vagues, lointaines, impondérables que j'éprouve en pensant à l'au-delà...

Le problème de la vie future m'a toujours passionnée ! Toutes nos méditations sur ce sujet, ce sont des fenêtres qui s'entr'ouvrent sur la vie d'outre-tombe. Certes, je n'ai, et personne n'a de preuves positives pour résoudre ce problème. C'est affaire de sentiment, de foi. Chacun a, là-dessus, quelques idées. A chacun ses idées. A chacun sa religion. Dans l'Epreuve dernière, mon principal personnage est une âme de jeune fille qui doit se réincarner sur terre, et y vivre sans péché, pour mériter de retrouver à tout jamais son ange, son âme-sœur, dans la félicité éternelle. La pauvrette, vouée à ce nouveau calvaire humain, triomphe, à travers bien des douleurs, de toutes les tentations terrestres et, s'étant gardée pure, a droit à l'éternel bonheur de pureté infinie, à l'abri des grandes ailes blanches de son ange bien-aimé. C'est donc, au lieu d'un drame de réalité terrestre, un pur poème d'âme. »

[...] Mme Stern, qui déclare hautement que la musique de M. Emile Nérini fait vivre fidèlement et délicieusement son poème de rêve, ajoute :
— Il faut dire toute notre admiration et toute notre reconnaissance pour M. Gunsbourg : il nous a donné les meilleurs interprètes du monde. [...]

Je cueille, au vol, le mot final de la répétition.
M. Gunsbourg dit à Mme Stern :
— Ah bien ! une pièce qui prêche la vertu !... Mais vous la prêchez si éloquemment, madame, qu'aucune des spectatrices n'osera courir à son rendez-vous d'amour ! Elles préféreront toutes aller au ciel courir après un ange : ce qu'elles s'y ennuieront !...
— Hé ! riposte Mme Stern, elles pourront toujours demander au bon Dieu la permission de venir s'amuser à Monte-Carlo !...


Raoul Gunsbourg, (1860-1955), auteur et compositeur roumain , fut directeur de l'Opéra de Nice puis de celui de Monaco.

J. Darthenay.
Le Figaro, 14/3/1912

- L'Ode à l'Italie (1915)

Une grande matinée extraordinaire sera donnée, le 17 juillet prochain, sur la scène du théâtre Marigny, avec le concours des plus grands artistes. Mme Félia Litvinne chantera pour la première fois à Paris une œuvre lyrique dont elle est l'auteur : La France victorieuse, musique de M. A. Barbirolli, puis donnera la première audition de l'Ode à l'Italie, paroles de Mme Ernesta Stern, musique de M. Georges Lauweryns [...].

Le Gaulois, 11/7/1915

- L'histoire de la petite Thérèse de l'enfant Jésus (1922)

Alexandre Tchérepnine (1899-1977), était un pianiste, chef d'orchestre et compositeur russe. Il eut une carrière internationale, après avoir terminé ses études musicales à Paris, où sa famille avait émigré. Il a notamment dirigé l'orchestre du Ballet Russe.

 

"Idylle astral", sur un texte d'Ernesta Stern, du compositeur russe Alexandre Tchérepnine : composition pour récitant, chanteur et quatuor à cordes.

- Le Prince enchaîné (1923)

On nous télégraphie de Monte-Carlo que la première représentation du Prince enchaîné de Maria Star (Mme Ernesta Stern), pour lequel M. Bianchini, un jeune et distingué compositeur italien a écrit une très belle partition, a obtenu un succès considérable. Mme Andrée Vally, M. Arnal et les autres interprètes ont eu leur large part de ce succès.

Le Gaulois, 7/4/1923

Guido Bianchini (1885 - ?), était un compositeur vénitien qui a, notamment écrit des barcaroles, des opéras et des poèmes symphoniques.

- L'île désenchantée (1924)

Présenté à l'Opéra de Paris c'est un opéra en deux actes et trois tableaux tirés des Grandes Légendes de France d'Edouard Schuré, par Maria Star ; Henry Février a composé la musique.

Henry Février (1875-1957) était un compositeur qui, après ses études au Conservatoire de Paris, écrivit des mélodies, des pièces pour piano et des œuvres de musique de chambre. Il connut ses plus grands succès avec ses opéras.

Les Annales politiques et littéraires ont fait une bonne critique de cet opéra :


[...] M. Henry Février est, incontestablement, à l'heure actuelle, l'un de nos compositeurs dramatiques qui possèdent le mieux la pratique de l'art théâtral.

Son nouvel ouvrage, représenté sans entr'acte, et qui, à l'exception d'un rôle d'homme, ne contient que des personnages féminins, est admirablement équilibré, s'écoute sans fatigue et paraît court. Malgré l'uniformité des voix, l'ensemble apparaît varié, tant les scènes musicales sont bien disposées. L'action se poursuit avec rapidité et dans un mouvement fougueux, sur la donnée que voici :

A l'époque druidique, les femmes qui, dans la légende, gouvernent l'île de Sein ont proscrit les hommes de leur territoire. Endoctrinées par la farouche Romersta, qui a été trompée et trahie, elles mettent à mort tous les hommes qui pénètrent en leur île. Mais l'un d'eux, Solnik, sauvé d'un naufrage par la compatissante Francolle, s'éprend d'elle et s'en fait aimer. Les compagnes de Francolle veulent tuer ce nouveau venu ; mais Francolle parvient à toucher le cœur de Romersta, qui fait grâce. Sa clémence lui est fatale, car elle est « aussitôt » poignardée par une de ces impitoyables insulaires. Cependant, les éléments se déchaînent et la foudre abat ces femmes intransigeantes. Désormais, l'amour recommencera à fleurir normalement sur cette terre jadis inhospitalière. Ce sujet, d'un lyrisme chaleureux, a favorisé M. Henry Février, qui a écrit une partition toute frémissante de vie et toute palpitante d'accents mélodiques, d'une véhémence très pathétique. Les voix s'échelonnent avec beaucoup d'art et une parfaite entente de l'effort scénique. Les airs, les duos et les ensembles sont écrits de manière à bien mettre en valeur la partie vocale, et l'orchestre, nourri suffisamment pour entraîner les voix, les soutient sans les écraser. Mlle J. Bourdon a vaillamment défendu le rôle très important de Francolle ; M. Franz lui a magistralement donné la réplique, et la représentation, qui s'est terminée par un gentil ballet de M. Jacques Ibert, écrit avec ingéniosité, nous est apparue comme une des meilleures soirées données par l'Opéra.


MARIA  STAR

Ses cheveux blancs lui font une couronne comme si la nature, se prenant pour elle de particulière tendresse, ne s'était pas aperçue qu'elle en portait une déjà : celle de l'intelligence. Tout en elle est intelligence et bonté. Son activité s'ingénie à toujours écouter les conseils du cœur, et les réalités ne la charment qu'escortées par le mystère. Mme Louis Stern n'a plus besoin d'un pseudonyme. Ce soir, à l'Opéra, tandis que, vibrants et doux, les archets de cent violons attaqueront la partition nouvelle d'Henri Février, nous chercherons dans l'ombre d'une loge les yeux spirituels de l'auteur du poème de L'Ile désenchantée, qui est l'auteur ingénieux de tant d'œuvres ardentes et diverses : romans, pensées, contes, scénarios, et nous penserons qu'il est juste enfin d'avouer que nous lui devons le plus émouvant des lauriers, puisque, toujours confiante, toujours généreuse, toujours enthousiaste, elle a fait de l'art le but de sa vie...

Pierre-Plessis.
Le Gaulois, 19/11/1925

- Une nuit d'Espagne (1925)

Madrigal en vers de Maria Star et Guillot de Saix, représenté à l'Opéra-Comique de Paris le 20 juin 1925, au Gala de l'Union des Artistes, avec Simone Jarnach, Guillot de Saix et Franville. Reprise au Théâtre de Nice en février 1926, sous la direction de Reynaldo Hahn :

On vient de jouer, pour les fêtes du Carnaval, au Cercle artistique de Nice, une jolie comédie en vers de Mme Maria Star (Mme Ernesta Stern) et M. Guillot de Saix, musique de M. Reynaldo Hahn. La délicieuse partition du maestro a été interprétée au mieux ; le corps de ballet de l'Opéra municipal a dansé gracieusement la pavane. [...]

Le Gaulois, 11/2/1926


Léon Guillot de Saix (1885-1964) était un auteur dramatique, qui a adapté des romans pour le théâtre et pour le cinéma. Il a, également, rédigé des chroniques sur le théâtre et sur les nouveaux livres (notamment dans la revue La Rampe) ainsi que des traductions de dramaturges anglophones et espagnols.

Reynaldo Hahn (1874-1947) était chef d'orchestre, critique musical et compositeur, après ses études au Conservatoire de Paris. Né d'une mère vénézuélienne et d'un père allemand, il a été naturalisé français. Chantant ses mélodies en s'accompagnant au piano, il est devenu professeur de chant.

- Natachka

Drame lyrique sur une musique de Georges Mousikant.

Georges Mousikant est un compositeur russe ; il a notamment écrit, en 1913, la partition du conte lyrique "La Tragédie de la mort", tiré d'un conte d'Andersen, qui a été présenté à l'Opéra de Monte-Carlo.

Ses scenarii de films

-Sol y Sombra (Soleil et ombre)

Mme Ernesta Stern, si connue dans les milieux littéraires sous son pseudonyme de Maria Star, vient d'écrire un film inédit, Sol y Sombra, qui sera représenté avec l'autorisation de l'Agence générale cinématographique, au Théâtre du Colisée, le 12 juin, à quatre heures précises, en faveur des tuberculeux de l'Oise.

Tous les amateurs de ciné voudront voir une « corrida » prise dans des conditions uniques, où, pour la première fois, un torero, M. Antonio Cañero, célèbre en Espagne, paraîtra à la fois comme acteur et comme matador, aux côtés de Musidora, qui a trouvé dans ce film une des plus saisissantes créations, et qui a eu l'occasion elle-même de « Taurer ».

Le Figaro, 9/5/1922


Outre le scénarion, Ernesta Stern apporta un financement de 43 000 F, complété par des contributions de son ami Deutsch de la Meurthe, constructeur d'avions (30 000 F) et de l'éditeur Juven, portant le total à environ 120 000 F (source : Anthologie du cinéma, L'avant-scène, 1972). Malgré son succès en Espagne, le film ne rapporta pas les bénéfices espérés.

- L'Oreiller de Jacob

Le dossier de Maria Star dans les archives de la Société des Gens de Lettres, conservées aux Archives Nationales, contient la description du scenario dun film qui n'a pas pu être réalisé.

L'Oreiller de Jacob ou Pierre de la destinée aurait été la pierre, sur laquelle le patriarche aurait fait son songe. Retrouvée par Jérémie dans les ruines du temple de Jérusalem, elle aurait été transportée en Irlande, où émigrèrent des descendants de Jacob. Au IVe siècle, les anciens Scots l'auraient apportée d'Hibernie (Irlande) en Albanie (contrée du nord de l'Écosse actuelle) ; devant les faire régner partout où elle resterait au milieu d'eux, c'est sur cette pierre que furent couronnés les rois d'Ecosse.

 

Le roi anglais Edouard Ier rapporta d'Ecosse, à la fin du XIIIe siècle, cette grosse pierre, brute et informe. On la pl ça sous le siège d'un fauteuil qui resta le trône des rois anglais pendant leur couronnement. Un autre semblable fut construit pour les épouses des rois.

Lors de son voyage en Angleterre en 1897, Ernesta a visité la chapelle d'Edouard le Confesseur de l'Abbaye de Westminster, où se trouvent les fauteuils de couronnement :

Visite à Westminster-Abbey, l'imposante église enveloppée dans les mystères des brumes anglaises, gothique à ravir, avec des chapelles latérales où sont ensevelis les rois, les reines et les princes royaux, avec des plafonds un peu lourds, surbaissés, mais agréables à l'œil. Un tombeau très archaïque dans sa simplicité, celui d'Edouard le Confesseur, me rappelle les mosaïques de Palerme. Le souffle artistique a traversé le monde entier, et, aux temps les plus reculés, déjà les pensées des hommes se transmettaient. Les vibrations intellectuelles reliaient les hommes comme ils sont aujourd'hui rattachés par les fils télégraphiques. On tressaille d'admiration dans la chapelle des chevaliers de l'ordre du Bain construite par Henri VII, qui est sise au-dessus du chœur. Les stalles de bois, finement sculptées, complètent merveilleusement les harmonies de la pierre gothique. Elles sont incrustées d'émaux qui figurent les armes des chevaliers et dominées par des bannières dont plus d'une a vu le feu. L'élégance des ornements est rehaussée par l'aspect guerrier de ces fiers drapeaux. On est saisi.

Dans son récit, elle n'a toutefois pas décrit ce trônes, dont elle pu se souvenir plus tard. Ernesta n'a pas vécu le couronnement de Victoria, assise sur l'oreiller de Jacob en 1838, ni celui d'Elisabeth II s'y asseyant, à son tour, en 1953 mais ceux d'Edouard VII, George V et Edouard VIII.

70 ans après le décès de Maria Star, l'histoire de la pierre de couronnement de l'Ecosse s'est poursuivie : la pierrre de la Destinée est retournée en Ecosse, dans le Château d'Edimbourg.

Les actions d'Ernesta Stern en faveur des arts

Musée de l'art de la Renaissance

Ernesta Stern faisait partie, en 1906, de la commission instituée en vue d'étudier les mesures relatives à l'organisation d'un musée national de l'art de la Renaissance dans le château d'Azay-le-Rideau, qui venait d'être acquis par l'Etat.

Elle a témoigné de l'intérêt qu'elle portait à la création du nouveau musée par une libéralité dont le montant devait être consacré aux premières acquisitions. Ce musée sera inauguré en juillet 1909.

 

Elle lui a également offert, avec son fils Charles, une crédence aux armes de France et de Bretagne (XVIsiècle) et un coffre, en marqueterie (Italie, XVIe siècle), pour participer à la reconstitution du décor du château.

Musée du Louvre

Elle a légué plusieurs œuvres de sa collection à ce musée national : notamment, un portrait par Joshua Reynolds, la Dame en noir, un spécimen de l'art musulman égyptien du XIe siècle, un lion en bronze aquamanile et un Saint-Jean-Baptiste, statuette en bois de l'école allemande du XVe siècle.

Echanges franco-italiens

Le poète, nouvelliste et critique Filippo Tommaso Marinetti, qui fréquentait le salon d'Ernesta Stern, l'incita à financer L'Anthologie - Revue de France et d'Italie, qui avait pour but d'entretenir un courant d'estime et de sympathie réciproques, dans le domaine des arts, entre les deux pays. Il collaborait , depuis 1898, à cette revue bilingue, publiée à Paris et à Milan, point de rencontre entre la culture symboliste française et la poésie italienne contemporaine.

Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) était italien, bien que né en Egypte, et de culture française après ses études dans un collède de Jésuites français. Il fut l'initiateur du mouvement littéraire du Futurisme, affirmant l'avènement d'une nouvelle esthétique de la vitesse et de la modernité industrielle. Soutenant le régime fasciste, il fut élu à l'Académie d'Italie en 1929. L'année suivante, il fut fait chevalier de la Légion d'honneur en France.

 


Le Figaro, 20/2/1909

Ses œuvres de charité

La médaille de la reconnaissance

Ce ne sont pas ses talents littéraires mais ses actions caritatives qui valurent à Ernesta Stern sa nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur en 1920.

 

Voici la citation qui l'accompagna :
« Mme veuve Stern, née de Hirschel (Marie-Ernesta), fondatrice d'œuvres philanthropiques. A rendu, en particulier à la cause de l'hygiène de l'enfance, d'éminents services. Depuis la guerre, a multiplié sa bienfaisance par la création et l'entretien d'hôpitaux ou stations sanitaires (hôpitaux du cap Martin, hôpital-école Edith-Cavell), et, en dernier lieu, a permis, par un don des plus généreux à la Fédération des associations départementales des pupilles de l'école, d'entreprendre la construction d'un sanatorium de cure d'altitude et d'héliothérapie pour les orphelins de la guerre atteints de tuberculose. »

L'hôpital-école

L'hôpital-école Edith Cavell, situé rue Desnouettes, fondé en 1917 par l’Association pour l’assistance aux malades, mit cent lits à la disposition du Service de santé. Il devint un hôpital d’application pour les infirmières civiles et les infirmières temporaires ; Marie Curie y assurait l’enseignement de la radiologie.

 

Les hôpitaux de Menton et de Cap-Martin

Une touchante cérémonie a eu lieu ces jours-ci, à Menton, à l'hôpital des Armées alliées, à l'occasion de la remise à Mme Ernesta Stern, bienfaitrice de l'hôpital, d'une plaquette commémorative de sa générosité depuis le début de la guerre, et qui lui était offerte par les soldats en traitement à cet hôpital dont elle est la marraine.

Après une partie de concert dirigée par M. Louis Ganne, et à laquelle de généreux artistes avaient apporté leur concours, le médecin-chef du ressort de Menton résuma éloquemment la belle œuvre charitable et patriotique accomplie par Mme Ernesta Stern ; celle-ci remercia en termes émus, rendant hommage à l'esprit de sacrifice de ses filleuls et à leur admirable renoncement, et faisant ressortir la belle égalité de tous les Français devant le danger et les souffrances.

Le Figaro, 23/4/1917


La médaille d'honneur des épidémies vient d'être décernée à Mme Ernesta Stern (Maria Star), directrice de l'hôpital auxiliaire 105, dont on sait le dévouement inlassable et la discrète charité. Dès le début de la guerre, Mme Stern a transformé sa belle villa du Cap-Martin en maison de convalescents. Depuis trois ans bientôt, qu'elle y séjourne elle-même presque exclusivement pour mieux veiller sur la guérison de ceux aux souffrances desquels elle a ouvert sa demeure, beaucoup de nos soldats, hospitalisés dans un des plus beaux sites de la Côte d'Azur, y ont retrouvé, grâce aux soins diligents de cette grande bienfaitrice, la santé physique et morale et l'apaisement de leurs douleurs.

Le Figaro, 31/7/1917

L'établissement d'héliothérapie en altitude

Un don d'un million

C'est aux orphelins de guerre tuberculeux que Mme Ernesta Stern apporte ce précieux et splendide secours. La somme est donnée à l'Etat, qui devra l'employer à la construction d'un sanatorium d'altitude et d'héliothérapie au profit de ces pauvres enfants.

Mme Ernesta Stern est coutumière de ces gestes magnifiques. On se rappelle qu'elle créa naguère, à ses frais, un hôpital dans sa propriété du Cap-Martin. Dès l'avant-guerre elle avait construit, à Levallois-Perret, une habitation ouvrière de loyers à bon marché, à laquelle s'ajoutaient une « Goutte de lait », des consultations gratuites et une cantine maternelle pour les femmes en couches de cinq mois, et qui y étaient nourries encore un an après leur accouchement. [...]

Le Figaro, 18/7/1919


[...] La construction de l'établissement d'héliothérapie en altitude que la fédération [des pupilles de l'école publique] a entreprise pour la cure des tuberculoses chirurgicales à Odeillo est en voie d'achèvement et l'installation des services aura lieu dans les premiers mois de 1924. Cet établissement, unique en France, put être commencé grâce au don magnifique d'un million que fit Mme Louis Stern, et M. Charles Stern offrit 50.000 francs pour faciliter les premiers frais d'études.

Le Temps, 11/4/1923


Avant la construction du four solaire d'Odeillo en 1968, Font-Romeu était déjà le cité du soleil.

Les bains de soleil étaient utilisés, comme agents thérapeutiques, en particulier dans le traitement de la tuberculose osseuse.

 

La cantine maternelle

Ernesta Stern avait, également, fondé en 1911 à Paris, avec son fils Charles, la Cantine maternelle Clementina, en mémoire de leur mère et grand'mère, la baronne Clementina de Hierschel.

Cantine maternelle du XVIIIe arrondissement.

L'ASSEMBLÉE générale de la Cantine maternelle du XVIIIe arrondissement, et de ses filiales, la Cantine maternelle du XIIIe arrondissement et la Cantine maternelle Clementina, a eu lieu le 19 mars 1913, sous la présidence de M. René Viviani, député, ancien ministre.

[...] D'autre part, la Cantine maternelle du XIIIe arrondissement, fondée par M. Charles Stern, et alimentée par les loyers de ses logements hygiéniques à bon marché de Vincennes, a distribué 51.162 repas gratuits moyennant une dépense de 16.704 francs, soit un prix de revient de 0 fr. 32 par repas. La Goutte de lait annexe a distribué 16.876 litres de lait stérilisé divisés en petites bouteilles d'une tétée chacune, et a dépensé de ce fait 8.398 fr. 20.

Enfin la seconde filiale, la Cantine maternelle Clementina a quitié le 1er septembre le quartier des Ternes pour s'installer dans l'immeuble des Logements hygiéniques de la fondation Louis Stern, 38, rue Gide, à Levallois-Perret ; des mères-nourrices y ont pris 7.880 repas gratuits ayant nécessité une dépense de 6.040 fr. 05, soit un prix de revient de 0 fr. 72 par repas. On sait que, pour ces deux dernières cantines, les recettes sont égales aux dépenses ; M. Charles Stern et Mme Louis Stern se les partagent par moitié et y emploient les revenus de leurs habitations à bon marché. Grâce à la générosité de Mme Louis Stern, un dispensaire obstétrical a été adjoint à la Cantine maternelle Clementina. [...]

Enfin, à la Cantine maternelle Clementina, du 5 novembre au 31 décembre, il a été donné 12 consultations réparties entre 27 enfants ; 1 de ceux-ci, est décédé.

Une émouvante allocution de M. Viviani, qui a fait ressortir la nécessité de lutter contre la mortalité infantile par des œuvres comme les Cantines maternelles et les Gouttes de lait, a terminé là séance.

R. DE LA BUSSIERE.
L'Enfant, septembre 1913

Les enfants de Monsieur et Madame Louis Stern

Lucie et Marie Louise

 

Ce portrait (La plume bleue) par Antonio de Lagandara, a été retrouvé en Uruguay ; présenté par certains comme représentant Ernesta Stern, il nous semblerait plutôt être celui d'une de ses filles.

Seul son fils Pierre Charles Ernest Louis est resté célibataire.

Alors qu'elle était issue d'une famille de la noblesse et que son mari venait du monde de la Banque, leurs deux filles ont épousé un baron et un marquis. Leur fils Léon Antoine Jean Stern a trouvé son épouse dans l'"aristocratie" de la finance belge.

Lucie Ernesta Henriette (1882-1944) a épousé, en 1904, Pierre Marie Girot, baron de Langlade.

 


Club du Setter anglais.

Avant-hier, à Cuts, près de Noyon (Oise), sur les chasses du baron Pierre de Langlade, mises gracieusement à la disposition du Club du Setter anglais, a été couru un field-trial international des plus brillants, sous la direction de M. de Poly, président de ce club. Dix-sept setters et neuf pointers des meilleurs chenils de Belgique et de France se sont disputé les prix dans des conditions de chasse et de dressage de tout premier ordre.

Etaient juges MM, de Vasson, docteur Janez, baron Jaubert, comte de Richemont. Un lunch a été offert sur le terrain aux nombreux invités, propriétaires de chiens et dresseurs, par la baronne P. de Langlade, qui en a fait les honneurs avec une grâce parfaite.

Le Gaulois, 5/4/1912


Le château de Cuts, au baron Pierre de Langlade, situé dans la partie encore occupée du département de l'Oise, a été transformé en hôpital, et c'est là, que sont soignés les soldats allemands évacués du front de la Somme.
Les meubles du château furent, presque dès les premiers jours de l'envahissement, emballés avec soin et expédiés en Allemagne. Tous les arbres du parc ont été abattus et débités par des prisonniers russes à l'aide d'une scierie mécanique pour servir à l'aménagement des tranchées ennemies, toutes voisines.
Tandis qu elle était ainsi dépouillée d'une manière fort méthodique, la baronne Pierre de Langlade continuait le concours de son active et bienfaisante charité aux nombreux réfugiés de l'Oise qui arrivent tous les jours, par la Suisse, dans un état de dénuement complet, après deux ans de dure captivité.

Le Figaro, 11/1/1917


[...] Ajoutons, puisque nous parlons des destructions systématiques faites par les Allemands des belles demeures des régions qu'ils viennent d'être forcés de quitter, que le château de Cuts, prés de Noyon, appartenant au baron et â la baronne de Langlade, a été presque totalement détruit.

Le Figaro, 26/3/1917


Le château, reconstruit à l'identique en 1926, est resté dans la famille de Langlade.


Photographie publiée dans la revue
"L'art décoratif" en décembre 1901.

 

Marie Louise Fanny Clémentine Thérèse (1879-1964) est très vraisemblablement la personne représentée sur un tableau du même peintre Antonio de Lagandara (1861-1917), dont vous pouvez connaître la vie et les œuvres grâce au site Internet réalisé par un de ses descendants.

La famille d'Armand Eugène Prosper de Chasseloup-Laubat, ingénieur civil, quelle épousa en 1900, est plus connue :

- parmi ses ascendants, François (1754-1833) a été général de division du génie de la Grande Armée de Napoléon ; il a donné son nom à une rue de Paris et son fils Prosper a été ministre de la Marine et des Colonies de novembre 1860 à janvier 1867.

- Gaston, comte de Chasseloup-Laubat, a établi des records de vitesse en voiture, en 1898 et 1899, à Achères.

- le propriétaire de la résidence de la famille, le château de la Gataudière à Marennes, en Charentes, est toujours le Prince Murat de Chasseloup Laubat, descendant direct de la famille Bonaparte et du Roi de Naples : Madeleine, fille de Louis, marquis de Chasseloup-Laubat et de Marie Louise Stern, a épousé Achille Alain Joachim Napoléon Murat en 1923.


Une photo de personnalités présentes à leur mariage, prise ensuite à l'hôtel Stern, nous fait connaître Ernesta Stern à 68 ans.

Les Modes, mai 1923

 

Le Maréchal Pétain demanda que la qualité d'aryen d'honneur soit accordée aux deux filles de Louis et Ernesta Stern, leur conférant la citoyenneté allemande, afin de permettre de les sauver des rigueurs et des persécutions de la police politique allemande, comme d'autres personnalités françaises israélites. Bien que les deux soeurs se soient converties au catholicisme, Lucie Girot d'Anglade, veuve depuis 1931, fut victime de la dernière des grandes rafles dans l’Oise, menée le 4 janvier 1944 par la Feldgendarmerie. Déportée à Auschwitz, elle fut gazée dès son arrivée au camp.

Jean

 

Jean Stern, qui a été propriétaire de la villa Le Cloître après le décès de sa mère, est présenté à la fin de cette rubrique.

Pour y accéder directement, cliquez sur sa photo.

Charles

Ses donations

- Le logement social

Charles Stern a poursuivi l'œuvre de sa mère à travers la Fondation Louis Stern : celle-ci avait construit des Logements hygiéniques à Levallois-Perret ; il en a bâti de nouveaux à Vincennes.

Les logements hygiéniques à bon marché de Vincennes.

Il a été parlé un peu partout, et ici même, de la difficulté croissante qu'éprouvent les familles nombreuses pauvres à se loger à peu près convenablement. Il faut donc approuver hautement les fondations comme celles que l'on doit à M. Charles Stern. M. Stern a fait récemment construire quatre maisons hygiéniques pour travailleurs, 18, rue Joseph-Gaillard, à Vincennes, et l'inauguration en a eu lieu le 7 juillet 1912, sous la présidence de M. Jules Siegfried, ancien ministre. Lors de cette inauguration, M. Georges Cahen, administrateur, a présenté un intéressant rapport dont nous extrayons quelques renseignements, en particulier ceux qui se rapportent plus directement à la protection de l'enfance.

L'œuvre a un double but : d'une part, elle fournit aux travailleurs des logements sains, à un prix raisonnable ; d'autre part, les revenus nets de la fondation (environ 3 0/0) sont consacrés à l'entretien de la cantine maternelle du XIIIe arrondissement, où une distribution gratuite du déjeuner et du dîner est faite à toute mère qui nourrit son enfant (47.414 repas gratuits ont été distribués en 1911).

Le terrain a été acheté à Vincennes à cause des excellentes conditions dans lesquelles l'achat a pu se faire, et de l'avantage que l'on a trouvé à construire à proximité de ce vaste réservoir d'oxygène qu'est le bois de Vincennes. Les quatre immeubles comportent cinq étages comprenant en tout 109 logements de deux, trois ou quatre pièces, tous sur rue ou jardin. Les grands logements sont loués 395 francs, les moyens 325 francs et les petits 250 francs ; ils renferment une population de 408 habitants, dont 175 enfants. Les grands logements sont réservés aux familles ayant au moins trois enfants. Une cour de 1.400 mètres a été réservée pour que les 175 enfants des immeubles puissent prendre leurs ébats sainement et en toute liberté. Les six escaliers qui desservent les maisons sont munis, outre la rampe ordinaire, d'une petite rampe à l'usage des enfants. Diverses annexes fort utiles (bains, douches, buanderie, séchoir, remise pour les bicyclettes et les voitures de bébés, bibliothèque, etc.) sont à la disposition des locataires.

Une salle où l'on procédera régulièrement à la pesée des enfants va être organisée, et ceux dont l'état laissera à désirer bénéficieront de toutes les facilités désirables pour aller faire un séjour en colonie de vacances.

Ajoutons que, comme prime à la natalité, tout locataire dont la famille s'accroîtra sera dispensé de payer son loyer pour le terme qui suivra la naissance du nouvel enfant.

R. DE LA BUSSIERE.
L'Enfant, mars 1913

Des dons à la Société Philanthropique, créée en 1780 pour établir des dispensaires, des hôpitaux et des asiles, lui ont permis dès 1880 de bâtir des habitations économiques pour les ouvriers. La Fondation Stern a financé plusieurs constructions, l'œuvre d'Ernesta et Charles Stern étant poursuivie par ce dernier :
- deux hôtels meublés pour femmes seules,en 1904 et 1906,
- une résidence pour étudiants mariés, en 1939.

(Source : Le Logement social à Paris 1850-1930 : les habitations à bon marché par Marie-Jeanne Dumont, Ed. : Mardaga)

Le foyer d'étudiants Centre Charles Stern, situé 12 rue des Feuillantines à Paris 5ème, est toujours géré par la Société Philanthropique.

- L'aviation

Il a également offert une dotation pour prix décerné par la Ligue Nationale Aérienne, dont le but était "de fixer en France tout le mouvement de l'aviation, afin que notre pays qui est la patrie véritable de la locomotion aérienne ait la gloire de parfaire cette grande découverte de la conquête de l'air, dont les hommes rêvent depuis tant de siècles".

L'un de ses vice-présidents était un ami de sa mère, Henry Deutsch de la Meurthe, qui avait fondé l'Aéro-Club de France.

 

 

Ce prix Charles Stern était destiné au recordman de vitesse du kilomètre bouclé.

Le 31 mai 1909, sur le terrain de Port-Aviation, Léon Delagrange fut déclaré vainqueur et gagna 1 000 F.

Situé sur la commune de Viry-Châtillon, Port-Aviation était le premier aérodrome organisé au monde, premier port aérien de la ville de Paris, ancêtre de l’aéroport d’Orly.

Son goût de l'art

A la suite de son père, dont une partie des œuvres d'art lui a certainement été attribuée, il a continué à compléter sa collection.

En 1910, le peintre Maurice Denis a réalisé, pour lui, son œuvre Soir florentin, décorant une coupole octogonale de son hôtel, inspirée des Crépuscules du Décaméron de Boccace.

 

Un artiste décorateur

Ce fils d'Ernesta Stern semble bien être l'auteur d'œuvres artistiques et décoratives présentées en mai 1912 dans une exposition, dont les critiques ont été très variées :

De M. Charles Stern, à la galerie Bernheim et Cie, une exposition très curieuse, très variée : des aquarelles, visions de rêves fantasques et ironiques, des pastels larges et doux, des dessins de fleurs d'une précision d'épure, des bagues, des coussins, des rideaux, des décors, des robes, mille témoignages d'une invention décorative fastueuse et charmante.

Les Arts et les Artistes, 20/6/1912


EXPOSITION CHARLES STERN (Galerie Bemheim jeune).

M. Charles Stern se présente dans l'art d'aujourd'hui entre Vuillard et Claude Monet. C'est la vérité chronologique d'après l'ordre des expositions à la Galerie Bernheim et c'est encore la vérité pour nos notoires esthètes.

M. Charles Stern pouvait célébrer dans les salons sa petite saison russe, orientale au cabotine ; ensuite ses amis, le poussant du coude, auraient du lui dire : "Non, mon vieux... tiens toi..., vraiment attends un peu, attends au moins d'être seul."

Le cabotin n'a plus le monopole des impudeurs publiques. D'autres grimaces sont sanctifiées. Pourquoi s'isoler tandis que chaque hiver dix amateurs grimpent sur les planches, que M. Drésa "s'avère un des premiers artistes de ce temps". Un pauvre hère incapable d'être gnaf, bistrot ou flic peint à huis clos, tristement, pour sa nourriture et les exigences du commerce.

Il faut aux exercices de M. Charles Stern et de ses semblables la foule, un théâtre public, une salle sur le boulevard et l'orchestre docile des critiques d'avant-garde. [...]

La Phalange, 20/6/1912

Au début de la même année, au VIIe Salon de la Société des Artistes Décorateurs, Charles Stern avait exposé un éventail peint évoquant, selon la revue Art et décoration, les miracles d'un feu d'artifice de fleurs et d'étoiles.

Plusieurs vases en grès, signés Charles Stern, furent exposés dans la section française de l'exposition Panama Pacific International Exposition, qui s'est tenue en 1915 à San Francisco. Associé à partir de 1919 avec Louis Süe et André Mare, qui avaient participé à la décoration de son salon, il a dessiné des tissus pour la manufacture de soiries Prelle.

[...] les visiteurs attentifs du Salon d'Automne et du Salon des Décorateurs n'ont oublié ni l'impression toute printanière qu'ils ont éprouvée devant la salle à manger de M. Ch. Stern ni l'attrait de ses panneaux, de ses paravents et de ces toiles de Rambouillet où, associé à MM. Menu et Boigegrain, il réussit, avec des moyens rudimentaires, à réveiller d'un long sommeil l'art charmant et si français de Jouy.

Art et Décoration, janvier-juin 1920

Son hôtel particulier

Charles Stern avait fait aménager et décorer un immeuble, situé 41 bis boulevard Lannes.

Un article de la revue Art et Décoration de janvier-juin 1913, titré Un intérieur moderne, nous indique qu'il a composé un tapis de son hôtel et que la pièce, où se trouvent les quatre panneaux décoratifs de Maurice Denis, est nommée atelier.

Cliquez ici puis sur cette photographie de l'atelier, pour visiter d'autres pièces et voir des détails de la décoration et de l'ameublement.

Cliquez sur le logo Gallica pour y accéder directement à l'article et le consulter (pages 53 à 62).


Les œuvres d'Ernesta Stern pendant la guerre

Donnant la priorité à ses œuvres caritatives, elle a néanmoins participé à l'effort de guerre avec sa plume.

 

La Nouvelle Revue et Les Annales politiques et littéraires ont mis en page, en juillet 1915, une ode patriotique O France !, dont les paroles (prose rythmée) étaient d'Ernesta Stern et la musique de Pierre Zeppilli.

 

[...] trois délicieuses mélodies d'un jeune compositeur, dont le nom est à retenir : P. Zeppilli. En effet, que ce soit Tout sourit... page musicale exquise sur des paroles d'André Lénéka, ou Like Winter's Night et The Victors, sur des poèmes anglais d'une heureuse envolée, dus à la plume de notre confrère allié, Lady Doughty, M. Zeppilli commente avec intelligence rare les textes qui lui sont confiés. Le jeune compositeur, bien inspiré, écrit élégamment les mélodies prenantes qui lui sont toutes personnelles.

La Rampe, 30/9/1923

Est-ce lui qui jouera du piano, avec Django Reinhardt à la guitare, dans l'orchestre de Michel Warlop, en 1937 ?

La Nouvelle Revue a, également, publié, sous la signature d'Ernesta Stern, son texte Le Baptême du courage (manuscrit de la guerre) en février et mars 1916 .

Le « Baptême du courage »,
C'est le beau titre d'un très beau roman dont la publication vient de commencer dans la Nouvelle Revue et dont l'auteur est Mme Ernesta Stern.
Le héros de ce manuscrit de la guerre — et cette fois le terme de « héros » doit s'entendre dans son sens le plus actuel, le plus militaire — apparaît d'abord sous les traits d'un Parisien désabusé, revenu de toutes les illusions et de toutes les croyances. Puis, c'est le coup de foudre de 1914, c'est le baptême du feu, le « baptême du courage » ; et l'on retrouve alors dans le Français d'aujourd'hui celui d'hier, de tous les temps de notre glorieuse histoire.
On ne pourrait mieux que ne l'a fait l'auteur avec son talent éprouvé rendre la dualité de ces états d'âme et la noblesse d'une métamorphose qui, individuelle dans le livre, aura été collective dans la réalité.

Le Gaulois, 21/3/1916

L'Art de vieillir

Elrnesta Stern l'a décrit dans un article "d'une philsophie souriante qui fait aimer et comprendre les charmes de la vieillesse", publié dans Les Annales politiques et littéraires, en janvier 1918. Elle avait célébré, un mois plus tôt, son 63ème anniversaire ...

La vieillesse c'est de la jeunesse accumulée.

Lorsque j'étais jeune — il y a longtemps — j'entendais les femmes de mon âge se moquer des vieilles gens et médire de la vieillesse. Elle leur apparaissait comme l'expiation du bonheur, l'épouvantail redouté, la déchéance finale. Elle leur semblait pire que la mort. Elles ne lui concédaient aucun avantage ; être vieille, c'était pour elles la suprême condamnation. Je rencontrais pourtant, rarement j'en conviens, quelques vieilles dames à cheveux blancs, qui respiraient la dignité et l'apaisement. Elle me donnaient l'impression d'une si grande quiétude, qu'à travers ma vie d'occupations mondaines, d'où le recueillement était banni, j'étais forcée de reconnaître que ces vieilles dames portaient en elles un bonheur tranquille, que mes distractions multiples n'avaient jamais atteint. Elles me réconciliaient presque avec la perspective de vieillir. Il est vrai qu'à côté de ces darnes auréolées de noblesse, il y en avait d'abominables, qui essayaient de cacher « des ans l'irréparable outrage », par de vains artifices, qui prolongeaient l'art de la coquetterie de façon inconsidérée ; et qui, celles-là, me donnaient la nausée de la vieillesse.

Cependant, les jours succédaient aux jours ; le temps marchait, inexorable ; l'âge mûr me surprit presque sans transition. Je me sentais encore très jeune ; mes aspirations avaient conservé toute la fraîcheur d'antan ; je n'étais nullement blasée, et cependant il y avait quelque chose de changé en moi, oh ! mais là, de radicalement changé. C'étaient mes goûts qui, avec les années, avaient pris un essor différent. Je faisais moins de projets, j'étais devenue plus sédentaire. Insensiblement, je m'intéressais infiniment plus à l'idée qu'au mouvement. Je me pris alors à réfléchir, à aimer le recueillement ; je sus choisir des amis, plutôt que de subir les masses ; en un mot, je sentis que je m'affranchissais insensiblement de beaucoup d'odieuses corvées. Ce nouvel état d'âme me charma ; j'élargis sa portée, et j'arrivai ainsi, presque sans secousses et sans m'en douter, aux portes de la vieillesse, sans regretter — au contraire — la jeunesse, avec son cortège d'obligations et d'inutiles soucis. Je me sentis libre enfin, dans un horizon rétréci, il est vrai, mais dont je percevais les contours avec plus de netteté. Je pouvais enfin m'appliquer à moi-même une de mes pensées : « L'art de vieillir, c'est d'en faire tous les jours moins et d'en savoir tous les jours davantage. » Forcément, je meublais un peu mon cerveau, à mesure que la « bougeotte » se calmait. Je me sentais arrivée au port et je contemplais avec calme et avec un indicible soulagement, le coucher de soleil de mon existence. Les choses qui finissent n'ont-elles pas un attrait particulier ?

Depuis que je suis carrément une vieille dame, avec des cheveux blancs comme neige, avec la démarche lente, avec la sérénité de l'esprit, délivrée de mille préoccupations futiles, je suis, je l'avoue, beaucoup plus heureuse qu'au temps de ma jeunesse. Les chagrins peuvent m'atteindre maintenant comme alors, mais ma mentalité est toute différente, car elle est étayée, enrichie par l'expérience. Les événements de ma vie actuelle sont tamisés par elle. Elle leur a prêté une couleur et une forme, qu'ils n'auraient pu acquérir avant. Et depuis que j'ai pris ces allures de Papa Noël, je goûte à des joies que je ne soupçonnais pas à trente ans. Je suis devenue la confidente, l'amie de la jeunesse. Les cœurs se versent dans mon cœur, comme en un calice ; on ne se défie plus des sursauts de l'âge tendre, de ses jalousies puériles ; on me dit tout bas, en rougissant, des choses qu'on n'ose s'avouer à soi-même. Je les recueille pieusement, je pénètre dans l'âme des pénitents et des désillusionnés, et je découvre des impressions et des souvenirs qui intéressent le côté analytique de mon caractère. Me voici élevée à la dignité de prêtresse laïque. On s'appuie sur mon expérience, on s'abrite sous la stabilité de mon caractère. On peut, sans éveiller mon envie ou ma jalousie, me parler de l'amour qu'on éprouve et qu'on espère, et je puis, sans déroger à ma dignité de vieille dame, vivre encore dans cette atmosphère d'amour, qui est la seule atmosphère viable au cœur d'une femme. En acclimatant la jeunesse à notre indulgence, on parvient à faire oublier notre âge ; le souvenir encore vivant du passé est un pont qui relie la jeunesse à la vieillesse ; on rattache ainsi un âge à l'autre et à force de respirer la jeunesse des autres, on accorde à son âme une fraîcheur de sensations et d'émotions qui prolonge l'enthousiasme et la vivacité de l'esprit. Mais pour atteindre ce but, il faut savoir rester jeune de caractère, et voilà précisément en quoi réside l'art de vieillir. Si vous rebutez la jeunesse par une trop grande dignité, si vous lui inspirez uniquement du respect, vous verrez fatalement le vide se faire autour de vous. Augustes vieilles dames, croyez-moi, souvenez-vous de votre passé, de votre jeunesse, ne les méprisez point comme des quantités négligeables, comme des souvenirs pénibles, enfouis dans les brumes d'antan. Rappelez-vous que le présent n'est que la conséquence du passé, et que celui-ci est un maillon de la chaîne de la vie ; si vous le reniez, vous vous écroulez avec lui. Non, non, ne conspuez pas ce qui fut, ce que vous fûtes, surtout. Rien n'est inutile, de ce que nous avons appris, de ce que nous avons vu. Gardez à la jeunesse triomphante cette bienveillance qui est la pierre de touche des jolies âmes ; ne vous effarouchez pas surtout de la grande différence des habitudes nouvelles avec celles d'autrefois. Eh oui ! mesdames, le temps a marché, tout est changé, tout est bouleversé, mais ce qui ne meurt pas, voyez-vous, ce qui est immuable, c'est l'enthousiasme que vous devez à tout âge conserver dans votre cœur. Que la face soit plus ou moins ridée, que les cheveux soient plus ou moins blancs, que l'on soit plus ou moins courbé, que la gaîne soit plus ou moins usée, qu'importe ? Les jeunes gens ne s'y tromperont pas, allez. Ils savent recueillir sur votre figure un bon sourire accueillant, ils lisent encore dans vos yeux, la flamme de l'enthousiasme, et ils accourent vers vous comme on va vers la Beauté. Vous riez ? Mais certes, l'enthousiasme, c'est la vraie Beauté. Elle réchauffe le cœur, elle donne l'exemple ; elle rallie les pessimistes, elle console les malheureux, elle prêche la grande croisade du patriotisme et de la foi. Elle est la base d'une nation et l'élévation vers Dieu. Une vieillesse dépourvue d'enthousiasme, c'est comme une nuit sans étoiles ; elle rebute le pèlerin de la vie.

A cette époque de cérébralité très développée, beaucoup de jeunes gens recherchent la causerie encore plus que l'amour ; il nous est alors donné de prendre sur la jeunesse ignorante une éclatante revanche, car la causerie, fortifiée par l'expérience, est le triomphe de la vieillesse. Plus on avance en âge, plus on sait aussi combien on devient inutile à nos enfants et à nos proches. C'est un grand soulagement car si on devait quitter la terre, lorsqu'on y a encore des devoirs et des responsabilités à supporter, on nourrirait à l'égard de la mort un sentiment d'inéluctable révolte. En vérité, se sentir libre de tout engagement, n'avoir plus de soucis pour ceux qu'on aime, plus de missions à remplir ; pouvoir se reposer ineffablement dans la paix du soir, contempler la mort avec sérénité, quitter cette vie sans hâte ni regrets, comme un vêtement usé, se confier à la barque qui nous conduit à l'autre rive, conscients d'avoir au moins essayé de faire ce qu'il fallait faire, tout cet ensemble de sensations tempérées et de tranquille attente dont est faite la vieillesse, sont le régal apaisant des heures dernières.

Mais, pour atteindre la vieillesse ainsi que je la dépeins, il faut s'y préparer par le recueillement et l'isolement, qui seuls prolongent le printemps de l'âme. Il faut s'inspirer des leçons de la nature, cette radieuse fille du Créateur, qui nous parle de Lui avec tant d'éloquence et qui nous donne l'incessant exemple du renouvellement ; il faut fuir le babil incohérent, les paroles vaines, les fades calomnies d'ici-bas. On doit se réjouir d'être affranchies de la grande préoccupation de plaire, de faire naître l'émotion et d'être un centre d'attractions qui, pour la plupart des jeunes femmes, est l'essence même de leur vie. On n'a plus besoin de paraître ; on n'a qu'à être simplement ce qu'on est. On doit se réjouir également du bonheur d'être utile, de la joie de tout comprendre et de tout pardonner, de pouvoir être tendre sans arrière-pensée. Le cœur enfin a son libre essor et il nous est permis de montrer nos sympathies sans que la voisine d'en face ou la dame d'à côté y trouvent à redire. La vieillesse, c'est la liberté ! Il faut en un mot se forger de toutes pièces un nouveau cœur, et se répéter souvent cette consolante pensée :
« Une belle vieillesse est le chef-d'œuvre de la vie ».

ERNESTA STERN.
(Maria Star).

Ce thème fournira le titre d'un nouvel ouvrage de pensées, semble-t-il le dernier, publié trois ans plus tard.

AU SOIR DE LA VIE

Sous ce titre, nuancé de mélancolie Au soir de la vie, Mme Ernesta Stern nous offre un recueil de pensées qui sont, dit-elle, « un reflet de la vie ». Elles sont d'un tour élégant, souvent ingénieux ; l'auteur n'ignore pas en effet l'art de ramasser une observation dans une formule saisissante, de combiner et d'opposer les mots, comme un jeu de glaces, pour y prolonger l'idée. Mme Ernesta Stern cependant a su ne pas sacrifier à la recherche d'une forme piquante, imprévue, au goût de l'originalité et du paradoxe sa volonté d'être sincère et vraie, et c'est pourquoi sans doute elle a dédié ces pages « à ceux qui savent penser et se recueillir » plutôt qu'à ceux qui n'y voudraient trouver qu'un amusement de l'esprit. C'est pourquoi aussi sa méditation s'élargit, s'élève progressivement vers des sujets toujours plus vastes et plus hauts.

Voici quelques-unes de ces pensées sur le Caractère « Croire au bien c'est le faire naître », « Il est toujours plus facile de bien mourir que de bien vivre » ; sur le Cœur « L'oubli c'est la seule mort ; sur l'Amour « On dit que l'amour est aveugle mais cependant, lorsqu'il aime, le cœur a des yeux » ; sur l'Humanité « Seul, le bien que nous prodiguons aux méchants peut nous consoler du mal qu'ils nous font » ; enfin sur l'Au delà « De tous les dons que Jésus-Christ a faits à l'humanité, le plus appréciable est de l'avoir reconciliée avec la mort. »

Le Figaro, 29/5/1921

Maria Star à Cap Martin

Sa villa

La villa Torre Clementina de Roquebrune-Cap Martin fut construite pour Ernesta Stern par l'architecte Lucien Hesse peu après le lotissement, en 1904. Elle lui a donné un nom contenant le prénom de sa mère.

Le domaine du Cap-Martin fut cédé, en 1889, à une société immobilière anglaise. La construction du Grand Hôtel du Cap attira de nombreuses têtes couronnées, d'Édouard VII d’Angleterre à François-Joseph Ier d'Autriche et son épouse Sissi. Le site prit rapidement un caractère aristocratique et mondain, son urbanisation se poursuivant à un rythme soutenu avec la construction de luxueuses demeures, abritées derrière une épaisse végétation.

L'architecte Lucien Hesse (1866-1929) a bâti des demeures privées ainsi que plusieurs synagogues. Il a reconstruit le château de la Muette (Paris, 16ème) pour Henri de Rotschild en 1920.

 

 

L'aménagement intérieur de la villa, d'inspiration orientalisante, ainsi que les jardins sont l'œuvre de Raffaële Maïnella, son ami peintre qu'elle a fait venir de Venise. Dans son ouvrage L'hiver dans le Midi : XVIIe-XXIee siècles, Marc Boyer a écrit que "la demeure d'allure bizantine était encombrée de bas-reliefs et de bibelots, éclairée par des jeux de lumière, enchantée par des voix de soprani qui se prodisaient dès l'arrivée d'un visiteur".

Le revêtement mural extérieur associe des briques rouges rustiques, des pierres blanches sculptées et le marbre. Le porche d’entrée, la loggia du rez-de-chaussée, les grilles de ferronnerie et la longue galerie du premier étage reproduisent des éléments d'architecture d'édifices vénitiens.

La maison et le jardin sont inscrits depuis 1991 au titre des bâtiments historiques.

  Des allées sinueuses font traverser les trois parties du jardin, inscrit dans la pinède ; elles sont jalonnées d'un théâtre de verdure, de vestiges d’architecture antique, de fontaines, d'une pergola, de belvédères, d'une cascade et d'un miroir d‘eau.

C’est sur le flanc abrupt de ces falaises, parmi ces pins à la ramure contournée, que des sentiers ont été tracés, accrochés plutôt, avec fantaisie, descendant en étroits et multiples lacets jusqu’à la grève. Toute une variété de fragments, de vestiges d’architectures antiques, rapportés de Venise, d’Italie et d’ailleurs, disposés çà et là, ou réunis pour composer des ensembles, ajoute à l’originalité de la conception. Alors que l’on peut craindre, avec assez de raison, le rapprochement de la pierre précieusement sculptée et du roc brut, l’effet en est plaisant parmi ces fleurs et sous la verdure des vieux arbres. Et tout cela donne à ces arrangements un peu l’aspect d’un jardin de conte de fées. Chaque fragment d’architecture, morceau de chapiteau, fût de colonne, encadrement de fenêtre ; chaque motif, vasque, mortier, banc, est si bien placé, se marie si harmonieusement avec la verdure et les fleurs ; chaque arrangement forme un rappel si heureux d’un autre qu’on ne s’étonne pas qu’on ait conçu un tel décor, tant il s’identifie avec le milieu et semble faire partie du paysage.

Albert Maumené
La vie à la campagne, 15/1/1912


D’abord l’esquisse amusante d’un jardin japonais ; puis une sorte de reconstitution d’un petit théâtre grec, qui pourrait aussi être celui d’une villa de praticien romain, et un jardin de fleurs et de jeux dans une oliveraie restée tout à fait dans le caractère local, dont les longues terrasses rustiques ont été conservées et très discrètement parées. Cet ensemble de jardins de caractères différents est fort bien composé et réalisé. [...]

Qu’on imagine un tapis de gazon déroulé sur des marches de marbre, partagé en son milieu par une rampe de géraniums éclatants, et flanqués de plus hauts degrés surmontés ça et là d’antiques pots de terre cuite débordants de feuillages et de plantes vivaces. Cet escalier conduit d’un étroit miroir d’eau à une terrasse encadrée de grands arbres, pins maritimes et cyprès, sur la sombre masse desquels tranche le blanc cru de pures colonnes romanes. De là, si l’on se retourne, l’œil découvre la mer étincelante, dont l’éclat métallique multiplie miraculeusement la joyeuse et vibrante symphonie des fleurs innombrables.

L'Illustration, 26/2/1921

Ses voisines, ses relations et ses activités

L'Impératrice Eugénie

La villa Torre Clementina était voisine de celle de l'impératrice Eugénie, la villa Cyrnos. Après son décès, Ernesta Stern organisa une conférence, dont elle écrivit le texte :

Le Souvenir de l'Impératrice

Pieuse pensée ! Poétique hommage ! Toute la ferveur d'un cœur vibrant, toute l'admiration d'une femme généreuse et la reconnaissance d'une âme sensible ont fait ce miracle d'éveiller sur une tombe encore proche une ombre enfin apaisée. Je suis revenu à Paris pour assister à cette fête de l'amitié voilée par les larmes !... Je savais que toute question politique en serait bannie. Parler de l'Impératrice Eugénie ? Déjà Oui, déjà ! Et l'image y gagna dans nos yeux et dans notre souvenir une netteté de contours, une grandeur attendrie et une beauté tragique jamais égalées.

La coquette salle du Colisée était trop petite pour contenir les invités de Mme Ernesta Stern, hier après-midi. L'élite de Paris était là. Mme Stern eut longtemps, au Cap-Martin, l'Impératrice pour voisine, et c'est pour nous qu'elle se souvint. La carte d'invitation portait ces simples mots « Mme Louis Stern vous prie de bien vouloir assister à sa conférence : Quelques souvenirs intimes sur l'Impératrice Eugénie. La conférence sera lue par Mlle Madeleine Roch, de la Comédie-Française. » Mais Mlle Madeleine Roch ne lut pas, elle fit plus : elle éclaira de ses grands yeux et de sa voix profonde la pierre déjà froide d'un tombeau sur lequel le vent du malheur n'apporte plus qu'un parfum de lis et de roses emprisonné par des cyprès.

Cyprès bleus debout à l'horizon et barrant entre le passé et le présent une coulée de rêve, une chevauchée d'illusions. Que Mme Stern soit remerciée ! Chacune des pages écrites de sa main fut un hommage — un hommage dont Mlle Madeleine Roch fit une musique ! [...]

Tandis que Mme Louis Stern, par la voix de Mlle Madeleine Roch, évoquait certain soir d'avril, au Cap-Martin, et nous contait comment, dans l'exil de sa vieillesse, l'impératrice lui parlait du Prince impérial, de son pèlerinage d'Afrique, du coin de terre sur lequel il était mort pour la grandeur de la patrie, une armée d'autres héros faisait un rempart à sa voix. Elle la haussait vers le ciel comme un bouclier, pour en faire jaillir de la beauté, de la pitié et de l'amour. Car il est vrai, je crois, que si nous cherchons aujourd'hui des directives morales pour le présent et pour l'avenir, nous n'en trouverons que sur les tombeaux !

Pierre-Plessis
Journal Le Gaulois, 11/6/1924

La Revue politique et littéraire publia, en 1924, un long texte d'Ernesta Stern intitulé Quelques souvenirs intimes sur l'Impératrice Eugénie, dont nous ne reproduisons que deux phrases du début.

[...] Dans cet asile du Cap-Martin, où j'abritais l'automne de ma vie, et où, dans la paix du soir, je cherchais le recueillement et le repos, une auguste femme m'avait devancée depuis plusieurs années : l'Impératrice Eugénie. Mon gendre, Louis de Chasseloup Laubat, était son filleul, je n'étais donc pas tout à fait une inconnue pour elle. [...]

Cyprienne Hériot

 

La propriétaire des Grands Magasins du Louvre, dont l'époux était décédé en 1899, était la voisine d'Ernesta Stern de l'autre côté. Celle-ci lui avait "prêté" Raffaele Mainella pour décorer sa villa Cypris, qu'elle fit construite dans le style bizantin la même année que la villa Torre Clementina, et pour aménager son jardin.

Il créa, depuis la villa, une perspective centrale en plongée aboutissant à une colonnade couverte se détachant sur la mer. Dans ce jardin, une pergola de seize piliers de marbre, soutenant des arcs de briques, rappelle une mosquée en ruine.

Ancienne vendeuse au rayon corsets des Grands Magasins du Louvre, elle en avait épousé le directeur-propriétaire, Olympe Hériot. Devenue une personnalité mondaine, mécène et philanthrope, elle eut un destin comparable à celui de Denise dans le roman d'Émile Zola Au Bonheur des Dames, inspiré de la saga de ces grands magasins. Elle sest remariée en 1908 avec Roger Douine, issu d'une famille de filateurs.

En faisant appel à Mainella, elle fit également construire, au bord du Grand Canal de Venise, des villas à la Giudecca et une maison, s'inspirant de l'architecture gothique de l'abbaye San Gregorio.

Maurice Maeterlinck

Ernesta Stern entretenait, dans sa villa Torre Clementina, une correspondance avec un autre écrivain, qui résidait dans sa villa Les Abeilles à Nice : Maurice Maeterlinck (1862-1949) était un proche voisin, lorsqu'elle était à Villennes et lui dans son château de Médan.

Elle avait été présente à la soirée offerte à Nice, le 12 mars 1912, en l’honneur de Maurice Maeterlinck pour son Prix Nobel.

 

Jean Cocteau

 

La Méditerranée constitua une grande source d'inspiration pour Jean Cocteau (1889-1963), poète aux multiples talents. Dans le microcosme de la Riviera, où tous se rencontraient, il connaissait tout le monde. Il aimait particulièrement Menton, où un musée lui est maintenant dédié. Il a résidé chez Coco Chanel à Roquebrune-Cap Martin, en 1929.

Séjournant à Pâques 1911 dans un hôtel de Cap Martin, il y fit la connaissance de deux femmes possédant des propriétés voisines. Il les a décrites, sans complaisance, dans ses Portraits-souvenir :

"D’un côté du mur, Maria Star (pseudonyme de Madame S.) promenait les chasubles, les chaînes, les bagues, les pendentifs, la canne à crosse, la corpulence d’un évêque de Babylone ; de l’autre côté du mur vivait la femme la plus émouvante, la plus dépaysée du siècle."

Il a fait (vraisemblablement plus tard) un dessin d'une Maria Star, très volumineuse avec un visage bizarre. Sa description dans Le passé défini n'est pas plus aimable :

"[...] Ernesta Stern, grosse ogresse à canne et à bésicles fort compétente en jolis garçons et croyant l'être en sciences occultes. Elle se croyait réincarnée de Sémiramis et lisait dans les mains [...]".

 

Loïe Fuller

Ernesta Stern a peut-être assisté en 1924 à une fête au casino de Nice : Le Bal de la neige. Le public, invité à se vêtir de blanc, était libre de déambuler dans la salle, blanche, vidée de ses fauteuils. Des jeunes filles, également en blanc, distribuaient 8 000 boules blanches aux spectateurs, qui participaient ainsi au spectacle. Des ventilateurs, dissimulés dans de grandes boules blanches, faisaient tourbillonner la (fausse) neige qui tombeait du plafond. Des projections lumineuses étaient dirigées sur le public. Sur la scène, peinte en noir, de jeunes danseuses évoluaient, de petits feux d’artifices à la main.

Peu après, Ernesta proposait à l'organisatrice de cette fête, la danseuse américaine Loïe Fuller, de réaliser dans sa propriété de Cap Martin un film de danses. Elle apportait un financement de 15 500 F. Le scénario était de la reine Marie de Roumanie, avec laquelle la danseuse s'était liée d'amitié depuis une vingtaine d'années. Loïe Fuller avait réalisé, en 1920, avec Georgette Sorrère, son premier film Le Lys de la vie, tiré d’un conte de cette amie royale.

Ce rapprochement entre Maria Star et Loïe Fuller ne peut pas nous étonner : la danseuse était l'incarnation du Symbolisme sur la scène, "transcendant le corps pour atteindre une dimension spirituelle où le quotidien est transfiguré par la beauté de l’art".

 


Mary Louise Fuller, dite Loïe Fuller (1862-1928), était une danseuse américaine, célèbre pour les voiles qu'elle faisait tournoyer dans ses chorégraphies et ses effets de lumière. Les Futuristes furent séduits par cet art cinétique et lumineux ; les Symbolistes furent conquis par cette nouvelle forme d’art qui se prêtait facilement aux métaphores naturelles.

Sa dernière demeure

 

Madame Louis Stern, née Ernesta Hierschel de Minerbi, est décédée dans sa villa Torre Clementina le 7 mai 1926.

L'acte de son décès indique bien qu'elle était née en 1854.

De nombreux hommages furent publiés le lendemain de sa disparition.

ERNESTA STERN

Elle s'est éteinte, hier matin, dans sa villa du cap Martin, véritable « paradou » que sa fantaisie, d'artiste et son imagination de fée avaient créé, face à la mer, au milieu des fleurs, des pins et des oiseaux. Elle s'est éteinte avec ce beau courage tranquille qu'elle n'avait cessé de montrer depuis qu'elle se savait atteinte d'un mal qui ne pardonne pas. Il y a quelques jours encore elle écrivait à une de ses amies : « Je ne reviendrai plus à Paris, aussi je vous fais ici mes adieux... » Cette magnifique sérénité devant la mort elle la puisait dans sa croyance profonde en l'au-delà. Ses intimes savent quelle place tenait dans sa pensée la préoccupation de la vie future.

Mme Louis Stern — Ernesta Stern comme on se plaisait à l'appeler dans le cénacle, littéraire et musical dont elle était l'inlassable animatrice — n'était point seulement une femme de haute culture et d'intelligence supérieure, sorte de personnage d'une époque lointaine, impératrice de Byzance ou dogaresse de Venise dont elle évoquait la prestance et les traits ; Ernesta Stern était un cœur spontané, enthousiaste et généreux. Elle avait le culte de l'art, elle en saisissait, elle en goûtait avec une joie réelle toute la sensibilité, toutes les nuances, toutes les formes de beauté. Elle savait, comme nulle autre, partager les espoirs, comprendre les raisons que la raison ignore, s'associer aux secrètes et aux multiples inquiétudes de l'âme qui composent de jour en jour la vie frémissante et tourmentée des êtres qui sentent et qui pensent. Par là même elle était une collaboratrice ; curieuse de tout effort intellectuel, elle se dépensait pour l'encourager et pour en assurer le succès.

Elle a trop habité les régions de la légende et du rêve pour n'avoir pas été tentée d'écrire.
Elle publia des romans où l'intensité lyrique n'excluait pas une observation pénétrante et une curieuse perspicacité psychologique ; elle décrivit dans une prose qui avait la couleur et le mouvement des grandes strophes romantiques, la splendeur de Venise et des paysages d'Orient vers lesquels, si fréquemment, la ramenait sa nostalgie. Dernièrement enfin, elle consacrait ses loisirs à la composition de scénarios cinématographiques où s'affirmaient son instinct dramatique et son imagination si active.

Pendant plus d'un quart de siècle son salon du faubourg Saint-Honoré, ce vaste hall de style gothique où les Reynolds et les Turner voisinnaient avec les primitifs italiens, vit défiler toutes les illustrations de la politique, de l'armée, de la science, des lettres et des arts ; maréchaux, ambassadeurs, hommes d'Etat, académiciens, musiciens et peintres célèbres, écrivains et artistes en vogue se rencontraient chaque semaine autour de sa table dont l'ordonnance était d'une irréprochable tenue. Ces réunions, toutefois, n'étaient, dans sa pensée généreuse, qu'un prétexte pour mettre en relief quelque talent ignoré, pour faciliter la carrière d'un débutant chez qui s'annonçait un brillant avenir.

Ils sont légion ceux qui ont éprouvé les effets de cette bonté attentive et délicate. Mme Stern l'a prodiguée jusqu'à son dernier jour avec l'ardeur juvénile qu'elle apportait dans toutes les manifestations de la vie. N'est-ce point elle qui disait l'hiver dernier à sa vieille amie la bonne duchesse de Rohan ce mot exquis : « Notre vieillesse, à nous, c'est de la jeunesse accumulée... » !

Sa disparition laissera dans la société parisienne un regret sincère et son image demeurera gravée très profondément dans le souvenir de ceux qui l'ont connue : des blessés qu'elle a soignés avec tant de dévouement pendant la guerre, des artistes qu'elle a encouragés et secourus, et même de ce Paris frivole et sceptique qui reconnaissait en elle un grand cœur et un charmant esprit.

René Lara
Le Gaulois, 8/5/1926


Conformément au vœu exprimé par la défunte, l'inhumation aura lieu dans un caveau qu'elle avait fait construire dans le petit cimetière de Menton, en face de la mer et des côtes de l'Italie, qui était sa patrie d'origine et qu'elle unissait à la France dans ses affections et dans son admiration.

Le Gaulois, 10/5/1926


Sa tombe se trouve, à proximité de sa propriété, dans le cimetière du château de Menton.

L'inscription de l'année de sa naissance, au dessus de sa tombe, l'a rajeunie d'un an ou de quelques semaines ...

Au centre, nous retrouvons son symbole, l'étoile, das Stern, the star ...

 

Ces derniers documents nous ont été aimablement communiqués par Madame Madeleine Sandrea, que nous remercions très cordialement.
Son site Internet, consacré à la correspondance de son grand-père avec de nombreuses personnalités et à ses relations mondaines, vous donnera de multiples précisions sur la famille et les amis d'Ernesta Hierschel de Minerbi - Maria Star. Pour le consulter, cliquez ici.

Jean Stern
Sporstman, de l'escrime à l'hippisme, et écrivain-historien
(1875 - 1962)


 

Jean Stern, photographié ici en 1934, a été propriétaire de la villa Le Cloître après le décès de sa mère.

Ayant son domicile à Paris (16ème), 18 rue Octave Feuillet, et possédant une grande propriété à Chantilly (encore une étoile : Blue Star Cottage), il n'a vraisemblablement pas habité à Villennes mais il devait y organiser des réceptions.

Il a vendu cette villa pendant l'Occupation avant d'en reprendre la propriété ; nous pouvons penser qu'il souhaitait ne pas en être dépossédé en raison des origines juives de sa famille.

Lorsqu'il habitait l'hôtel particulier de ses parents, 68 rue du Faubourg-Saint-Honoré, son écurie était située au 11 rue d’Agueneau, selon les archives de son fournisseur Hermès.

Le duel pour défendre l'honneur de sa mère

Montrant de l'admiration pour sa mère, il a défié Robert de Montesquiou en duel, après que celui-ci ait écrit des propos qu'il jugeait injurieux. Dans son article Les Lettres et les Arts : Etoile de moyenne grandeur, paru le 10 janvier 1904 dans le journal Le Cri de Paris sous la signature Angel, le poète raillait les talents littéraires de Maria Star.

Il n'eut pas de difficulté à triompher de cet arrière-petit-fils de d'Artagnan : en effet, il était épéiste.

 

LE DUEL D'HIER

A Neuilly, Rencontre de M. Jean Stern et du comte de Montesquiou-Fezensac
M. de Montesquiou légèrement blessé

M. de Montesquiou légèrement blessé. Encore un duel bien parisien. Il a eu lieu hier, à Neuilly, dans l'établissement habitué à ce genre de rencontres. Cette fois, c'étaient MM. Jean Stern et, le comte de Montesquiou-Fezensac qui devaient se trouver en présence. Pour quel motif ? Le procès-verbal l'indique ainsi : "Un article du Cri de Paris, dont M. de Montesquiou s'était reconnu l'auteur, article dans lequel Mme Stern se trouvait nommée dans des termes que M. Jean Stern avait jugés injurieux."

Il est un peu plus d'une heure et demie de l'après-midi. Le temps est couvert. Il fait humide, et la pluie menace. Devant la large grille de l'établissement, close et aveuglée de toiles, des fiacres s'arrêtent successivement mais repartent presque aussitôt. La concierge, en effet, ne laisse pénétrer personne. Elle ne nie pas que le duel de MM. Jean Stern et Robert de Montesquiou-Fezensac, doive avoir lieu tout à l'heure en cet endroit ; mais on lui a donné, dit-elle, des ordres absolus ; le comte de Montesquiou, notamment, a déclaré qu'il ne se battrait point si un seul journaliste devait assister au combat. Pourtant, nous y étions et nous avons vu, non sans émotion, les adversaires, se mettre en ligne, en plein air, devant les écuries, et lutter durant le temps de quatre reprises sans que l'un, M. Jean Stern, cessât d'attaquer durement son adversaire, et sans que l'autre, le comte Robert de Montesquiou, rompit d'une semelle. Le premier portait un long maillot blanc, le second n'avait, sur le torse, qu'une chemise blanche molle. A chaque interruption du combat, on lui jetait sur les épaules un manteau de drap bleu fourré.

Un peu après deux heures, M. de Blest-Gana, qui dirigea le combat avec autant de courtoisie que de fermeté, prononçait le "Allez, messieurs". La première reprise ne donne aucun résultat. Dès la seconde, nous avons l'impression que le comte de Montesquiou est peut-être sérieusement blessé à l'épaule. Mais il n'en est rien, et l'affaire continue. A la troisième, M. de Montesquiou est de nouveau touché à la poitrine, au-dessous du sein droit. Simple éraflure encore. A la reprise suivante enfin, M. Stern porte à son adversaire un coup qui l'atteint au niveau du cinquième espace intercostal. Cette fois, les médecins arrêtent le duel, et les témoins déclarent l'honneur satisfait. On emmène M. de Montesquiou, on le panse. Sa blessure, heureusement, ne présente aucun caractère de gravité mais il venait, plusieurs fois, de l'échapper belle.

Le Matin, 19/1/1904


Plusieurs journaux publièrent le règlement du duel et son procès-verbal.

LE DUEL D'HIER

[...] M. Jean Stern a prié MM. W. de Blest-Gana et André Lebey de demander au comte Robert de Montesquiou rétractation ou réparation par les armes. Le comte Robert de Montesquiou a chargé MM. le marquis de Clermont-Tonnerre et André Maurel de défendre ses intérêts. Les quatre témoins s'étant réunis, une rencontre a été décidée dans les conditions suivantes :
1. La rencontre aura lieu aux environs de Paris le 18 janvier
2. L'arme choisie est l'épée de combat
3. Reprises de trois minutes ; repos d'une minute
4. Un terrain de 15 mètres sera compté derrière chacun des adversaires et sera rendu une fois, après quoi le terrain gagné sera acquis
5. Le combat sera terminé sur l'avis des médecins
6. Conditions ordinaires : chemise molle, gant de ville, bottines.
Fait en double à Paris, le 17 janvier 1904.
Pr M. Jean Stern Pr le Cte E. de Montesquiou : W. de Blest-Gana, M. de Clermeon-Tonnerre, André Lebey. André Maurel.

A deux heures moins un quart, M. Jean Stern arrivait dans un cab de maître avec ses deux témoins : MM. Willy de Blest-Gana et André Lebey, et cinq minutes plus tard, le docteur Aumont le rejoignait. Dix minutes après, trois automobiles amenaient sur le terrain M. le comte de Montesquiou avec ses amis, MM. le marquis de Clermont-Tonnerre et André Maurel et son médecin, le docteur Blondel, médecin à la Charité. Il pleut, un froid intense vous pénètre. Néanmoins, les témoins décident que le duel aura lieu en plein air. Les préparatifs sont promptement menés et voici les adversaires en présence. Tous deux sont de haute stature. Le comte de Montesquiou enlève le par- dessus bleu clair avec col de fourrure, qu'il a jeté négligemment sur ses épaules. Il porte la chemise molle, une chemise toute blanche qui bouffe un peu. Le pantalon est bleu comme le par-dessus, mais moins clair un pantalon à la mode, un pantalon collant. Pas la moindre émotion ne se lit sur son visage. Il est très calme. Non moins calme apparaît M. Jean Stern. Il porte un maillot large et un pantalon large aussi. Il a visiblement le souci de ne pas être gêné dans ses mouvements. Dès le début du combat, la supériorité d'escrimeur de M. Stern s'accuse. M. Stern est un épéiste de réel talent qui a gagné de nombreuses poules à l'épée. M. le comte de Montesquiou qui s'est battu autrefois avec M. Henri de Régnier ignore tout ou presque tout de l'art des armes. Il ferraille, mais ne rompt pas d'une semelle. Les quatre reprises se disputent sur place, et c'est d'un bout à l'autre M. Stern qui mène le combat. Après avoir battu le fer de son adversaire, dans les deux lignes, en quarte et en sixte, il dessine quelques feintes d'attaque. Puis lorsque M. de Montesquiou est désemparé, il bat sixte et tire droit. C'est ainsi qu'il touche trois fois en se fendant. Les trois fois on croit M. de Montesquiou grièvement blessé. La lame qui l'atteint plie et forme cerceau. A la quatrième reprise, lorsqu'il est touché, « à deux centimètres du sternum », il chancelle un instant et porte la main à la poitrine. Les médecins estiment qu'il est en état d'infériorité et le duel est terminé. C'est égal, M. de Montesquiou l'a échappé belle. J'ai bien cru que son courage n'arriverait pas à le sauver. M. Willy de Blest-Gana a dirigé le combat avec beaucoup d'autorité et le docteur Aumont a failli être victime de son zèle professionnel. M. de Montesquiou venait d'être blessé. Il se précipite. A ce moment, M. de Montesquiou lance un coup d'épée instinctif qui perce le pantalon du docteur et lui érafle la peau. Que d'émotions en une seule journée ! [...]

Le Figaro, 19/1/1904

Une autre fois Jean Stern s'estimant offensé n'ira pas jusqu'au duel.

ENVOIS DE TEMOINS

Des témoins ont été échangés aussi entre M. Jean Stern, le sporstman bien connu, et M. Trarieux, le directeur du Critérium, à la suite d'un incident survenu hier après midi sur le champ de courses d'Auteuil. MM. le prince Murat et le duc de Brissac représentent M. Stern. M. Trarieux a confié le soin de ses intérêts à MM. Robert Bernstein, avocat à la cour, et Pierre Guillou.

Le Petit Parisien, 22/6/1914

AFFAIRES D'HONNEUR

Nous avons annoncé hier que des témoins avaient été échangés entre M. Jean Stern, le sportsman bien connu, et M. Trarieux, journaliste sportif. Les représentants de M. Trarieux estimant, au non de leur client, que celui-ci n'avait pas dépassé son droit de critique, un tribunal dira qui a raison et si une rencontre doit avoir lieu. [...]

Le Petit Parisien, 23/6/1914


L'escrime







La presse relatait les compétitions auxquelles Jean Stern participait en tant qu'escrimeur et mécène de ce sport ; elle nous informe sur les différents cercles d'escrime de l'époque.

 


Le Figaro, 26/4/1903

 

LES ARMES
Cercle d'Escrime Hoche.

La première poule mensuelle épée et pistolet du Cercle d'escrime Hoche vient d'être disputée dans le jardin du cercle. La poule à l'épée a été gagnée par M. Jean Stern. M. de Blest-Gana s'est classé premier dans la poule au pistolet. [...].

Jehan Septime.
Le Figaro, 8/10/1902

On a pu remarquer que six des membres du Cercle Hoche, MM. le marquis de Chasseloup-Laubat, Jean Stern, André Lebey, Louis Guibout, Ë. Babut, Binet-Valmer, s'étaient classés dans la poule finale du dernier Championnat d'épée. M. le duc Decazes, président du Cercle et MM. le marquis de Rabar et W. de Blest-Gana, vice-présidents, conviaient dernièrement ces six tireurs à déjeuner, pour fêter leur succès. A l'issue de cette réunion intime, une magnifique coupe a été offerte à l'excellent professeur du Cercle, M. Gilbert Bougnol.

Jehan Septime.
Le Figaro, 29/5/1903

La saison des bains de mer s'achève, abrégée qu'elle a été par le mauvais temps. Les salles d'armes parisiennes, à peu près désertes depuis quelques semaines, vont retrouver leur entrain leur vie, amicale et cordiale s'il en fut, car rien ne rapproche autant qu'une passion commune, et la passion des armes, entre toutes, est la source de nombreùses et solides amitiés.

Jetons un regard en arrière, mesurons la tâche accomplie cette année elle nous apparaît considérable. A côté des grandes sociétés d'escrime, l'Union des Sociétés françaises de sports athlétiques est entrée en ligne avec éclat. Elle avait accoutumé de donner, chaque année, des championnats de fleuret et d'épée généralement obscurs, ignorés du public, et peu suivis même par les escrimeurs. Inspirée, dirigée, soutenue pour cette circonstance par des hommes épris de sport et de progrès, en tête desquels je citerai MM. Escudier, Jean Stern, H.-Georges Berger, elle a transformé brusquement, sans aucune espèce de transition, ses championnats d'épée en une manifestation d'escrime bruyante et considérable. C'était une tâche vaste, compliquée, délicate, incertaine ; elle l'a menée jusqu'au bout sans encombre, et le plus mérité des succès, constatons-le une fois de plus, a couronné sa tentative.

Poursuivant son effort, l'Union nous promet, pour 1904, des épreuves plus importantes et plus nombreuses encore. La Société d'Encouragement a décidé, de son côté, d'organiser un Championnat de Fleuret des Officiers. L'activité du mouvement de l'escrime est donc assurée dès à présent pour l'année qui vient.

Nous voulons espérer toutefois qu'à côté des concours au coup de bouton, une large place sera réservée aux assauts publics dans le programme de la saison. Il n'en est pas encore question, sans doute parce que ce genre de séances ne demande pas à être prévu ni préparé d'aussi loin. Mais il ne faudrait pas perdre de vue que l'assaut public est le complément du concours et que si l'un assure au tireur le bénéfice intégral des qualités pratiques de son jeu, l'autre lui impose en revanche la préoccupation de la tenue, des belles armes et de l'art, sans lesquels il n'est point d'escrime véritablement bonne. L'assaut public et le championnat sont ici deux éléments qui doivent en quelque sorte se faire contrepoids. C'est aux grandes sociétés d'escrime qu'il appartient d'établir et de maintenir la proportion. Sans refuser aucunement leur appui aux concours, il convient qu'elles se préoccupent d'apporter un remède à la licence que ceux-ci tendent à introduire dans les procédés des tireurs. Elles y travailleront avec fruit, en ouvrant largement à l'épée, comme je l'ai déjà dit, le programme de leurs assauts, et en augmentant, dans toute la mesure possible, la fréquence, l'ampleur et la solennité de leurs grandes séances. L'élégance de ces fêtes aimées du public reposera, d'ailleurs, agréablement, du spectacle peut-être un peu sévère que nous offrent certains championnats. Ceux-ci nous montrent le sport en vêtements de travail ; celles-là nous le présentent en habits de fête il y a temps pour tous les deux.

Le Figaro, 21/9/1903



LES CHAMPIONNATS DE 1904

Ainsi que nous le faisions pressentir il y a quelque temps déjà, les Championnats d'escrime que l'Union des Sociétés françaises de sports athlétiques et M. Jean Stern ont fondés au printemps dernier, seront organisés, l'an prochain, par un Comité technique spécial. L'U.S.F.S.A. et le journal Armes et Sports, dont M. Jean Stern est administrateur, seront représentés dans le Comité. Des places y seront également réservées aux délégués de celles des grandes sociétés d'escrime qui voudront apporter à cette importante manifestation leur concours matériel et l'appui de leur autorité.

Le Figaro, 6/11/1903



LES ARMES DE FRANCE

Le nom de cette société, qui a tenu hier son assemblée générale, est noble et significatif, son but heureusement déterminé et sa tâche jusqu'à cette heure a été des plus utiles à la cause qu'elle veut servir, le relèvement de l'énergie nationale par la propagation du goût des armes et le perfectionnement de leur maniement dans toutes les classes de la société française. Fondée en 1903 par quelques hommes d'action et d'initiative pratiquant d'une façon générale tous les sports, mais plus particulièrement l'escrime, MM. le marquis de Chasseloup-Laubat, Jean Stern, Georges Breittmayer, Georges Berger et Jacques Holzschuch, ce groupement se propose de servir d'intermédiaire et d'aide aux grandes sociétés d'armes françaises et étrangères pour organiser de grandes épreuves d'armes de toutes sortes (épée, sabre, fleuret, pistolet, revolver, etc.).

Le Temps, 2/11/1904


Aujourd'hui commenceront à Ostende les épreuves de la Coupe internationale. Une équipe composée de M. H.-Georges Berger, capitaine, et de MM. le comte de La Falaise, M. Gaucheron, J. Foule, L. Gaudin et Jean Stern, défendra nos couleurs dans cette Coupe.

Le Journal des débats, 31/7/1906


Tournoi d'épée de Monte-Carlo
COUPE ALBERT GAUTIER

L'équipe française qui disputera le 19 avril, à Monte-Carlo, la Coupe Albert Gautier, est actuellement au complet. Aux noms de M. Joseph-Renaud, capitaine de l'équipe, et de MM. Ed. Wallace, Alibert et Leleu, dont nous avons déjà parlé, s'ajoute celui de M. Olivier, qui vient d'être officiellement désigné. M. Olivier appartient au Cercle de l'escrime à l'épée. M. Joseph-Renaud représente le Cercle Hoche ; M. Wallace, le Cercle d'Anjou ; M. Leleu s'entraîne à Douai, qu'il habite toute l'année ; M. Alibert est l'un des principaux tireurs de la salle Baudry, dont le président, M. le comte de Malynski, vient de mettre si généreusement, à la disposition de la Fédération nationale des Sociétés d'escrime et des salles d'armes, une somme de 25.000 francs.

Qu'il me soit permis de dire, à ce sujet, que le nombre des mécènes de l'escrime augmente tous les ans ; c'est là une intéressante et précieuse caractéristique de la faveur croissante qui s'attache à ce sport élégant. A côté de M. Jean Stern et de M. le marquis de Chasseloup-Laubat, sont venus se placer, l'année dernière, le comte Albert Gautier, créateur de la superbe coupe qui porte son nom ; cette année, M. Eugène Higgins, donateur du prix de Nice, qui doit être disputé le 22 avril, et le comte de Malynski, dont je viens de rappeler le beau geste. A ces noms enfin s'ajoute celui de M. Camille Blanc, le très distingué président de l'International Sporting Club de Monaco, grâce à qui le Tournoi de Monte-Carlo est aujourd'hui l'une des épreuves les plus suivies, les plus brillantes et les plus importantes du monde des armes. Au surplus, remarquons que jusqu'ici, c'est sur l'épée seulement que se sont portés les encouragements et les efforts de cet ordre. Lorsque le fleuret aura ses donateurs, que d'éclatantes séances d'escrime ne verrons-nous pas ?

Je rappelle les noms des cinq amateurs italiens qui disputeront à nos champions la Coupe Albert Gautier : MM. Bertinetti, Jarack, Mattiro, Nowack et Olivier. On peut dire d'eux que ce sont les principaux épéistes d'Italie. Quelques jours encore, et la lutte s'engagera, savante, énergique, passionnée. Que sera t-elle ? Pour qui la victoire réserve-t-elle sa palme et ses capricieuses faveurs ?

Johan Septime
Le Figaro, 13/4/1907


Champion olympique en 1908

Jean Stern fit ensuite partie de l'équipe des escrimeurs français qui remporta une médaille d'or aux Jeux Olympiques de Londres en 1908.

 

 

Il contribua, ensuite, à organiser et à développer ce sport, qu'il finançait déjà en 1903 :


Le Championnat d'Epée des Officiers, dont les épreuves auront lieu du 1er au 10 mai, dans les jardins du Palais-Royal, s'annonce comme devant être très brillant, et la liste des engagements, qui ne sera close que le 15 avril, s'allonge chaque jour. On sait que la Coupe Internationale d'Epée, que M. Jean Stern a dotée, ainsi que le Championnat des Officiers, d'un prix de 5.000 francs, sera disputée à la même époque. Tout fait prévoir, pour ces deux grandes manifestations d'escrime, un succès considérable.

Le Figaro, 13/4/1903

Les sports hippiques

Sa carrière


 

Il possédait, comme son oncle Jacques avant lui, une importante écurie de course.

Après son décès en décembre 1962, ses activités dans le domaine du cheval furent résumées dans un article de Guy Thibault, cité dans le numéro 46 de septembre 2009 de la revue Quiquengrogne, publication du Réseau Patrimonial de la ville de Dieppe. Cette édition était consacré à l'histoire des champs de courses de cette ville. Jean Stern a, en effet, été président de la Société Anonyme des Courses de Dieppe de 1934 jusqu'à son décès ; il a permis que des courses hippiques y soient à nouveau organisées après la Seconde Guerre mondiale, en ayant fait reconstruire l'hippodrome en 1947.


Soixante-quatre ans de sport

Avec lui « ce n’est pas seulement le doyen des éleveurs et des propriétaires français qui disparaît, mais aussi le plus sportif d’entre eux, sportif tant dans le sens de la pratique du sport que dans celui de la loyauté. »

N’ayant cessé d’acquérir des poulinières, Jean Stern se trouve à la fin de la guerre à la tête d’un élevage qui, pas à pas, va se frayer une place dans la cour des grands. Un élevage, aspirant au classicisme, qui n’est absolument pas orienté vers l’obstacle mais dont les produits vont se distinguer dans la spécialité. Car, à compter des années 30, Jean Stern n’hésite pas à risquer sur « les balais » des élèves estimés par lui insuffisants en plat mais dont se contenteraient bien des propriétaires.

Pendant plusieurs décennies, il sera le seul des grands éleveurs français à agir régulièrement de la sorte. [...] Ce faisant Jean Stern témoignait du goût très vif qu’il portait au sport qu’il avait eu la joie de pratiquer dans sa jeunesse. Attitude vite remarquée dans les milieux hippiques qui s’arracheront son assistance dans un grand nombre d’assemblées. À tous, il répond présent.

Les heures restantes, Jean Stern les passe avec ses chevaux – de leur conception sur le papier des pedigrees à leurs performances sur les hippodromes –, et à fureter dans des archives d’où jaillissent nombre d’articles et une demi-douzaine de livres. Entre-temps, avec son épouse, il rendait service à tous, dans l’ombre.

A la Société des Steeples, il fut membre du conseil d’administration de 1933 à 1940 de différentes commissions. Parmi les autres associations ou sociétés ayant fait appel à sa compétence, on relève le Comité consultatif permanent des courses (1906), la Société du cheval de guerre (commissaire), l’Association des propriétaires de chevaux de courses au galop (président de 1920 à 1938), la Société d’Encouragement (entré au comité en 1930, il est aussi membre de la commission du programme et du conseil de direction de la caisse de secours des entraîneurs, jockeys et hommes d’écurie), la Société des courses de Dieppe (président de 1934 à 1962), le Syndicat indépendant des éleveurs (président). [...]

En de multiples occasions, notamment dans des œuvres littéraires et théâtrales présentées ci-après, Jean Stern retraça l'histoire des courses hippiques et de la Société d'Encouragement. Il organisa, notamment une exposition en mai 1925.

 

Le pur sang sur son socle

 

 

Le cheval ne cesse point d'être à la mode. En dépit du mécanisme, nos champs de courses et le Concours hippique ne perdent ni un pouce de terrain, ni un brin de vogue, ni une parcelle de leur clientèle. Toutefois, il manquait au cheval de courses, objet quotidien des préoccupations du monde divers, mais unanime, des sportsmen, la consécration du piédestal. Avec l'exposition de l'Histoire des Courses en France depuis les origines jusqu'en 1870, satisfaction est donnée au pur sang : il possède désormais son socle.

Lorsque des milliers de visiteurs ravis auront défilé dans les salons transformés en galeries de l'hôtel Jean Charpentier, 76, faubourg Saint-Honoré, lorsque les caisses de l'œuvre des veuves de la grande guerre et des villages sanatoriums de haute altitude auront compté la bienfaisante recette, il nous restera encore un précieux souvenir et l'occasion d'apprécier à sa juste valeur l'institution des courses.

Ce que nous devons aux créateurs de la race pure, ce que représentent d'efforts, de constance, de vigilance, de suite dans les idées une sélection rigoureuse, l'essor de vie mondaine, les beautés inhérentes au luxe en plein air, la vogue croissante d'une distraction devenue bientôt démocratique, les inspirations aussi provoquées chez les artistes, tel est renseignement de cette exposition qui atteint son but et le dépasse. Elle se proposait de reconstituer par le document et par l'image un siècle d'hïstoire du turf. Elle est d'abord une réunion momentanée de chefs-d'œuvre de peinture. Le cheval et la course sont le prétexte, mais toute la société française du dernier siècle vit, s'agite, ressuscite autour de la piste...

D'un regard curieux, nous notons les premiers paris particuliers, les matches organisés par le comte d'Artois, les courses de chevaux en liberté de l'époque révolutionnaire et, après bien des vicissitudes, nous apercevons les silhouettes des précurseurs : le duc de Guiche, Lord Seymour, M. Rieussec. Ces noms reviennent dans nos mémoires comme sur les programmes de Longchamp. Les courses sont nées. Nous n'avons plus qu'à les suivre jour par jour, en belle compagnie. Géricault nous peint les péripéties de la course, et ce sont des chefs-d'œuvre du Louvre ; Alken nous reproduit Gladiateur en plein élan ; H. Delamare retrace avec fidélité, avec amour, les silhouettes de Vertugadin, de Bois-Roussel, de Vermout, de Monarque ; Alfred de Dreux, avec sa science du coloris rare, trace les portraits de Quoniam ou de Nautilus. Il peint le fameux chariot du Jockey-Club, d'où les membres assistent à la course et à l'arrivée ; Harry Hall et Eugène Lamy nous conduisent du haras de Chamant aux courses à la Croix-de-Berny ; Parquet fixe les traits de l'immortel Franc-Picard, sept fois vainqueur du Grand steeple-chase de Dieppe ; Carle Vernet déploie la collection de ses études et de ses portraits équestres ; le baron Finot abandonne sa cravache pour laver une série d'aquarelles où toutes, les casaques d'autrefois sont minutieusement consignées. Dans une vitrine, un service de porcelaine témoigne des victoires de M. Aumont et de la modestie toute symbolique des prix de l'époque héroïque. Chaque document, comme ces vieux programmes annotés par le comte de Lagrange ou le baron de Nexon, retiennent l'attention ou créent de petites émotions : tel le sabot de Gladiateur.

Mais point n'est besoin d'être turfiste pour s'intéresser à cette délicieuse et complète évocation de la vie sportive sous le Second Empire. Toutes les grandes casaques des Lupin, des Lefebvre, des d'Harcourt, des Delamarre, des Finot, des Schickler, des Greffulhe, claquent au vent de la course les Morny, les Seymour, les Fould portent les redingotes à basques, les hauts de forme gigantesques ; les entraîneurs avec les jockeys arborent des livrées de techniciens de l'époque, mais, loin des chevaux et des enceintes réservées au pesage, voici le poète Alfred de Musset ; entouré de belles dames, coiffées de chapeaux bergères et vêtues des costumes de Longchamp. De tout temps, le sport hippique a été frère de la mode !

Bref, M. Jean Stern, avec une érudition et un goût qu'il faut également louer, a emprunté à maintes collections particulières les éléments de son exposition et de son histoire. Il a réuni toutes les raisons d'un heureux succès. Amateurs de courses et amateurs d'art s'accorderont pour donner-toute sa valeur à ce trop, facile pronostic.

Le Journal des débats, 5/5/1925


Les haras et les courses de chevaux

Une grande partie de l'élevage de Jean Stern était à Savigné-l'Évêque dans le Calvados ; il fut décimé pendant la Seconde guerre mondiale. Il le redéveloppa ensuite au haras de Saint-Pair-du-Mont dans la Sarthe.

 

Une période glorieuse commença alors pour sa casaque étoilée ; en 1951 Sicambre et Free Man prirent les deux premières places du Jockey-Club. Après Kizil Kourgan (1902) et Brûleur (1913), Sicambre donna un troisième Grand Prix de Paris au haras de Saint-Pair qui en obtint deux autres avec Balto (1961) et Phaëton (1967).


La casaque de Jean Stern fut reprise, après son décès, par son épouse aussi passionnée que lui par l'élevage. Ayant acquis le haras, elle y poursuivit son œuvre.

 

Leurs équidés gagnèrent de nombreuses courses. Nous ne mentionnerons que le Prix d'Aumale à Longchamp.

Ils y obtinrent quatre victoires, ce qui constitua un record :
- White Wing (1922),
- Arpette (1932),
- Amalaric (1933),
- Star (1960).

 

Le Figaro, 15/6/1908

La vènerie

 


Jean Stern, maître d'équipage

 

Dans un article de la revue L'Art et la mode n°18, André de Fouquières écrivait, en 1935 :

[...] Saint Hubert est toujours honoré, à l'égal d'un dieu, en forêt de Chantilly. La chasse, précédée de la messe, est suivie d'une curée aux flambeaux. La forêt retentit ce jour-là des des fanfares des équipages, tandis que caracolent avec maîtrise des chasseresses, telles que la marquise de Chasseloup-Laubat et Mme Jean Stern. Autrefois, les veneurs entouraient la solennité de Saint-Hubert d'un grand apparat. La meute était conduite dans le chœur de l'église, où elle recevait la bénédiction du prêtre. Aujourd'hui les chiens n'entrent plus dans le sanctuaire ; ils restent à la porte sous la garde des piqueurs. L'office se termine aux éclats des fanfares ; le prêtre vient sous le porche bénir la meute. Aussitôt on monte à cheval, on gagne la forêt et on se met en chasse. [...]

Le "coursing" (courses de lévriers)

Les chevaux n'étaient pas les seuls athlètes à quatre pattes que Jean Stern faisait courir. Lors de la fondation du Greyhound-Club, il en devint vice-président et conserva cette responsabilité pendant de nombreuses années.

 

Vingt-cinq lévriers disputèrent hier, au Tremblay, les trois premières courses de la saison. Ce fut par un après-midi très doux et sans pluie que le Greyhound Club de France donna hier, au Tremblay, sa première grande réunion publique de la saison. Une brume légère voilait les confins de l'hippodrome, d'où arrivaient surtout du coté de la Marne, les cris mimés de footballeurs. Le juge H. Ledger arbitrait à cheval, fort pittoresque dans son costume rouge, ainsi que son fils, qui remplissait le rôle de slipper. Le succès de la journée fut pour MM. Jean Stern et de Neuflize qui font courir, sous le nom de Major Fontenoy et dont les lévriers triomphèrent dans les deux premières courses [...]. Les lièvres, venus de Bohême, furent excellents et deux seulement, par leur allure très peu sportive, méritèrent d'avoir la vie sauve et furent mis libres de gagner tranquillement les futaies prochaines.

L'aéro, 18/11/1912

Ses chevaux-vapeur

M. Jean Stern a pris livraison d'une nouvelle 30-chevaux Charron, Girardot et Voigt pour rester fidèle à la marque dont les voitures lui ont toujours donné la plus entière satisfaction.

Le Figaro, 7/1/1907

 

Son épouse, fille et petite-fille de "barons" de la haute finance


 

Le nom de Jean Stern revenait très fréquemment dans les journaux lors des victoires de ses chevaux. Quant à son épouse Claude, elle se faisait remarquer par ses élégances sur les champs de courses et dans les réunions mondaines.

Elle était la fille du baron Léon Lambert (1851-1919) et de son épouse Lucie, née de Rotschild (1863-1916); elle était une fille du baron et de la baronne Gustave de Rothschild.

Léon Lambert, qui avait représenté, à 24 ans, la maison Rothschild en Belgique, était un financier de premier plan ; banquier personnel de Léopold II, il était l'un des hommes les plus opulents de la Belgique de la fin du XIXe siècle, celui qui payait alors le plus d'impôts sur les signes extérieurs de richesse ...

Ci-contre : madame Jean Stern en 1923

Voici un compte rendu du mariage de Jean Stern et Claude Lambert :

Le mariage de M. Jean Stern, le brillant sportsman, fils du regretté M. Louis Stern et de Madame Stern, née de Hierschel, avec Mademoiselle Claude Lambert, fille du baron et de la baronne Lambert, née de Rothschild et petite-fille du baron et de la baronne Gustave de Rothschild, a été béni à Bruxelles, au temple Israélite. Il avait été précédé du mariage civil, célébré par M. de Mot, bourgmestre de Bruxelles. Les témoins furent pour le marié : M. Gérard, ministre de France en Belgique, et M. Emile Halphen ; pour la mariée : le vice-amiral Duperie et le comte John d'Oultremont, grand maréchal de la Cour du roi Léopold II.

Splendide le dîner de quatre-vingts couverts et la réception donnés par Madame Lambert à l'occasion de la signature du contrat, dans son splendide hôtel de l'avenue Marnix. Eblouissante, l'exposition des cadeaux. Dans la corbeille : un rang de grosses perles, bague avec rubis, bracelets, broches et bagues en diamants, dentelles anciennes, zibelines, etc., etc. — Parmi les donateurs : baron et baronne Gustave de Rothschild, collier de rubis ; baron et baronne Lambert, diadème en rubis ; baron et baronne Henri de Rothschild, milieu de table avec groupe en vieux saxe ; baron et baronne Alphonse de Rothschild, oiseau en diamants ; Madame Louis Stern, diadème en diamants, et une toile de Géricault ; M. Charles Stern, deux flambeaux Louis XVI ; marquis et marquise de Chasseloup-Laubat, victoria, etc.

Revue Les Modes, avril 1904

Les hommages que les journaux rendirent au baron Lambert, lors de son décès, nous renseignent sur sa personnalité et sa carrière.

C'est avec un sentiment de vif regret que nous apprenons la nouvelle de la mort presque subite du baron Lambert, décédé à l'âge de soisarite-huit ans, en son domicile, 43, avenue Hoche. De passage à Paris où, pour la première fois depuis 1914, il était venu reprendre sa place dans les conseils dont il faisait partie, il devait repartir avant-hier pour Bruxelles, quand il fut pris d'un malaise soudain qui nécessita une intervention chirurgicale ; il succomba dans la soirée.

Administrateur du chemin de fer du Nord, régent de la Banque nationale de Belgique, membre du conseil de la Société de la Vieille-Montagne, c'est une figure très marquante de la Belgique moderne, en même temps qu'une personnalité parisienne en vue, qui disparait. Honoré de l'amitié personnelle et de la conflance particulière de feu le roi Léopold II, qui faisait le plus grand cas de son intelligence et de son jugement, ayant continué à recevoir de S. M. le roi Albert les marques d'une égale appréciation, il fut un des conseils financiers les plus écoutés de ces deux souverains de son pays.

Son mariage avec la fille de feu le baron et baronne Gustave de Rothschild, qu'il eut la douleur de perdre l'an dernier, lui permit de resserrer, par l'importance et l'agrément de cette union, les liens de sympathie qui l'unissaient déjà à la France, et de mettre ainsi sa compétence et sa valeur au service mutuel des deux pays. Aussi Parisien que Belge, il était également recherché dans les deux sociétés, où son sens profond des affaires, ses qualités morales, son affabilité personnelle, sa conversation spirituelle et fine et la sûreté de son amitié étaient pareillement connus et goûtés.

Ardent patriote, resté à Bruxelles pendant toute l'occupation, aux prises avec l'ennemi durant quatre années, il se multiplia de toutes manières pour rendre service à sa patrie occupée et défendre de son mieux les intérêts que, par son influence, il pouvait sauvegarder et servir. Son activité bienfaisante et multiple ne se ralentit pas au cours de toute cette période. Ce fut lui qui, en 1914, au début même des hostilités, fut chargé, en même temps que le baron Franqui, ministre d'Etat belge, de négocier avec les pays alliés les accords qui permirent de ravitailler pendant les quatre années de guerre les populations malheureuses de la Belgique et de la France. Il seconda spécialement M. Hoover, un des grands Américains de la guerre, dans son œuvre humanitaire de ravitaillement des villes belges avant la déclaration de guerre des Etats-Unis.

Il avait été nommé commandeur de la Légion d'honneur lors de la visite à Bruxelles, quelques années avant la guerre, du président Fallières. La mort du baron Lambert, qui est une grande douleur pour les siens, sera très péniblement ressentie en Belgique. Ce pays perd avec lui une de ses personnalités les plus éclairées et un de ses meilleurs enfants à une époque où il eût pu être tout particulièrement utile. Ses amis de Paris, qu'il comptait fort nombreux et qui goûtaient la valeur de son intelligence et les qualités de son cœur lui conserveront un souvenir durablement attaché. De son mariage avec Mlle de Rothschild, dont nous parlions plus haut, il laisse trois enfants : un fils, Henry Lambert, grand blessé de la guerre, et deux filles, l'une qui épousa M. Jean Stern et l'autre non mariée. Il était le beau-frère du baron et de la baronne Robert de Rothschild, de lady Sassoon et de la baronne Emmanuel Leonino, décédées, et du baron Emmanuel Leonino. [...]

Le Figaro, 31/1/1919

L'écrivain

Ses oeuvres signées Sergius

Jean Stern avait reçu de sa mère un don pour l'écriture (et les impressions de voyages) :

Il vient de paraître un album humoristique qui a pour titre Messieurs les Anglais. Les auteurs sont, pour le texte L. Sergius, pseudonyme de M. Jean Stern, l'un de nos plus jeunes et sympathiques sportsmen, fils du regretté M. Louis Stern et beau-frère du marquis de Chasseloup-Laubat ; pour les illustrations E. Thelem, le maître dessinateur qui excelle surtout dans les croquis hippiques. Tous les deux se sont surpassés dans cette publication où, avec une observation fine et très spirituelle, ils passent en revue les originalités de nos voisins d'outre-Manche, et surtout tout ce qui rapporte à leur vie sportive. Tout y est pris sur le vif et les différents types sont d'une vérité absolue et d'un' comique achevé. Cet album fait la joie des salons.

Le Figaro, 30/11/1901

Comme Maria Star, il avait pris un pseudonyme : J. Sergius. A-t-il trouvé son inspiration dans un ouvrage de sa mère pour choisir le nom d'un patriarche de Constantinople ?

 

Dans cet ouvrage illustré par Ernest Barthélemy Lem, dit Ernest Thélem (1869-1930), l'auteur décrit avec humour la vie anglaise qu'il a bien observée : les gentlemen, les uniformes et les costumes, l'éducation, le ménage, les sports et les loisirs (chasse, tir, courses,...).

Ses œuvres théâtrales

Dans des soirées privées, il présentait les pièces qu'il écrivait, et dont il jouait parfois l'un des rôles, ainsi que son épouse et ses amis :

L'une des plus splendides, et en même temps des plus touchantes, a été la fête patriarcale, si l'on peut s'exprimer ainsi, par laquelle le baron et la baronne Gustave de Rothschild ont célébré avec leurs enfants, leurs parents et les amis les plus intimes, leurs noces d'or. […] Le dîner fut suivi d'un régal artistique : Mademoiselle Zambelli dansa Musette et Tambourin, de Rameau, avec une grâce infinie. Puis on joua un à propos-revue de M. Jean Stern, qui fut enlevé de verve par M. Jacques de Féraudy et Madame Marguerite Depas. Dans les couplets, fort spirituellement troussés, on vit défiler les principaux membres de la famille et les amis du baron et de la baronne de Rothschild. La soirée prit fin par le ravissant ballet Les Deux Pigeons, d'André Messager, exquisement dansé par Mademoiselle Zambelli et Meunier, qui triomphèrent ex aequo.

Les Modes, avril 1909


M. et Mme Jean Stern, en leur Blue Star Cottage à Chantilly, ont donné samedi une ravissante soirée. Au programme Revue bleue et rosse, de M. Jean Stern, enlevée avec brio par les délicieuses Mlles Marie Lecomte et Germaine Reuver et les incomparables MM. Jacques de Féraudy, baron Pierre Despatys et Tony Emden. L'élégante assistance a beaucoup applaudi la spirituelle revue, son auteur et les interprètes.

Le Figaro, 17/10/1910


Vendredi et samedi, soirées des plus intéressantes chez le baron et la baronne de Neuflize. Au programme une spirituelle revue en un acte, de M. Jean Stern, Tout en restant comme il faut, interprétée à merveille par Mme Jean Stern, Mme Maurice Dollfus (épatante) ; Mlles Yvonne Pauwels, Locré, Roberte de Neuflize et Suzanne Pauwels, toutes, délicieusement jolies, et par MM. le vicomte de Kersaint, le baron Pierre Despatys, Hubert Latham et Jacques de Neuflize. Au piano M. Georges Lebaillif.

Le Figaro, 19/6/1911


Le clou des soirées artistiques a été celle donnée par le marquis et la marquise de Chasseloup-Laubat pour l'inauguration de leur nouvelle demeure des "Mouettes", à Chantilly. Pour la pendaison de la crémaillère, il fut joué une spirituelle revue de M. Jean Stern, interprétée par une excellente troupe d'amateurs : Mesdames Jean Stern et Maurice Dollfus, vicomte et vicomtesse de Kersaint, baronne Robert de Rothschild, MM. Pierre Margueritte et baron P. Despatys qui remportèrent le plus grand succès.

Les Modes, janvier 1912


Hier soir, le Prince et la Princesse Murat ont donné une réception fort élégante, mais relativement restreinte, qui fut un véritable régal artistique. Le programme comportait La Revue d'un Jour, de M. Jean Stern, dont on eut déjà, à diverses reprises, l'occasion d'apprécier l'incontestable talent d'auteur dramatique. Cette fantaisie en trois actes, charmante et spirituelle, est essentiellement « parisienne » : le premier acte se passe le matin, au Bois ; le second l'après-midi, à Deauville ; le troisième, intitulé « Au bal », est traité de main de maître. Les scènes les plus drôles, les plus fantastiques, se succèdent avec une précipitation vraiment surprenante. [...]

Le Gaulois, 28/6/1913


De Deauville
La représentation organisée en faveur de la Croix-Rouge a obtenu le plus vif succès. La revue de M. Jean Stern et du baron Reille, véritable régal artistique, a produit une recette dépassant 40.000 francs. Tous les interprètes ont obtenu de chaleureux applaudissements et parmi eux Mmes Jeanne Granier, Marthe Régnier, Jeanne Provost, M. Saint-Granier, etc. Les organisateurs de cette belle manifestation artistique et charitable qu'il convient de féliciter, étaient le comte Maurice des Moustiers-Mérinville, le comte de Viel-Castel et M. Lemoine.

Le Figaro, 25/8/1921

Parmi ses autres œuvres théâtrales, d'autres revues et une opérette :

- La revue de l'Union des pages

Un gala de bienfaisance fut le cadre d'une revue de Jean Stern, qualifiée par Le Figaro de "feu d'artifice d'esprit avec, çà et là, une note poétique et émouvante".

Le grand gala annuel de bienfaisance organisé au profit de l'Union des pages (anciens élèves de l'Ecole militaire impériale russe) aura lieu le 6 mai, à 9 heures précises, en l'hôtel de la comtesse de Béhague, 123, rue Saint-Dominique. Le programme comportera une revue inédite de M. Jean Stern. des chants et danses russes, et de nombreuses attractions. [...]

Le Journal des débats, 12/4/1925

- La revue du centenaire, revue en deux actes, Jean Stern, 2/5/1934, Marigny

Mercredi, une revue évocatrice de l'histoire des courses avait été organisée au Théâtre Marigny ; elle fit revivre jusqu'à son apogée actuelle la « Société d'Encouragement » dont l'activité heureuse influença toute la vie mondaine de Paris depuis cent ans. Chantilly en 1836, Longchamp en 1857 avec toute la pompe impériale et en 1864 où - année heureuse - un cheval français gagna pour la première fois le Grand Prix de Paris ; 1900, la rue Royale et le souvenir d'Edouard VII ; enfin, 1934 et le Palais de la Société d'Encouragement défilèrent tour à tour pour le plus grand plaisir d'une assistance sélect. La grande saison de Paris est ouverte.

Mais pourquoi Jean Stern, si vigoureusement applaudi, a-t-il négligé de produire en liberté Stavisky, Hayotte, Dom de Alsua, Héliopoulos, Nico Zographos et leur grand protecteur Napoléon Chiappe ?
Les bravos se seraient alors changés en hourras enthousiastes à l'adresse de cet homme de sport, dont seul le sens de l'actualité ou de... l'indiscrétion fut en défaut hier soir.

Ecoutez-moi..., 5/5/1934


Pour commémorer son centenaire, la Société d'Encouragement pour l'amélioration des races de chevaux en France vient de fêter cette date mémorable par la représentation d'une ravissante revue, due à la plume alerte de M. Jean Stern, un de nos meilleurs sportmen. Avec un spirituel à propos, l'auteur nous fit revivre, en deux actes et huit tableaux, la naissance de la Société, son premier Derby, son premier Grand Prix, enfin un aperçu final de nos pesages des temps modernes. Chantilly et Longchamp n'auraient d'ailleurs pas renié le merveilleux parterre de la générale et de la première et unique représentation du soir. Dans les loges et aux fauteuils d'orchestre, on pouvait remarquer toutes les personnalités du monde diplomatique, de la société parisienne et des courses et les femmes avaient fait assaut d'élégance aux deux représentations.

Les Modes, juin 1934

- Céladon, opéra en un acte de Jean Stern et Edouard Mathé, 15/3/1909, Monaco

Cette œuvre fut représentée plus tard dans des galas de bienfaisance.

Des représentations théatrales au profit des Abris de l'enfance et de l'Œuvre des layettes, oeuvres si intéressantes, auront lieu le mardi 3 juin [...]. Le comité de patronage de cette fête est présidé par Mme la marquise de Chassetoup-Laubat.

Au programme : [...]
Céladon, opérette de M. Jean Stern, musique de M. Edouard Mathé, avec Mmes Bordeaux; Robert Singer; MM. Jean Aubert, le baron Despatys. [...]

Le Journal des débats, 25/5/1924


Le 14 octobre prochain, une troupe d'amateurs mondains, qui comporte Mmes Bordeaux et Singer, le baron Despatys et M. Aubert, interpréteront Céladon, une "opérette" de M. Jean Stern, qui sera accompagnée par le compositeur de la musique, M. Edouard Mathé. A cette œuvre, particulièrement intéressante, s'ajouteront des numéros de danse et des chansons que dira Mlle Marguerite Deval. C'est au profit de l'Office d'Hygiène sociale et de Préservation antituberculeuse de l'Oise, et pour le Comité de Beauvais, que s'organise cette représentation de gala, sous les auspices et par les soins de Mme la baronne Edgard Lejeune, secrétaire générale de l'œuvre.

Le Journal des débats, 8/7/1935

Ses livres historiques, en relation avec les activités hippiques

Après avoir écrit des bluettes, des fantaisies et des revues, Jean Stern rédigea des ouvrages historiques, dont plusieurs concernent les sports hippiques.

En 1913, Les Courses de Chantilly sous la Monarchie de Juillet relatait la création de la Société d’Encouragement et décrivait le turf en cette période héroïque.  
 

Le livre que M. Jean Stern a consacré aux Courses de Chantilly sous la Monarchie de Juillet nous intéresse à plus d'un titre, puisque nous sommes propriétaires du champ de courses et des routes d'entraînement. Sur l'établissement des courses à Chantilly par le duc d'Orléans en 1835, sur la formation de l'hippodrome et la construction des tribunes, M. Jean Stern a tiré de nos archives beaucoup de renseignements. Quant à la question technique, nul n'était mieux qualifié que lui pour la traiter. Son livre est l'évocation d'une société disparue, de ses plaisirs et de son élégance.

Journal des Savants
Académie des inscriptions & belles-lettres (France); Institut de France Volume: 1914


En 1954, Lord Seymour, dit Milord l’Arsouille contait la vie fabuleuse du premier président de la Société d’Encouragement.

 

 


 

L'année suivante parut le livre de Jean Stern sur l'histoire d'un haut lieu des courses hippiques.

 

Le Château de Maisons par Jean Stem
(Calmann-Lévy, éditeurs)

L'ouvrage de M. J. Stern retrace, au moins autant que la vie de lord Henry Seymour, les débuts du Jockey Club, de la Société d'Encouragement pour l'amélioration des races de chevaux en France et l'histoire des premières courses de chevaux organisées après la période révolutionnaire. Il apporte, ne fût-ce que par les noms des principaux protagonistes de ces entreprises ou par les épisodes de la biographie de son héros, un complément non négligeable à l'histoire de la haute société parisienne au moment du romantisme.

La Revue historique, 1955

Ses biographies

Ses recherches sur le château de Maisons-Laffitte l'avaient conduit à s'intéresser à un architecte qui avait travaillé à l'aménagement de ses jardins.

Jean Stern poursuivit sa série d'ouvrages biographiques. L'un lui fut inspiré par un tableau de Fragonard qu'il possédait : il représentait Marie-Catherine Riggieri, l'aînée des demoiselles Colombe.

Mesdemoiselles Colombe, de la Comédie-italienne,
avec trois portraits, 1751-1841
(Calmann-Lévy, éditeur)

M. Jean Stern a fait revivre dans un volume plein de grâce et de goût les ombres légères des trois demoiselles Colombe. Elles s'appelaient, à vrai dire, Riggieri ; l'aînée naquit en 1751, la seconde en 1754, la dernière en 1760. Toutes trois ont joué à la Comédie-Italienne.

Je suis bien forcé de dire que le livre qui relate leurs exploits ne saurait être très édifiant, et j'en avertis les lectrices ; mais il est bien amusant, et il fait connaître d'étranges originaux. M. Robert de Flers l'a fait précéder d'une charmante préface, dont je cite seulement cette définition du XVIIIe siècle : "Le XVIIIe siècle échappe délicieusement aux définitions. Si l'on veut le juger d'un peu trop près ou d'un peu trop haut, il se dérobe. Il ne reconnaît qu'un tyran, et c'est sa liberté. Son esprit change, évolue, s'enthousiasme, s'éteint et glisse comme le reflet d'un fanal sur l'eau un soir de fête galante. Il se répand en promesses, en trahisons, en scandales, en repentirs, - en repentirs très brefs, il est vrai, et qui durent juste le temps qu'il faut pour appareiller vers de nouvelles aventures. Il n'aime pas les grandes routes. II préfère les petits chemins. C'est un siècle divers, capricieux, insaisissable et qui demeure, si l'on peut dire, comme le péché de l'histoire."

Les Annales politiques et littéraires, 22/7/1923


[...] M. Jean Stern, en dessinant ces trois figures, avec une précision singulière, a fait, en réalité le portrait de leur temps, et son étude s'élargissant constamment, dépasse les ombres légères qu'il a évoquées. On ne saurait pénétrer davantage dans l'intimité d'une époque, qui nous semble aujourd'hui avoir été si aimable. Si le plaisir fut sa loi, pour beaucoup de ceux qui la traversaient, une ombre se projeta déjà sur ses fêtes insouciantes. C'est parce que l'on sent s'approcher les heures tragiques, qui vont faire un si saisissant contraste avec de souriants et élégantes tableaux, que cette époque est si captivante pour l'historien. [...]

Le Petit Parisien, 16/8/1923


Un brasseur d'affaires sous la révolution et l'empire,
le mari de Mademoiselle Lange, Michel-Jean Simons, 1762-1833

(Plon, éditeur)

M. Jean Stern a choisi un personnage tout à fait secondaire, en apparence, et qui n'a d'autre attrait, pour les historiens, que d'avoir épousé une comédienne. Mais la minutie que l'auteur a apportée dans l'étude de son pâle héros, met, peu à peu, en relief, certains aspects mal connus de l'époque où il vécut. Après avoir lu le livre de M. Jean Stern, nous gardons le désir de voir se multiplier les études, aussi sérieuses que la sienne, sur les financiers et les fournisseurs, pendant la Révolution. Si l'on songe, en effet, que nul de ceux-ci, en dépit de fortunes scandaleuses et d'abus révoltants, n'a été guillotiné, ni même inquiété, on découvre aussitôt toute une part de la vérité révolutionnaire. La candide affectation de vertu et d'honnêteté qui fait, des hommes de la Révolution, les plus vils pour la plupart - des imposteurs politiques - impressionne si fortement ceux qui touchent à cette époque, que ce n'est pas sans pudeur que l'on se hâte de jeter un voile sur ce que l'on a découvert avec effroi. Le jour où, grâce aux archives publiques et particulières, on ne craindra plus d'approfondir le jeu caché de la Révolution, sociétés secrètes ou financières on aura sans doute la plus sûre et la plus complète réponse à l'énigme que posent encore pour certains, les événements de 1789 à nos jours.

Jean Baudry.
La Revue des questions historiques, janvier 1934


Belle et Bonne. Une fervente amie de Voltaire (1757 - 1822)
(Hachette, éditeur)

C'est une enquête extrêmement minutieuse, fondée principalement sur un grand nombre de pièces d'archives notariales ou familiales, qui rassemble à peu près tout ce qu'on peut connaître de la vie de la sympathique marquise de Villette, qui méritait si bien, de l'aveu unanime, le nom dont l'avait baptisée le patriarche de Ferney. Elle n'avait que dix-neuf ans quand elle vint habiter Ferney pour seconder Mme Denis et l'aider à recevoir les innombrables pèlerins qu'attirait la gloire du seigneur du lieu. Là, elle fit la conquête d'un assez mauvais sujet, le marquis de Villette, depuis longtemps admirateur passionné de Voltaire ; tous deux entourèrent de leurs soins les dernières années de leur illustre protecteur ; c'est chez eux qu'il mourut à Paris. La suite de la vie de la marquise, pendant el après la Révolution, n'est pas moins intéressante. M. Jean Stern nous donne là un modèle de monographie ; établie avec une patiente érudition el un soin extrême du détail, exposée avec beaucoup d'agrément, cette étude n'a rien d'une vie romancée, mais elle se lit avec beaucoup de plaisir. Elle complétera utilement ce qu'on sait des dernières années el de la fin de Voltaire.

P. V. T.
La Revue d'histoire moderne, 1939

Ses oeuvres philanthropiques

Comme sa mère Ernesta, Jean Stern consacra une partie de sa fortune à des actions philanthropiques, notamment dans le cadre des fondations d'une société (association) ainsi qualifiée.

Une nouvelle fondation de la Société philanthropique

L'an dernier, la Société philanthropique inaugurait son premier hôtel meublé pour dames et jeunes filles. Aujourd'hui, grâce à la générosité de la famille Stern, elle inaugure, rue de la Croix-Faubin, un second établissement du même genre. On se rappelle la mort tragique de M. Jacques Stern. C'est en souvenir de lui que sa famille a voulu élever cet établissement philanthropique. Aussi, trouvons-nous parmi ses bienfaiteurs les noms de MM. Jean Stern, Fernand Halphen ; le baron de Langlade, le marquis de Chasseloup-Laubat, Mme Georges Halphen, née Stern, etc.

  La cérémonie d'inauguration a eu lieu cet après-midi, à trois heures, sous la présidence de M. le prince Auguste d'Aremberg qui a prononcé une allocution. M. Georges Picot a prononcé ensuite un discours. Puis M. le prince d'Arenberg a fait visiter l'hôtel aux invités. Cette maison comprend dix-sept chambres et quatre-vingt-dix-sept chambrettes ; elle est située à l'angle de la rue de la Folie-Regnault et de la nouvelle rue de la Croix-Faubin. Comme la maison Marjolin, aux Grandes-Carrières, c'est un ensemble de chambres proprettes où toutes les règles du confortable et de l'hygiène ont été observées. Remarqués parmi les nombreux invités MM. Péan de Saint-Gilles ; Bra, avocat Félix Langnier, Danguillecourt, Mansais, référendaire au sceau de France ; Trubert, ancien député ; Verge, comte d'HaussonviIIe, Morel d'Arleux, etc.

Le Journal des débats, 18/10/1904

Jean Stern participait également à l'enrichissement des collections du musée de l'histoire parisienne.

LES AMIS DE CARNAVALET

Carnavalet ! Ce charmant musée est maintenant un musée célèbre, et justement célèbre. Il est peu de lieux au monde où l'on puisse avec autant d'agrément, et avec une curiosité aussi attendrie, rêver au passé.

[...] une société s'est récemment créée, sous un titre qui est un programme. Les Amis de Carnavalet, ont compris combien pouvait être utile le rôle de l'initiative privée. Fournir au musée qui leur est cher des ressources nouvelles, suivre les enchères publiques quand il y a intérêt pour les collections de Carnavalet, voilà ce qu'entend faire la société, dont le oomité fondateur a pour président M. le maréchal Lyautey, pour vice-présidents le comte Louis d'Harcourt, le comte de Camondo et M. David Weill, pour secrétaire général M. Hector Lefuel, pour trésorier M. Jean Stern. [...]

Le Gaulois, 9/11/1927