Rixe entre un laitier et un agriculteur,
tous deux nommés Goupy (1890)
Un article du journal La Liberté de Seine-et-Oise de juin 1890 relate, sans détails, la bagarre qui a opposé un laitier et un agriculteur tous deux nommés Goupy.
Une rixe a éclaté le vendredi 23 mai dernier entre deux de nos concitoyens portant tous deux le nom de Goupy, mais qui ne sont pas le moins du monde parents, si ce n'est par leurs femmes deux cousines germaines. Ces deux cousines par alliance se voient d'un mauvais il depuis fort longtemps et se le prouvent dès que l'occasion se présente. La dernière... rencontre a eu lieu sur le bord d'un champ où travaillait l'un des deux adversaires, au moment où l'autre, laitier revenait de Paris. Les versions des deux acteurs de cette scène différant du tout au tout, il nous est difficile de raconter ce qui s'est passé. Il est probable d'ailleurs que le juge qui sera appelé à trancher cette question, sera aussi perplexe et tout à fait prévoir une condamnation à peu près égale des deux parties. Puisse cette solution leur faire comprendre qu'il y aurait avantage à vivre sinon en bonne intelligence, au moins avec des rapports moins vifs. |
L'attaque de Villennes par une bande de jeunes (1907)
Le même journal, qui n'affichait plus son qualificatif "Organe Républicain Conservateur et Libéral", relata, en juin 1907, le vandalisme et la série d'agressions d'une bande de jeunes, venue des banlieues parisiennes de Boulogne et de Billancourt.
Une bagarre à Villennes UN VILLAGE PRIS D'ASSAUT C'est ainsi que notre grand confrère parisien Le Figaro annonçait, lundi dernier, le récit suivant, qui a une importance trop grande pour que nous en retranchions une seule ligne : Le charmant village de Villennes que tous les Parisiens connaissent, à 4 kilomètres de Poissy, a été mis hier en révolution par une bande de jeunes gens venus en tapissière de Boulogne et de Billancourt, la Société des "Pas Bileux" comme ils s'intitulent, sous prétexte qu'ils ont coutume de ne pas engendrer la mélancolie et de ne pas "se faire de bile".
(voiture légère, ouverte de tous côtés, qui servait principalement aux tapissiers pour transporter des meubles, des tapis, etc., et qu'on employait aussi pour divers autres usages) Ils étaient une trentaine dont le plus âgé n'avait pas vingt ans, la plupart ouvriers d'automobiles, peintres et mécaniciens.
M. le curé, un vieillard, se trouvait devant le portail. Ils l'apostrophèrent, et comme le vénérable prêtre ne leur répondait pas, ils le bousculèrent et pénétrèrent malgré lui dans l'église, où ils s'emparèrent des cierges qui étaient allumés et en chantant simulèrent une procession.
Comme ils brisaient à coups de pierres les réverbères, un entrepreneur de maçonnerie, M. Lesieur, les invita à cesser leurs jeux. Pour toute réponse, ils le renversèrent et le rouèrent de coups.
Aux aboiements forcenés de deux chiens de garde qui en défendaient l'accès, était accouru M. Richardière, conseiller municipal, remplaçant en ce moment le Maire, M. Cauchoix, et l'adjoint, M. Ladmirault (en fait, M. Lamirault), tous deux en congé. M. Richardière voulut s'interposer. Cinq individus lui firent payer cher son intervention. Un autre conseiller municipal, M. Derain, horticulteur, était blessé également ainsi qu'un ancien employé du chemin de fer l'Ouest, M. Bajard, un ouvrier peintre, M. Levillain, qui était atteint à la jambe, et un jardinier, M. Paul Rivière, qui recevait force coups de poings au visage. Le garde-champêtre, M. Godin, se trouvant à ce moment-là dans les champs, un jeune homme, M. Delamotte, courut au automobile chercher à Poissy les gendarmes. Il était porteur d'une réquisition de M. Richardière, conseiller municipal. Mais, de tous côtés, les habitants de Villennes accouraient à la défense de leurs concitoyens. Les "Pas Bileux" étaient forcés de rebrousser chemin et de redescendre vers la rivière. Comme ils cherchaient à pénétrer de vive force dans la boutique de M. Mordacq, marchand de vins-traiteur, ils furent accueillis à coups de revolver. L'un d'eux fut blessé légèrement à la jambe.
Les habitants de Villennes les harcelaient maintenant. Plusieurs propriétaires s'étaient armés de fusils et tenaient en joue leurs agresseurs qui avaient réussi à rejoindre leur break. - Vous ne sortirez pas du pays avant l'arrivée des gendarmes, leur notifia M. Richardière. Vous vous êtes conduits comme des bandits. Il faut que nous sachions qui vous êtes. Mais les cinq chevaux du break, vigoureusement entraînés par leur cocher, partirent au galop sur la route de Poissy.
A ce moment, arrivaient deux gendarmes qui ne réussirent à appréhender que cinq des fugitifs. Amenés à la Mairie, ceux-ci ont déclaré qu'ils "n'avaient rien fait que s'amuser" et que "s'ils avaient frappé plusieurs habitants, c'est que ceux-ci les avaient attaqués". Ils ont donné leurs noms et leurs adresses à Boulogne-sur-Seine et ont été laissés en liberté. Dans la soirée, le maréchal des logis de gendarmerie de Poissy est venu à Villennes compléter son enquête. Il a entendu plus de cinquante témoins. - Ces jeunes gens, nous a-t-il déclaré, étaient ivres la plupart. Ils seront poursuivis en correctionnelle pour coups et blessures. Ajoutons que cette journée "mouvementée" faisait hier soir l'objet de toutes les conversations à Villennes, où, à onze heures, contrairement à l'habitude du pays, tous les cafés étaient restés ouverts et les habitants y faisaient force commentaires. - Cette équipée, nous a déclaré le garde champêtre, M. Godin, a coûté fort cher au pays. Les Parisiens qui passaient ici leur dimanche sont tous repartis, apeurés, par le train de cinq heures et demie. |
Cette bande qui a terrorisé les Villennois pendant
quelques heures était certainement un groupe de jeunes ouvriers des
usines Renault ; ils avaient bu un peu trop de vin au cours de leur déjeuner,
en bord de Seine, au restaurant des Tilleuls. Celui-ci disposait peut-être
encore de bouteilles de vin des coteaux de Villennes ...
Plainte du Président du Syndicat d'Initiative contre l'Adjoint au maire et ses moutons (1911)
Cette plainte a été déposée, en 1911, par Léon Francq, propriétaire de la villa Le Manoir. Un conflit l'opposait à un futur maire, Eugène Lamiraux, alors adjoint : les moutons de cet agriculteur avaient causé d'importants dégâts à la clôture de sa propriété, le long de la sente des Petits Groux ... |
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Voici la transcription de ce courrier envoyé au préfet, à propos de cette plainte, par le maire Henry Cauchoix.
Le Maire de Villennes-sur-Seine ne peut que confirmer la plainte ci-jointe de M. Francq, propriétaire en cette commune, et la copie du constat y annexé concernant le tort que cause, partout où il passe, le troupeau de moutons appartenant à M. Lamiraux, Adjoint. L'exploitation agricole de M. Lamiraux (moins de 15 ha) n'est pas assez importante pour lui permettre de nourrir un troupeau de 150 à 200 têtes, et ces bêtes souvent mal gardées causent réellement des dégâts sur les terres d'autrui où elles passent, et soulèvent un mécontentement général contre le propriétaire. M. Lamiraux ne doit pas ignorer cet état d'esprit de la population à son égard. Je suis décidé à prendre, pour faire cesser cet état de choses, la mesure administrative que Monsieur le Préfet voudra bien m'indiquer. |
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Le préfet a, en effet, été alerté sur ce sujet par le courrier que lui a adressé Léon Francq.
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Le constat du garde-champêtre Alfred Gaudin apporte
des précisions :
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Pour une fois, le train pour Villennes partit à l'heure
:
15 jours de prison pour un voyageur qui s'est fortement énervé après l'avoir
manqué (1911)
Ce jugement de la 11e chambre du Tribunal correctionnel a été publié par Le Figaro, le 21 novembre 1911.
Le voyageur de l'Ouest-Etat M. Châlon, ancien avocat à la Cour de Paris, a un malheur dans son existence : il habite la campagne et voyage sur l'Ouest-Etat. Tous les soirs de l'été dernier il prenait son train pour Villennes et le train avait pris, lui, l'habitude d'avoir cinq, dix, quinze minutes de retard et plus.
Or un jour le train fut inexact, il partit à l'heure, cette fois, et M. Châlon le manqua. Le voyageur réclame, proteste, crie : la foule s'amasse, chefs et sous-chefs accourent. Le public approuve M. Châlon. Tout le monde crie ; et bientôt, sur les quais de la gare Saint-Lazare, c'est une petite émeute. Mais M. Châlon surexcité a frappé le sous-chef de gare ; on l'a arrêté, malgré sa vive résistance, et le voici en correctionnelle poursuivi pour « outrages et violences ». L'Ouest-Etat s'était porté partie civile et réclamait la condamnation de M. Châlon à un franc de dommages-intérêts et à cent affiches publiant la sentence pour le placarder dans les gares et servir d'exemple aux voyageurs de la Compagnie. Le jugement du Tribunal fut sévère pour l'Ouest-Etat : - J'ai gagné ! aurait pu s'écrier M. Châlon, comme Figaro, en écoutant le jugement de son procès contre Marceline. Pas du tout il ne s'agit que des affiches réclamées par l'Ouest-Etat : M. Châlon a perdu. - Attendu que dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'ordonner comme supplément de dommages-intérêt l'affichage du présent jugement. Et comme M. Châlon s'est livré à une voie de fait contre le sous-chef de gare, et bien que le jugement la qualifie de « légère » et se montre dur pour les services de la Compagnie, on condamne le voyageur de l'Ouest-Etat, et même très sévèrement : quinze jours de prison sont infligés à M. Châlon, et la Compagnie obtient un franc de dommages-intérêts. |
Les voleurs d'objets d'art se cachaient à Villennes (1912)
Dans son édition du 13 avril 1912, Le Figaro relate une arrestation à Villennes. Le chef de la bande de cambrioleurs a pu s'échapper. |
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Le journal Le Matin, apporte des précisions et donne l'adresse villennoise des malfaiteurs : ils étaient logés par M. Montclair, dont l'épicerie-débit de boissons est devenue le Restaurant des Marronniers puis l'Auberge de l'Ile-de-France. |
Le journal Le Gaulois précise, le 15 avril, que René Ferrand s'était réfugié dans la carrière du Bois des Falaises. |
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Les dévaliseurs d'églises et de musées Ils auraient volé pour un million d'objets précieux Le chef de la bande des dévaliseurs d'églises et de musées, René Ferrand,
le pseudo-Chatelier, qui, réfugié à Villennes-sur-Seine, glissa entre
les mains des policiers dans les conditions que nous avons relatées
hier, est toujours en fuite. Son signalement a été envoyé dans toutes
les directions. Certains renseignements, recueillis à Villennes, auprès
de différentes personnes qui aperçurent Ferrand et son amie fuyant dans
la direction du bois des Falaises, font supposer que l'habile "rat"
de musées et d'églises a dû se cacher dans une immense carrière voisine
de ce bois, et qu'il a ensuite profité de la nuit pour s'enfuir à travers
la campagne. Une vocation René Ferrand, de par ses connaissances assez grandes en antiquités
de toutes sortes, était tout, désigné pour indiquer les beaux coups
à faire, en diriger l'exécution et pour placer les produits des vols.
Dans la famille de Ferrand Comme nous l'avons dit, René Ferrand, appartient à une famille honorable
et fort connue. Ses méfaits plongent les siens dans la plus profonde
tristesse. Son père, M. Stanislas Ferrand, ancien député, directeur
du journal le Bâtiment, affecté par le bruit fait autour de son
nom, nous disait hier :
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Dans son édition du 13 avril 1912, le Journal des débats politiques et littéraires récapitule les différents vols commis par cet antiquaire-cambrioleur, après l'arrestation de sa compagne et complice ; ils étaient hébergées par une épicière villennoise.
Les voleurs de musées Germaine Pigard, la maîtresse de René Ferrand, arrêtée mercredi à
Villennes-sur-Seine, a été transférée à Reims où elle a été interrogée
sur le vol de la bonbonnière commis le 27 février dans le musée
de cette ville. |
Des précisions sont apportées le lendemain, sur les objets d'art retrouvés chez M. et Mme Monclerc à Villennes et la traque de René Ferrand par un inspecteur de police, qui a dormi dans son lit pour l'attendre ...
Nous avons dit hier quelle piste intéressante la Sûreté générale avait
trouvée quant aux dévaliseurs systématiques des objets d'art de nos
églises et de nos musées. On a trouvé en outre dans la même malle d'osier qui renfermait ces richesses des fausses clefs, une lampe électrique, un tranchet, un rasoir, un diamant de vitrier, un tournevis, de la cire à empreinte, des Guides Joanne et Conty. Le séjour de René Ferrand à Villennes et la stupéfaction des habitants de la localité quand ils apprirent que celui-ci était un cambrioleur, constitue une histoire pittoresque. Il y a un mois René Ferrand débarquait avec son amie Germaine Figard à Villennes. Ils avaient l'air d'honnêtes bourgeois. M. et Mme Léon Chatelier (ainsi se faisaient-ils appeler) conquirent très vite de nombreuses sympathies. Ils étaient si polis, si distingués, si complaisants. Leur hôtelière, Mme Monclerc, ayant voulu tapisser sa salle à manger et ayant acheté les étoffes nécessaires, Léon Chatelier s'offrit à les poser lui-même pour lui éviter les frais d'un tapissier, et il s'acquitta fort bien de sa tâche. Voulant passer tout l'été à Villennes, qui a le grand mérite de ne point posséder de gendarmerie ni de commissariat de police, le pseudo Léon Chatelier loua, il y a quelques jours, une villa à un habitant, du pays. « Je me félicitais d'avoir trouvé des locataires aussi convenables, nous disait, hier, celui-ci, M. Théolier, nous qui avons affaire à tant de faux ménages. Les toilettes élégantes de la jeune femme n'étaient pas tapageuses. » Quand, mercredi, vers quatre heures, trois inspecteurs se présentèrent à l'épicerie-hôtel-pension de Mme Monclerc, où le jeune couple habitait encore, temporairement, Mme Monclerc n'imaginait pas un seul instant que le Chatelier que ceux-ci recherchaient pouvait être son locataire. Mais René Ferrand, qui se trouvait dans la pièce, avait, lui, fort bien compris. Il remonta chercher son portefeuille dans sa chambre et, tête nue, en pantoufles, il sortit fort posément, en demandant pardon aux inspecteurs qu'il dérangea au passage. Ceux-ci n'eurent quelques soupçons qu'en voyant une jeune femme sortir cinq minutes après de la même manière. « Quelle est donc cette dame ? » demandèrent-ils. On les renseigna. Ils s'élancèrent à sa poursuite et la rattrapèrent. Mais René Ferrand, lui était déjà loin. C'est en vain qu'un des inspecteurs, restant à Villennes, coucha dans le propre lit du cambrioleur, dans l'espoir qu'il reviendrait chercher ses trésors volés. René Ferrand ne revint pas. Cet ancien champion des 100 mètres de la course à pied (il s'en était vanté du moins à Villennes) court encore. |
Les trois cambrioleurs furent jugés en juillet 1913 pour leur vol, en janvier 1912 au musée de Reims, d'une boîte à mouches offerte à la ville de Reims par Louis XVI le jour de son sacre. La Cour d'assises de la Marne condamna Jean Chauveau et Germaine Pigard, respectivement à cinq ans de travaux forcés et à deux ans de prison. René Ferrand, le chef de la bande, qui avait réussi à échapper à toutes les poursuites, fut condamné par contumace à la peine de vingt années de travaux forcés. |
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Un roman d'Emile Zola
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L'exécution d'un militaire, suite à une partie de canotage,
sur la Seine, tragique (1917)
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Le Figaro annonce, dans son numéro du 22 mai 1917, une mystérieuse noyade familiale sur la Seine, près de Villennes, où un couple et ses deux enfants avaient loué un canot. |
Robert Milangois avoue avoir poussé son épouse et ses enfants à l'eau, avant de se rétracter. |
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Le 4 septembre, le quotidien relate le procès, avec de nombreux détails.
Gazette des Tribunaux "L'adjudant Robert Milangois a-t-il lu Thérèse Raquin, d'Emile Zola ? Peut-être. En tout cas, il a transporté dans la vie réelle ce sombre drame et il a trouvé moyen de dépasser l'horreur du modèle". Cette phrase se trouve dans le curieux rapport que le capitaine Bouchardon a fait sur le cas de l'adjudant Milangois, poursuivi devant le 3e Conseil de guerre de Paris sous l'accusation d'un triple assassinat, sur sa femme, sa fillette et son garçonnet. L'histoire du ménage Milangois a débuté banalement. Le 24 avril 1909,
M. Robert Milangois, dessinateur au chemin de fer de l'Etat, épousait
sa cousine, Mlle Yvonne Prignez, fille d'un chef de bureau en retraite
à la même Compagnie des chemins de l'Etat. « Je n'ai jamais eu de lune
de miel », dira plus tard Mme Milangois, dans une lettre à sa parente,
Mme Leplat. En effet, dès les premiers jours du mariage, le dessinateur
se montra violent, autoritaire et dissimulé. La naissance de deux enfants,
Gaston et Odette, loin d'humaniser cette nature fruste et compliquée
ne fit qu'en accentuer les défauts. Médiocre mari, M. Milangois devint
rapidement mauvais père. Il se détacha des siens, brutalisant sa femme,
frappant violemment ses enfants, pour des motifs futiles, et leur inspirant
une véritable terreur. Mobilisé le 3 août 1914 et nommé adjudant quelques
mois plus tard, M. Milangois est bientôt détaché à l'usine Bellanger,
route de la Révolte, à Neuilly-sur-Seine, comme contrôleur de
fabrication d'artillerie. Là, il s'éprend follement d'une aide-contrôleuse,
Mlle Germaine Perlay, âgée de vingt et un ans, c'est-à-dire plus
jeune que lui de douze années. La jeune fille, tout en lui permettant
nombre de privautés, se refusa à devenir sa maîtresse. Le 3 mai, M. Milangois conduisit sa femme et ses enfants à Villennes pour y faire une partie de bateau. Le soir, il rentrait seul à son domicile, et, le lendemain, il racontait que « sa femme l'avait quitté pour aller, avec les enfants, chez ses parents aux Mureaux. Mais elle reviendra. Je lui ai acheté une bouteille de vin fortifiant qu'elle trouvera à son retour. » Les jours passaient sans que s'effectuât le retour annoncé de Mme Milangois et de ses enfants. Le 13 mai, l'adjudant expédie, à destination des Mureaux, une grande malle contenant du linge et des vêtements pour sa femme et ses enfants. « Il ne faut pas, écrit-il, que des êtres qui lui sont chers puissent manquer de quelque chose.» Mais, aux Mureaux, ses beaux-parents manifestent de l'inquiétude. Il leur fait savoir alors, qu'au cours d'une promenade en bateau sur la Seine, il a eu une discussion, provoquée par la jalousie de sa femme, et qu'il s'en est allé les laissant tous trois dans le bateau. Je suis tout bouleversé, déclare-t-il, d'apprendre qu'ils ne sont pas encore arrivés chez vous. Je vais faire des recherches et m'adresser à une police privée. J'espère ainsi, en quarante-huit heures, avoir un résultat. Dans notre appartement, je range et je nettoie. Car il me semble, à tous moments, que ma femme va rentrer. Entre le 9 et le 17 mai, les cadavres de Mme Milangois et de ses deux enfants sont retrouvés dans la Seine. Le 21 mai, il se rend chez le juge d'instruction de Versailles, chargé d'informer contre X..., et lui raconte que le 3 mai, au cours de la promenade en bateau, sa femme, ses deux enfants et lui, assis sur le bateau plat qu'ils avaient loué, prenaient un bain de pied dans la Seine, quand une discussion provoquée par la jalousie de Mme Milangois, s'éleva entre eux. Brusquement, sur une parole blessante de sa femme, il s'était levé et « dans un mouvement de folie, par une simple poussée, facilitée par le déséquilibre du bateau, il avait jeté à la fois sa femme et ses enfants dans l'eau.» Le courant, ajouta-t-il, les emporta et je les vis plonger et disparaître avant même que j'aie pu songer à essayer de les repêcher et de les sauver. Ils poussèrent quelques cris étouffés. Je restai quelques instants comme hébété, puis je regagnai la rive, en prenant leurs bas et leurs souliers. Hier, devant le 3e Conseil de guerre, que présidait
M. le colonel Sampron, Milangois a présenté une autre
version. Il n'a pas, a-t-il dit, jeté sa femme et ses enfants
dans la Seine, mais le mouvement du bateau, par le fait qu'il se leva
brusquement, provoqua la chute dans l'eau de Mme Milangois et de ses
deux enfants. L'accusé, dont la figure est dure et méchante,
parle d'une voix rauque, entrecoupée de bruyants sanglots. |
Le 31 mai et le 6 décembre suivant, ce même journal relate la suite et l'épilogue de cette affaire. L'autorité militaire a été assez expéditive ... |
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La mort romanesque du faux marquis de Champaubert, victime de sa dernière escroquerie, préparée à Villennes (1929)
Macabre découverte !
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Le "complice" est arrêté dans une maison de l'avenue du Maréchal Foch à Villennes. |
Clément Passal dit Marquis de Champaubert, dans la caisse avec le tuyau d'aération :
[photographie de presse] / Agence Meurisse |
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![]() Clément Passal, le "Marquis de Champaubert" En dessous, son profil, d'après une photographie anthropométrique |
Le fantastique passé du pseudo-marquis Parmi les escrocs de haut vol qui défrayèrent, ces dernières années
la chronique, il n'y en a pas de plus pittoresque, de plus imaginatif
que le pseudo-marquis Elie de Champaubert. |
Dans son castel du Prieuré, où une perquisition amena la police,
on découvrit avec surprise une chambre matelassée, aménagée en coupe-gorge
le plus moderne, pourvue d'un appareil à chloroformer, et destinée
à réduire à l'impuissance les malheureux bijoutiers qui s'y seraient
aventurés. Extrait d'un article du journal Le Matin du 5 octobre 1929 |
Nous publions cette histoire très rocambolesque, bien qu'elle puisse être jugée anecdotique. A toute époque, des escrocs ont fait parler d'eux. Ils font partie de la vie passée. Le journal Le Matin, qui a été directement impliqué, ayant reçu les communiqués de l'escroc, signés "Chevaliers de Thémis", la relate d'une manière très complète. Nous reproduisons intégralement son long article du 6 octobre 1929, qui fut suivi d'autres ... |
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LE ROMAN DE L'ENTERRE VIVANT Celui qui fut le pseudo-marquis de Champaubert a bien été victime de la machination qu'il avait organisée pour faire à nouveau parler de lui
Les ténèbres qui enveloppaient la fin tragique de l'enterré vivant du bois de la Justice se sont, soudain, dissipées au cours de la journée d'hier. L'effarant imbroglio est dénoué. On connaît, à l'heure actuelle, au moins dans leurs détails essentiels, les circonstances de l'étrange épisode qui clôtura l'existence de l'un des plus extraordinaires aventuriers des temps modernes. Avec une rapidité et une clairvoyance dignes de tous éloges, M. Ducloux, contrôleur général des recherches de la Sûreté générale, le commissaire Bayard, M. Gabrielli, chef de la 1re brigade mobile, et leurs collaborateurs ont mené à bien une tâche qui se présentait hérissée de difficultés multiples. Se frayant un passage à travers le fantasmagorique glacis que constituait
un fatras de documents rocambolesques, ils ont, à la clarté de la simple
logique, trouvé la clef de l'énigme. Clément Passal, l'ex-pseudo-marquis
de Champaubert n'a point été victime d'une association occulte de justiciers.
Les Chevaliers de Thémis n'étaient qu'un mythe enfanté par une imagination
dont il entretenait la fécondité à l'aide de lectures appropriées. II
n'est pas mort exécuté par un impitoyable tribunal, mais a succombé
au cours d'un nouvel essai de mystification qu'il avait machiné avec
quelques complices. Le dénouement de cette enquête ne nous surprend point. Il justifie
le scepticisme avec lequel nous avions accueilli le roman aux multiples
chapitres que nous envoyait, épisode par épisode, le chef anonyme de
la mystique association et la circonspection qui dicta notre conduite
dans cette affaire. L'hypothèse de la mystification nous avait semblé la seule vraiment
plausible, dès le premier examen de cet amas de matériaux romanesques
malhabilement assemblés. Telle allait être également l'impression des
policiers lorsqu'ils eurent connaissance du dossier tapé à la machine
à écrire, dont les "Chevaliers de Thémis" par un privilège
que nous n'avions point sollicité, nous avaient fait les destinataires
et qu'un commissaire de la Sûreté générale, muni d'une commission rogatoire
de M. Roussel, juge d'instruction à Pontoise, vint chercher hier
au Matin. Il s'agissait de MM. Pierre Durot, marchand forain, 11, rue du, Maréchal-Gallieni, à Elbeuf, et Félix Bachelet, épicier à Saint-Aubin-Jouxte-Boulleng (Seine-Inférieure). Ces deux témoins, accompagnés par M. Micheli, commissaire de la brigade mobile de Rouen, débarquaient hier à Paris par le train de midi, et étaient aussitôt conduits au bureau de M. Bayard, où commençait leur audition. Ces auditions, qui se poursuivirent en présence de M. Gabrielli, chef de la brigade mobile, apportèrent aux policiers de précieuses indications. Il se trouva avéré ainsi que Clément Passal avait confié en partie au moins, ses projets à diverses personnes, entre autres à son ami Durot, ainsi que le prouvait une lettre fort explicite que Passal avait adressée à ce dernier et dont on lira le texte plus loin. Elles démontrèrent, en outre, que Passal avait été aidé, dans l'exécution de la rocambolesque machination qui devait finir aussi mal pour lui, notamment par un certain Henri Boulogne, personnage qui apparaissait ainsi, pour la première fois, dans cette affaire, et y avait joué un rôle de tout premier plan comme il l'expliqua lui-même, on va !e voir. Les enquêteurs apprirent en outre l'existence d'une villa sise à Villennes-sur-Seine, c'est-à-dire à quelques kilomètres de l'endroit où devait se dérouler le drame, villa qui avait été louée sur les ordres de Passal par Pierre Durot et dans laquelle l'ex-marquis de Champaubert et Boulogne avaient séjourné les jours qui avaient précédé la macabre expédition du bois de la Justice.
Comment fut organisée la machination Interrogé sur ses relations avec le marquis, Boulogne fit les déclaration
suivantes :
Le 18, Passal vint à Paris faire l'acquisition d'une machine à écrire et, le lendemain, il nous mit au courant de ce qu'il comptait faire. Pendant une semaine, nous vécûmes seuls, Passal et moi, dans la villa. Durot ayant regagné Elbeuf. Chaque jour, Passal tapait à la machine les longs communiqués soi-disant envoyés par les "Chevaliers de Thémis", et moi, je venais les porter à Paris. Achats de planches Enfin, le 25, nous vînmes tous deux Paris afin de faire acquisition des planches devant servir à la confection du cercueil. Nous nous rendîmes successivement rue des Vinaigriers, ou nous passâmes commander le bois qui nous était nécessaire, et passage de l'Atlas, où nous achetâmes le tuyau d'aération. Le surlendemain je revins seul prendre livraison des planches. Ayant frété un taxi sur lequel je chargeai mon fardeau, je me rendis à la gare Saint-Lazare où je fis enregistrer mes planches pour la gare la plus proche de Villennes, d'où je les transportais à la villa. Pendant que j'étais à Paris, Passal se rendit dans le bois de Verneuil afin de repérer un endroit propice à l'inhumation. Répétition générale Le lendemain je l'accompagnai au point qu'il avait choisi et, en rentrant,
nous entreprîmes de construire le cercueil, opération que nous terminâmes
le dimanche. Passal me communiqua alors ses dernières impressions. Le
lundi, dans la villa, Passal, qui voulait éprouver la caisse, décida
de se livrer à un essai de résistance. Le soir, il y prit place et je
refermai hermétiquement le couvercle. Il passa la nuit, de 21 heures
à 5 heures du matin, dans son inconfortable prison et se trouvait ainsi
dans les conditions exactes dans lesquelles il se trouverait lors de
l'épreuve définitive. PENDANT QUE PASSAL ASSEMBLAIT A NOUVEAU LES PLANCHES, JE ME MIS A CREUSER
LA FOSSE. Inquiétudes Mercredi, vers 19 heures, en rentrant de Paris où j'avais mis
les trois lettres à la poste de la rue Gluck, je m'approchai de la tombe
muni d'un long tuyau en caoutchouc, afin de faire boire Passal. Je l'appelai,
mais n'obtint pas de réponse. Je frappai avec vigueur, mais ce fut toujours
le même silence. Les recommandations finales Le marquis avait vraiment une âme d'organisateur. Avant de jouer le
dernier acte de la comédie qu'il avait inventée, il écrivit à
son ami Pierre Durot une lettre où il donnait ses derniers ordres. On
verra en la lisant que Clément Passal avait, pensé à tout. Voici le
texte de la missive : La dernière lettre autographe du "marquis" à sa mère Le trop imaginatif marquis avait, pour la dernière fois, écrit à sa
mère le 22 septembre 1929. N'est-il pas curieux de donner le texte de
cette longue missive autographe, dont nous reproduisons par ailleurs
la photographie de certains passages ? Le document porte tout d'abord
une suscription énigmatique. On lit en effet : de X dimanche matin.
D'autre part, n'est-elle pas pour le moins pittoresque et significative
cette ultime missive également adressée à Mme Passal et signée du nom
de Mme d'Orgeval, autre enfant spirituelle du fantastique « marquis
». Cette missive, datée du 2 octobre, dont nous avons publié hier le
début, contenait, on s'en souvient, le plan et les précisions qui devaient
"faciliter" la découverte du corps. Samedi j'ai tenu à être du nombre de ceux qui étaient désignés pour
l'ensevelir car depuis plusieurs jours ma décision de le sauver était
prise, comme vous allez le voir. Traître par amour ! Ah ! vraiment le malheureux "marquis" n'ignorait aucune des ficelles du roman-feuilleton et sans doute devait-il être particulièrement content de cet épisode ! Une visite à la villa de Villennes-sur-Seine où le pseudo-marquis a préparé sa mystification Le 14 septembre dernier, deux hommes, modestement vêtus et dont le
visage ne laissa dans la mémoire de l'employé qui les reçut aucun souvenir
précis, se présentaient dans une agence de location, de Villennes-sur-Seine,
et demandaient à louer une villa meublée, pour un mois, du 15 septembre
au 15 octobre. Le transport du cercueil à Versailies Le cercueil dans lequel a été enterré le faux marquis de Champaubert
a été amené, hier matin, au palais de justice de Versailles sur un camion
automobile. Chez la mère
du malheureux « marquis » Pauvre mère, étendue à demi-paralysée sur son lit et qui, contre toute
espérance, attend dans le silence horrifiant de la nuit, son fils qui,
pour avoir voulu jouer avec l'image de la mort, a succombé de la plus
atroce manière. |
Celui-ci loue habituellement ses pavillons par l'intermédiaire d'une agence de location et c'est aux directeurs de cette agence que s'adressa dans les premiers jours de septembre M. Durot. Il demandait s'il y avait une villa à louer pour un mois et quelles seraient les conditions. Il agissait - dit-il - pour le compte d'un « M. Fournier » auquel il était chargé de transmettre les renseignements qu'on lui donnerait. On lui proposa « Les Pavots », et le lendemain « M. Fournier » téléphonait à l'agence pour donner son acceptation ; il louait du 15 septembre au 15 octobre le pavillon pour la somme de 600 francs. Quelques jours plus tard, M. Fournier, alias Passal-Champaubert, venait lui-même verser le prix de la location et prenait possession du pavillon en compagnie d'Henri Boulogne. Comme bien on pense, les deux hommes évitèrent toutes relations de voisinage et on les voyait si peu qu'on ne les nomma plus que les « mystérieux des Pavots ». Je ne les vis qu'une seule fois, nous dit une voisine, et leurs allures me paraissaient bizarres. J'eus l'impression que ces gens se cachaient et qu'ils n'avaient point la conscience tranquille. J'en fis même la réflexion à une de mes amies, maïs, celle-ci m'ayant fait remarquer qu'il s'agissait sans doute de personnes voulant se reposer quelques semaines en toute tranquillité, je ne m'en occupai plus. Mais tout de même, je vous assure, souvent je pensais, et non sans inquiétude, aux solitaires du petit pavillon. |