Pauline Granger, comédienne du Théâtre Français


Eugénie Rozier (1833-1913) choisit Pauline Granger comme nom d'artiste. Elle acquit, en 1898, la villa Le Petit Bois en indivision avec Edouard Labouret, directeur général de la Caisse Générale de Recouvrement.

Cette maison au toit à la Mansart, est située au début de la rue de Poissy, au niveau de la croix qui donna au lieu-dit son nom "La croix du chemin neuf".

Elle avait été bâtie en 1887 sur l'un des lots de l'ancienne prairie de la Nourrée.

Elle a débuté sa carrière de comédienne en 1853, à l'âge de 20 ans, à l'Odéon. Sarah Bernhardt fit de même 13 ans plus tard, mais dans d'autres rôles que ceux des soubrettes qu'on lui réserva.

Lorsqu'elle entra au Théâtre Français, elle fut encore toutes les servantes du répertoire : Dorine de Tartuffe, Lisette des Jeux de l'amour et du hasard, Marinette du Dépit amoureux ... Après 3 ans au Vaudeville, elle fut engagée à nouveau à la Comédie-Française, en 1861.

Lorsqu'elle prit de l'âge, on lui confia des rôles de mère ; le public la trouva très vraie et touchante dans Denise d'Alexandre Dumas mais ce furent ses créations dans Le Flibustier de Jean Richepin et Les Corbeaux d'Henry Becque qui lui donnèrent les meilleures critiques.

 

Pauline Granger dans Le Flibustier, comédie en vers de Jean Richepin (gravure publiée dans Le Monde Illustré en 1888)

 

Dans leur livre Foyers et coulisses : histoire anecdotique des théâtres de Paris, paru en 1873, Henry Buguet et Georges d'Heylli ont esquissé son portrait :

Mme Pauline Granger a plus d'un mérite ; elle est bonne musicienne, elle a passé des examens qui lui permettraient au besoin d'être institutrice, et elle joue la comédie avec beaucoup de finesse et d'entrain. C'est une des meilleures servantes de Molière qui soient à la Comédie-Française, l'une de celles qui lancent le mot et la répartie avec le plus de verve et de vérité.

Dans l'ouvrage Derrière la toile (foyers, coulisses et comédiens) - Petite physiologie des théâtres parisiens Albert Vizentini la qualifia ainsi : femme en marbre aux belles allures, bonne fille, vive et lançant le trait.

Elle épousa Antoine Métrême, ancien jeune premier de la Comédie Française, où il avait débuté dans L'Ecole des maris, après un apprentissage au théâtre de la Tour d'Auvergne et un premier accessit au Conservatoire. Elle avait connu à l'Odéon, avant qu'il revienne au Français, ce comédien très chaleureux qui ne manquait pas de distinction.


Celui-ci la quitta pour une chanteuse, Mme Téoni, qu'il soigna, lui offrant sa chair et sa peau pour fermer sa blessure, après l'explosion d'une lampe à essence qui l'avait brûlée cruellement.

 

Mme Téoni, dans Paul et Virginie (photos de Nadar)

Elle repose avec lui dans le petit cimetière de Pont-aux-Dames. Il avait fini ses jours avec elle, en 1906, à la maison de retraite des artistes, située dans cette ville.



Celle-ci avait été créée, trois ans plus tôt, par Constant Coquelin (1841-1909). Sarah Bernhard et Pauline Granger avaient joué avec lui dans Ruy Blas.

Devenu président de la Société de Secours Mutuels des Artistes fondée en 1840 par le baron Taylor, grand philanthrope, Constant Coquelin avait dainsi précisé son objectif :

Je veux les voir mes vieux comédiens à cheveux blancs, groupés ensemble dans leur asile fleuri, comme les abeilles d'une ruche, avec cette différence que les abeilles travaillent et qu'eux ne feront rien. Je veux les voir, sans une buée de mélancolie dans leur maison ensoleillée, bavardant de leur succès d'antan, sous les verts rameaux de leur parc ombreux. Et je veux même qu'ils jouent toujours la comédie, comme passe-temps, pour ce distraire, ces vétérans du théâtre. Je leur veux une petite salle de spectacle bien naïve, bien coquette, où, de temps en temps, ils donneront une représentation, dont les quelques bénéfices viendront aider leurs minces besoins...

En 1895, souhaitant prendre sa retraite, Pauline démissionna de la Comédie Française, dont elle était la 309ème sociétaire. Elle quitta le théâtre sans bruit, sans représentation d'adieu, ne voulant pas assister à son enterrement. Elle vécut jusqu'en 1913, l'hiver à Paris, l'été à Villennes.

Louis Baron, comédien et directeur du Théâtre des Variétés


Louis Bouchené (1838-1920) fut le deuxième propriétaire de la villa Vista Bella (de nos jours, La Chamade) de la rue de Poissy (Cliquez sur sa photo pour connaître son histoire).

Comédien sous le nom de Louis Baron, il naquit à Alençon, où son père était hôtelier-cabaretier.

Du théâtre de la Tour d'Auvergne au Théâtre des Variétés

Employé dans un magasin parisien de tissus jusqu'à 18 ans, il suivait assidûment les représentations du Petit Théâtre de la Tour d'Auvergne, où il réussit à se faire engager. Il dirigea plus tard, quelques mois, ce minuscule théâtre de quartier, destiné à former les jeunes acteurs, mais qui manquait de moyens : quand il fallait jouer un personnage chic, l'ouvreuse décrochait un gibus au vestiaire.

Eugène Bertrand, acteur comme lui, futur directeur des Variétés et du Vaudeville, le surnomma Cléophas, en raison de son caractère sombre et taciturne ; ce fut son premier nom de scène. C'est toutefois avec l'emploi de fort second comique puis comique qu'il passa quelques années dans les théâtres de Rouen et de Toulouse.




Baron, le nom d'une famille de sociétaires de la Comédie Française des siècles précédents, devint le sien, lorsqu'il fut engagé au Théâtre des Variétés, sur le boulevard Montmartre.

Pendant la guerre de 1870, il fut garde national ; après une tournée artistique en Normandie, il enchaîna, au Théâtre des Variétés, les rôles dans tous les emplois, jeunes ou vieux, comiques ou amoureux : Toujours plein de naturel et de rondeur, il est parfois d'une bêtise réjouissante qui le rend tout à fait amusant.

Dans ce théâtre, où il avait débuté, en 1866, dans une comédie de Meilhac et Halévy Le Photographe, il créa un grand nombre de pièces de Labiche (Les Trente Millions de Gladiator, ...) et de Meilhac et Halévy (La Cigale, La Petite Marquise, Toto chez Tata, ...), ainsi que des opérettes d'Hervé (Mam'zelle Nitouche, Lili, La Femme à papa, Le Trône d'Écosse, ...) et d'Offenbach (La Grande-Duchesse de Gérolstein, Les Brigands, La Boulangère a des écus, ...).

Dans Les Brigands de Meilhac et Halévy, sur une musique d'Offenbach, il fut le chef des carabiniers, alors qu'il avait été, dans ce corps, sous-officier d'une conduite irréprochable mais sans aucune aptitude militaire.

Si vous avez installé le logiciel RealPlayer, cliquez sur l'image de l'affiche, à droite, pour écouter deux courts extraits de cet opéra-bouffe (musique de Jacques Offenbach).

Un journaliste relata son apparition dans le rôle du chef des carabiniers du Duc de Mantoue :

A l'instant même où on le vit traverser la scène, puis la retraverser à la tête de ses hommes, aussi placides que lui, en déclamant d'une voix caverneuse et toujours sur le même ton, le plus posément du monde et sans presser le pas, mais en tournant mécaniquement la tête à chaque vers :

Nous sommes les carabiniers,
La sécurité des foyers ;
Mais, par un malheureux hasard,
Au secours des particuliers
Nous arrivons toujours trop tard,
Tou - jours - trop - tard.

la salle entière fut prise d'un fou rire, et dès le lendemain, tout le monde, sur le boulevard, s'essayait à imiter la démarche et la voix du grand chef des carabiniers ; cela se passait en décembre 1869. De ce jour-là, Baron fut célèbre ; il avait trouvé sa voie, sans jeu de mots, et conquis son brevet de parisianisme.

Ses rôles dans les opérettes, supplantant alors les comédies-vaudeville, lui donnèrent les plus grands succès bien qu'il n'était pas doué pour le chant.

En 1886, Louis Baron s'associa avec Eugène Bertrand pour diriger le Théâtre des Variétés mais, lassé des tracas administratifs et saoulé de manuscrits dont il ne supportait plus la lecture, il n'assura que quatre ans cette fonction. Au théâtre de la Gaîté, il créa ensuite la féerie Le Petit Poucet. Il revint aux Variétés dans Ma Cousine, Le Premier Mari de France, La Bonne tout faire, La Belle Hélène, Le Carnet du Diable, Les Deux Ecoles.

Des photos (en particulier, celles-ci réalisées par Félix Nadar et son atelier) et ce croquis de Sacha Guitry nous présentent le visage de Louis Baron.

L'extraordinaire voix de Louis Baron

Sa voix claironnante fut la cible d'un autre acteur comique, Coquelin cadet. Ce confrère, qui avait débuté à l'Odéon, était entré à la Comédie-Française, où il resta jusqu'en 1875. Il joua ensuite au Théâtre des Variétés dans divers vaudevilles avant de revenir, l'année suivante, à la Comédie-Française, dont il devint sociétaire en 1879.

Cliquez sur la photo de celui-ci (par l'atelier de Nadar), pour écouter le texte savoureux de son portrait de Louis Baron, publié par Le Figaro en 1886 : il compare sa voix à un trombone, à une chatte de gouttière, à des gargouilles...


Dans un article du Petit Girondin, Louis Berthelot rappela, après le décès de Louis Baron, que sa voix fit son succès :

[...] Le plus célèbre d'entre eux [les comiques], Baron, sera bientôt oublié. Sans manquer de respect à la mémoire de l'artiste qui vient de mourir à quatre-vingt-deux ans, sans être ingrat à l'égard de celui qui nous fit tant rire, voulez-vous chercher par quelles qualités de comédien il s'imposait au public ? Etait-ce par la composition de ses rôles ? Une bonhomie ou un naturel exquis ? Une verve et un entrain prestigieux ? Un don de renouvellement, d'adaptation à chacun de ses personnages ? Rien de tout cela. Les spectateurs qui n'ont pas entendu Baron seront bien embarrassés pour dire un jour le secret de son action sur le public.

C'est qu'elle ne tenait pas à la personne même, qu'elle n'empruntait presque rien au texte interprété. L'empire de Baron sur la rate du peuple le plus spirituel de la terre lui venait de sa voix. Il jouait d'un instrument bizarre logé par la bonne nature dans son nez, et dont il tirait des effets de fanfare de campagne. Les auteurs écrivaient pour cet instrument comme un compositeur écrit pour violoncelle. Le morceau allait à son adresse et le soliste était acclamé.

La voix de Baron, si l'on ose ainsi dénommer les stridences de cuivre faussé dont elle évoquait le charme délicat, allait de l'intonation caverneuse à l'implacable éclat, à la pétarade d'un piston aux tuyaux engorgés. Il y avait là-dedans du basson, de la trompette et du cri. Quand ce composé sonore s'échappait de la gorge de Baron, se dandinant sur des jambes de héron, la face barrée d'une large grimace, la cascade des rires coulait sans trêve.

Les phrases les plus simples jouées sur cet instrument prenaient une puissance de drôlerie formidable. C'était sans doute un joli mot que celui du chambellan de Chilperic annonçant les visiteurs, et quand Molière se présente, s'écriant « Déjà ! » Mais dans la bouche de Baron, il devenait épique. Dans un vaudeville oublié, l'artiste gourmandait sa servante qui lui apportait une viande desséchée. « Ce n'est pas du veau dans son jus, c'est du jus dans son veau ! » glapissait-il. On se tordait cinq minutes. J'ai entendu le mot dit par un autre artiste. Il ne faisait pas recette. Il passait inaperçu, comme il le méritait.

Et voilà bien le secret du prompt oubli des comiques. Ils doivent le meilleur de leur succès à un tic, à un procédé, quelquefois même à une tare, à un défaut de prononciation ou de mémoire. Peut-être devons-nous à ces amuseurs d'une heure quelques unes des joies les plus sérieuses de notre vie. Ils auront donné un rythme de gaîté à la vieille chanson de la misère humaine ...

Les tournées

Louis Baron a organisé plusieurs tournées dans les théâtres de province, parfois en collaboration avec son amie comédienne du théâtre des Variétés, Marcelle Lender.


Henri de Toulouse-Lautrec les a dessinés tous les deux ensemble. L'artiste l'a représentée dans de nombreuses lithographies.

Anne-Marie Marcelle Bastien, dite Marcelle Lender (1863-1927) était montée sur les planches à 16 ans au Théâtre Montmartre, puis au Gymnase. Elle devint ensuite pensionnaire pour deux ans au théâtre Michel de Saint Petersbourg. Elle remporta ses plus grands succès au Théâtre des Variétés dans des revues et dans une opérette, où elle dansait et chantait.

Un article de l'Echo de Paris nous apprend que Louis Baron appréciait particulièrement les tournées dans les théâtres de province :

[Il] connaît admirablement bien les publics de province. Le public normand a toutes ses préférences, [il] estime qu'on rit plus dans le Nord que dans le Midi et qu'il existe une échelle descendante du rire de Dunkerque à Marseille.

Le journal Entr'acte a livré, en 1886, une anecdote sur une soirée à Rouen :

 

Un incident assez amusant s'est produit dernièrement au Théâtre-Français de Rouen où la tournée de Baron avec le Fiacre 117, donnait deux représentations de l'amusante comédie de MM. Millaud et de Najac.

La salle du Théâtre-Français était complètement louée pour les deux jours. Il ne restait plus un seul strapontin. Le jour de son arrivée à Rouen, le maître de l'hôtel où était descendu Baron, vint le prévenir qu'une députation de la ville désirait lui parler.

- Une députation fit le comédien au maître d'hôtel. Y a-t-il de la musique ?
- Non.
- Alors, faites entrer.
Une trentaine de messieurs en habit noir entrèrent et se prosternèrent devant l'acteur en vogue. Le doyen s'avança et demanda à Baron une nouvelle représentation pour le lendemain.
- C'est impossible ! J'en suis désolé, mais mon itinéraire est arrêté d'avance.

Le Rouennais insista - Mais vous ne pouvez pas partir sans que nous vous ayons vu jouer !
- Eh bien !
dit Baron, venez ce soir à huit heures au théâtre. Je trouverai le moyen de vous faire assister à la représentation, mais ne soyez pas plus de cinquante !

Que fit l'acteur ? Il se rendit au théâtre, donna l'ordre de démonter toutes les portes d'un salon, et fit placer cinquante chaises dans les coulisses. Et l'on joua le Fiacre 117 dans le même salon ouvert, où le public de la salle voyait celui de la scène, ce qui amusa doublement les spectateurs. Il contenta ainsi tout le monde et encaissa trois cents francs de plus que le maximum habituel. Les Rouennais se souviendront longtemps de Baron, auquel ils ont offert, avant son départ, deux énormes sucres de pommes en témoignage d'admiration. L'acteur, regardant ce superbe présent dit à ceux qui le lui offraient : -Ah ! messieurs je vous jure de le sucer toute ma vie.

Les tournées à l'étranger réservaient parfois des surprises, comme l'a relaté le journal L'Eclipse en 1859 :

Un soir, à Breslau, devant une salle comble, le lever de rideau qui partout obtenait un succès de fou rire, trouve le public impassible, paraissant écouter mais n'approuvant ni des lèvres ni des mains. Baron était navré.

On joue les Deux Orphelines. Au troisième acte, alors que d'ordinaire de douces larmes humectent les paupières, et que les mouchoirs font leur office, un éclat de rire immense, homérique se répand par toute la salle. Interloqués, les artistes s'arrêtent croyant à un incident ; point. Les braves Deutsches venaient seulement de comprendre les plaisanteries du Mari dans du coton. Et ils se tordaient sur les banquettes.

Inutile de dire si les artistes, Baron en tête, rirent à leur tour de la vivacité d'esprit des Breslauois.

Le journal Candide raconta une anecdote, à la fin de sa vie, alors qu'il était devenu dur d'oreille et extrêmement distrait :

Ce défaut le laissait indifférent et cette infirmité l'amusait. Un soir qu'il jouait à Bruxelles, le Duc d'Orléans se trouvait dans la salle et il voulut le complimenter. A l'entracte, il se fit conduire à la loge de Baron et son secrétaire, entrant le premier, lui dit à mi-voix :

- Voici son Altesse Royale le Duc d'Orléans qui voudrait vous féliciter.

Je ne sais pas quel nom avait compris Baron, mais je sais qu'après avoir serré la main de Son Altesse, il lui dit :

-Vous êtes d'Orléans, monsieur ? Jolie ville, j'y ai joué en 1867 et j'en ai gardé un souvenir qui ..., etc ..., etc ...

Viticulture et jardinage

Louis Baron aimait travaillait la terre aussi bien dans son jardin et son potager de Villennes que sur le balcon de son appartement parisien. Alors que le célèbre petit vignoble de Montmartre ne fut planté qu'en 1933, le journal L'Entr'acte mentionna une autre vigne, en 1886 :

Si vous passez dans la rue Montmartre en face de la rue Saint Marc, levez les yeux et vous verrez là-haut, une gracieuse terrasse couverte de verdure ... Ce n'est pas le jardin de Jenny l'ouvrière ... mais celui de l'acteur à la mode, celui de M. Baron. Et dans ce jardin de cinquante mètres carrés, Baron, nouveau Noé, planta la vigne. Si vous montez et si le comique veut bien vous laisser jeter un regard sur sa terrasse chérie, vous verrez quantité de grappes mûrissant au soleil du boulevard ! C'est sa récolte. Planter de la vigne en plein Paris ... Décidément Baron est un original !

Alors qu'il revint, en 1913, sur la scène au Théâtre des Variétés qu'il avait quittée, pour la reprise de la pièce Le bonheur, mesdames !, Alfred Edwards rédigea un article sur lui dans le journal Le Matin (journaliste, il en avait été propriétaire avant de diriger Le Soir ; il écrivit des comédies et une opérette, acquis un théâtre et épousa, après quatre autres mariages, deux comédiennes). Voici ce qu'il relata sur les qualités de jardinier de Louis Baron :

[...] Sorti du théâtre, Baron adore les maisons de campagne, les fleurs et les fruits de ses jardins. Il possède des villas un peu partout à Montmorency, à Villennes, à Asnières, à Pourville, ailleurs ... Il les habite quelques semaines, les remet à neuf, s'en dégoûte, les loue ou les vend. Sa fantaisie le suit partout.

Baron a même trouvé moyen de posséder un jardin fruitier en plein rapport à un cinquième, au cœur de Paris, au coin des rues Montmartre et d'Uzes, où il habitait à deux pas des Variétés. Avec une patience de bénédictin, pendant des mois, des sacs de terre furent montés sur sa terrasse et quand le sol fut jugé suffisant par notre horticulteur, un potager complet naquit sous sa baguette.

Je me souviens d'avoir dégusté d'excellents radis, des salades, des fraises, des poires, des raisins, un melon, nés à cinquante mètres des boulevards et à dix-huit mètres en l'air. Comme tour de force, ce n'est pas banal.

Louis Baron ne semble pas s'être dégoûté de sa villa de Villennes. Un autre journal nous apprend qu'il s'y levait à 6 heures pour regarder son jardinier travailler.

M. Baron, des Variétés, a failli être victime d'un accident de voiture ; il conduisait son petit cheval pour aller chercher quelques prunes dans sa propriété de Villennes, quand, dans la forêt, le cheval s'emporta et vint s'abattre à six mètres d'un mur de clôture. Projeté à terre, l'excellent artiste en a été heu reusement quitte pour la peur. Le cheval, rebridé, a pu continuer sa route.

Le Petit Parisien, 22/8/1895

Louis Baron fils

Il fit entrer son fils au Conservatoire afin de l'orienter vers le Théâtre-Français. Celui-ci prit le même pseudonyme.

Louis Baron fils (1870-1939) devint acteur de cinéma, dans une trentaine de films de 1911 à 1937, dont Dédé d'après l'opérette dans laquelle il avait joué en 1921 aux Bouffes Parisiens.

Ci-contre, une scène de Mademoiselle Mozart avec Danielle Darrieux, en 1935.

 

Emile Havez, chef de claque et financier du théâtre

Un investisseur immobilier à Villennes

Qui était ce propriétaire de nombreuses maisons et de terrains dans Villennes ?

Il possédait notamment trois villas de l'actuelle avenue Georges Clémenceau et une dans la rue de Poissy (la villa Marie mais pas la villa Margerite, figurant ici par erreur), où il logeait des membres de sa famille ou des locataires.

 

Adepte de la pêche sur la Seine, il a fait construire un pavillon, baptisé La Pêcherie, sur le chemin de Seine, devenu le sentier du bord de l'eau et il a acquis les îlots des Bigochets.

Le deuxième maire parisien de Villennes

Il est devenu maire du village, en 1897, succédant à l'architecte Alfred Pigny, qui a été, pendant une année, le premier Parisien à gérer la commune. Les tilleuls, qu'il a offerts, pour les faire planter des deux côtés de la partie de l'avenue du Président devenue l'avenue Georges Clemenceau, conservent son souvenir.

Il a, personnellement, prêté la somme de 3 200 francs pour l'établissement du réseau téléphonique de Villennes.

Une personnalité du théâtre

Émile Havez avait fait fortune dans le théâtre parisien, bien qu'il n'était pas acteur et ne possédait pas l'une des nombreuses salles. Sa carrière nous est connue par les notices nécrologiques publiées le 13 mars 1899, lendemain de son décès :

Nous apprenons la mort, à Beaulieu (Alpes-Maritimes), d'une personnalité bien connue du monde des théâtres, Emile Havez. Il fut avec Fournier, décédé il y a quelques années, et Planchet, qui exerce encore au Châtelet, à la Gaîté, à la Porte-Saint-Martin, et aux Bouffes, l'un des plus experts potentats de la vente des billets d'auteur, voire de la commandite des théâtres, dans lesquelles il recueillit une respectable fortune. Il était titulaire de ce droit aux Variétés, au Palais-Royal, au Vaudeville, au Gymnase, à la Renaissance et prit la succession de Fournier pour l'Opéra. Veuf en premières noces, il avait épousé ensuite une très sympathique artiste du Palais-Royal, Mme Marie Leroux, et s'était à peu près retiré des affaires. Domicilie à Villennes, près de Poissy, il avait été élu maire de cette localité. Très affecté par la mort successive de la mère de sa femme et d'un fils qu'il adorait, il a succombé avant-hier à Beaulieu où il possédait une propriété hivernale.

Le Figaro

Une personnalité en vue du monde des théâtres vient de disparaître. Emile Havez est mort hier matin dans sa propriété de Beaulieu, près de Monte-Carlo, dans sa soixante-deuxième année. Havez avait passé sa vie entière dans le monde des théâtres. Son père avait été concessionnaire du service de claque au Gymnase, sous la direction Montigny. Emile Havez, après avoir fait son service militaire, songea d'abord à se faire artiste. Il joua au théâtre de Lille où il eut pour camarade Bertrand, aujourd'hui directeur de l'Opéra, au théâtre de la Tour-d'Auvergne où il se lia avec Baron. Puis il prit la succession de son père comme concessionnaire du service du Gymnase à la fin de la direction Montigny et pendant toute la direction Koning. En même temps, il entrait aux Variétés avec son ami Bertrand, qui le considérait comme le meilleur et le plus sûr des conseillers. On le retrouve aussi au Vaudeville avec Porel et Carré, au Palais-Royal avec Mussay et Boyer, qui seront certes de ceux qui le regretteront le plus sincèrement. Tout récemment il s'était intéressé au théâtre Sarah-Bernhardt. Havez, d'ailleurs, ne laissera que des regrets dans le monde des théâtres où il s'était créé de nombreuses amitiés, grâce à son tact, à son affabilité, à son inépuisable obligeance et à sa haute loyauté. On peut dire qu'il a été mêlé à toutes les grandes entreprises théâtrales de notre époque. Directeurs et auteurs avaient sans cesse recours à ses judicieux avis, et ils s'en trouvaient généralement bien. Havez avait un fils qui épousa la fille de Mme Céline Chaumont, et qui fut enlevé, il y a deux ans, par une maladie de poitrine. Emile Havez était un homme grand, un peu fort, la lèvre surmontée d'une forte moustache. Il était maire de la commune de Villennes. Il avait assisté encore à la représentation du Lys Rouge, au lendemain de laquelle il était parti pour Beaulieu. C'est un honnête homme qui s'en va.

Le Gaulois


Ernest Blum, ami d'Emile Havez, a raconté leurs débuts communs dans ce domaine, dans son article Journal d'un Vaudevilliste, publié alors dans le journal Le Gaulois :

 

Il était le fils du vieux chef de claque du Gymnase que tous les habitués du théâtre de Madame ont connu. Né pour ainsi dire dans les coulisses, la première idée de Havez fils fut de jouer la comédie. Il était joli garçon, alerte, portant beau ; il s'essaya à l'école lyrique en compagnie de son ami Bertrand, aujourd'hui directeur de l'Opéra, et de Baron, le spirituel comédien que l'on sait. L'école lyrique de la rue de la Tour d'Auvergne, aujourd'hui disparue, était alors le lieu sacré où les jeunes gens s'essayaient.

Nous pouvons donc supposer que c'est le comédien et directeur de théâtre Louis Baron, propriétaire de la villa Vista Bella de la rue de Poissy depuis 1893, qui lui a fait connaître Villennes.

 

Quelle était la profession d'Emile Havez ?

Comme les articles ci-dessus, le livre "Trente ans de théâtre" d'Adrien Bernheim nous apprend qu'il avait repris celle de son père.

Adrien Bernheim, critique et expert, a été commissaire du gouvernement près les théâtres subventionnés puis, en 1902, inspecteur général du théâtre.  

Vous pouvez écouter une lecture du chapitre "Claque et claqueurs" de cet ouvrage.


L'auteur y présente Emile Havez comme le préposé au service des applaudissements de la Comédie-Française.

Le chef de claque décrivait ansi ses activités : Nous ne pouvons rendre bonnes les pièces qui sont mauvaises, mais nous forçons les succès et nous masquons les échecs.

Emile Havez, qui avait commencé au théâtre des Variétés sous les ordres de son père, a succédé à Fournier.

 

Le Dictionnaire Larousse définissait ainsi la claque :
L'usage de la " brigade des acclamations " dans le domaine du spectacle est vraisemblablement aussi ancien qu'en matière politique, tant il est naturel qu'un auteur ou un interprète mobilise son entourage pour s'assurer un minimum d'applaudissements et entraîner l'adhésion générale. C'est seulement vers la fin de l'Ancien Régime que cette sorte de cabale à rebours commença à s'organiser pour devenir au siècle suivant une véritable institution, surtout dans les théâtres d'opéra et de ballet. Le chef de claque distribuait à ses troupes des billets gratuits, ou à tarif très réduit, et les plaçait en des points stratégiques de la salle avec mission de manifester un enthousiasme de commande selon des instructions précises. On devine à quels abus pouvait donner lieu l'influence d'une claque non seulement tolérée, mais quasi officielle. Ce sont justement ces abus qui amenèrent sa disparition du moins sous cette forme dans les dernières années du XIXe siècle. Depuis, il est toujours possible de recourir à une "claque sauvage", mais ce n'est pas sans risque, indépendamment des frais de l'opération. En l'absence des grands chefs de claque d'antan, qui étaient de fins psychologues, les applaudissements sont en effet aujourd'hui souvent intempestifs et provoquent dans le public des réactions contraires au but recherché.

Emile Havez avait des intérêts considérables dans les principaux théâtres de Paris. Il se définissait comme banquier du théâtre. A son décès, il possédait les droits de 67 pièces de théâtre, que lui avaient cédés leurs auteurs.


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Le deuxième maire parisien de Villennes

Il est devenu maire du village, en 1897, succédant à l'architecte Alfred Pigny, qui avait été, pendant une année, le premier Parisien à gérer la commune.

Adrien Bernheim a précisé son influence dans notre commune :

Havez possédait alors, en Seine-et-Oise, à Villennes, propriétés, chevaux et voitures. C'était lui qui y faisait nommer les employés des postes, les buralistes de tabac et y dirigeait la pêche à la ligne... Il était le gros monsieur de l'endroit, organisait des fêtes de charité, des concerts dans les églises des environs, et amenait à Villennes toute une petite colonie. Pour le récompenser de ses services, les Villennois le firent maire : il était devenu fonctionnaire dans l'âme et négligeait son service habituel.

Le maire profitait de ses relations parisiennes pour organiser des animations artistiques à Villennes.

Dimanche dernier a eu lieu à l'église de Villennes, près Poissy, une petite fête toute intime et vraiment artistique. Une messe en musique, tout comme en plein Paris, avait été organisée par M. Emile Havez, le châtelain de la localité, dans laquelle M. L. Fugère a ému le select auditoire avec un ravissant et inédit O Salutaris de Georges Marietti. Mmes Mathilde Auguez et Caroline Pierron, accompagnées par le violon de J. Danbé, dans le remarquable Ave Maris Stella de notre bien regretté Léo Delibes, et dans l'Esprit de Dieu, de Lassen, également arrangé avec violon par Danbé, pour la circonstance. Enfin le beau Sanctus de Giraudet, dit avec la belle et puissante voix de M. Dubulle, qui a vivement impressionné les fidèles accourus pour entendre cette réunion d'artistes éminents. M. le curé a dû être très satisfait du résultat obtenu pour ses pauvres. On a beaucoup regretté l'absence de M. Caron (de l'Opéra), empêché, par indisposition, de chanter le célèbre chant religieux la Charité, de notre grand chanteur Faure, inscrit au programme de cette belle solennité.

Le Ménestrel, 22 septembre 1895

Son épouse, comédienne, et ses amis, directeurs de théâtre,

Emile Havez vivait à Villennes avec sa deuxième épouse, Marie Leroux, une comédienne qui, en 35 ans de théâtre, avait joué tous ces rôles : jeune première, soubrette, coquette, et duègne. Il l'avait épousée en décembre 1896 à Mézy.

Il avait été marié auparavant avec Caroline Antoinette Boudet ; leur fils Léon Marie est décédé deux ans avant lui, en son domicile de Poissy. Celui-ci avait eu, avec son épouse Léonie Marie dite Léone Lefort, trois enfants : Paul Léon Georges, Yvonne Marie Juliette et Pierre Louis.

Emile Havez était notamment l'ami d'Eugène Bertrand, directeur du théâtre des Variétés puis de l'Opéra et de Victor Koning, directeur du théâtre du Gymnase. Il fit venir à Villennes celui-ci ainsi qu'Arthur Riga, artiste dramatique puis régisseur général du Théâtre des Variétés. Le fils de celui-ci, Emile Riga, était le filleul d'Emile Havez. Voir ci-après les notices biographique d'Arthur Riga et de Victor Koning.

Son testament holographe, établi à Villennes le 31 octobre 1898, nous fait connaître ses proches.

Ceci est mon testament.

Mon premier devoir est de reconnaître le dévouement de ma femme et de rendre hommage à ses vertus domestiques ainsi qu'à son désintéressement dont elle m'a constamment donné des preuves. En m'épousant, elle n'a jamais été guidée par un intérêt quelconque, mais par des sentiments plus élevés et qui n'avaient pour but que notre bonheur réciproque. Je ne puis donc que l'en remercier et j'ai le ferme espoir que mes héritiers le reconnaîtront après moi.

Tous les meubles et objets mobiliers sans distinction qui garnissent la Villa Marie sont sa propriété personnelle ainsi que ceux qu'elle apporta en mariage et qui garnissent notre habitation actuelle (Villa Beau Séjour) ou garniront la propriété que nous occuperons à mon décès, de même pour tout ce qui aurait été omis comme linge et qui serait marqué à son chiffre : M. L. . [...]

 

Après l'exécution des legs particuliers que j'indiquerai ci-après, ainsi que de toutes dispositions en faveur de mon épouse, je donne et lègue la moitié de ce qui restera de ma succession à Madame Havez née Lefort, ma belle-fille pour par elle jouir faire et disposer en usufruit sa vie durant ; la nue propriété appartiendra à ses enfants (mes petits-enfants). [...]

A titre de souvenir et de reconnaissance, je fais les legs particuliers suivants à valoir sur ma quotité disponible. :
1°. Au profit de Madame Havez, ma femme, la somme de six mille francs ainsi que la totalité de ma cave comprenant vins et liqueurs.
2°. A Monsieur Mussay (dit Baccarat) l'aquarelle de Négret (?) La pêcheuse de crevettes.
3°. A Monsieur Ernest Cornaglia mon plus ancien ami le bronze L'arlequin.
4°. A Monsieur Léopold Boyer également mon vieil ami les deux bronzes L'homme à la famille et Le semeur.
5°. A Monsieur Arthur Riga en souvenir d'amitié le bronze Le Castillan de Denière [Jean-François Deninger dit Denière (1775-1866), fondeur-fabricant de bronzes d'art ].
6°. A Mademoiselle Céline Cadot ma filleule que j'aime bien les deux bronzes Souvenirs et Regrets sur socle marbre rouge de Denière.
7°. A Monsieur Cauvin mon notaire pour le remercier de la sympathie qu'il n'a cessé de me témoigner je le prie d'accepter comme souvenir le tableau de Gustave Maincent [peintre paysagiste français (1848-1897)] qui est dans le salon.
8°. A Monsieur Emile Riga mon filleul : cinq cents francs.
9°. A Mademoiselle Emilie Paris ma filleulle : cinq cents francs.
[...]


En fait, Paul Mussay était le nom d'artiste d'Adolphe Bacharach, comme l'indique le procès-verbal de remise par le notaire du tableau, objet du legs que lui avait fait Emile Havez.

 
 

Paul Mussay a dirigé avec Léopold Boyer le Théâtre du Palais-Royal, de 1885 à 1912. Ensuite, il fut administrateur du théâtre de la Renaissance.

Paul Mussay avait joué, avec Louis Baron dans La Vie parisienne d'Offenbach, Meilhac et Halévy, créée au Théâtre des Variétés, lors de sa reprise au Théâtre du Palais Royal en 1873.

Léopold Boyer fut directeur du Vaudeville de Bruxelles puis du Théâtre des Variétés, après avoir chanté au Bataclan ; après le décès d'Emile Havez, il fut le tuteur de son fils Paul Léon Georges, mineur.


L'ouvrage Le boulevard : croquis parisiens d'Edmond Benjamin et Paul Desachy (1893) apporte des précisions :

M. Mussay, de son vrai nom Paul Bacharach, a brillé quelque temps dans la troupe des Variétés, où il tenait l'emploi des amoureux comiques. A pris la direction du Palais-Royal. Et comme il a en sa femme, Mme Céline Chaumont, une étoile de première grandeur, est heureux comme directeur quand elle joue le Parfum ; est bien plus heureux comme mari d'assister avec elle aux premières dont ils sont tous deux fanatiques. L'été dernier, on les voyait à Aix-les-Bains faire, après la douche obligatoire de Marlioz, le tour du lac du Bourget ou l'ascension du Revard. Tels deux jeunes époux s'égarant dans les gorges du Fier ou grimpant aux tours de César.

M. Léopold Boyer, le co-directeur, a gagné beaucoup d'argent à Bruxelles dans l'exploitation du Vaudeville, des Galeries Saint-Hubert, primitivement un café-concert. M. Boyer a une jolie propriété à Nogent, et adore les bords de la Marne : c'est le motif qui l'a engagé à vendre son théâtre pour diriger avec M. Mussay le Palais-Royal. Il peut ainsi, le dimanche, pêcher à la ligne et prendre du barbillon à son aise. Les deux associés s'entendent très bien. Ils ont reçu à cabinet ouvert Monsieur chasse ! et, avec cette pièce de M. Georges Feydeau, ils n'ont pas été bredouilles. Aussi sont-ils résolus à recevoir les manuscrits des jeunes, ce qu'il faut constater à leur louange.

L'auteur, dans son évocation des actrices en vers, décrit ainsi l'épouse de Paul Mussay, Céline Chaumont :

Aérienne,
L'on dirait
la Parisienne
de Chéret.

 

L'ouvrage Acteurs et actrices de Paris d'Emile Abraham (1897) est plus explicite. Journaliste puis vaudevilliste, l'auteur a été le secrétaire de Victor Koning, lorsqu'il dirigeait le Théâtre de la Renaissance puis le Théâtre du Gymnase.

Mme Céline Chaumont, élève de Déjazet, qu'elle rappelle, débuta au Gymnase, dans Montjoye, où sa malice et son espièglerie se révélèrent dans le rôle de la rosière. Elle créa dans l'Ami des femmes le rôle de Balbine, joué à la Comédie-Française, par mademoiselle Muller.
Nos Gens
, le Wagon des dames, les Curieuses, l'Autographe furent aussi des succès pour la piquante artiste, qu'un jeu singulièrement et agréablement mélangé de minauderie et de finesse, semblait fixer à la comédie. avec un tout petit filet de voix, madame Chaumont se lança dans l'opérette.
Revenue à la comédie, madame Chaumont créa, et on sait avec quel succès, aux Variétés : les Sonnettes, Toto chez Tata, la Petite Marquise, la Cigale, le Grand Casimir, le Fiacre 117 ; au Vaudeville : Lolotte et le Petit Abbé ; au Palais-Royal : Divorçons, où, tenant, avec Daubray, la scène pendant toute la soirée, elle déployait une science théâtrale inouïe. Et le Parfum !

Ernest François Cornaglia (1834-1913) était un comédien, décrit ainsi par Emile Abraham :

Justement estimé, créa Francet Mamaï dans l'Arlésienne. Il a repris ce rôle avec un grand succès au second Théâtre-Français, où la belle œuvre de M. Alphonse Daudet et de Georges Bizet a obtenu une longue vogue, et fait différentes bonnes créations, notamment celle des Deux Barbeaux, de M. André Theuriet.
Cornaglia remplit avec une rare distinction les rôles marqués du répertoire. C'est un artiste consciencieux, plein de bonhomie et de naturel.

Céline Cadot, la filleule d'Emile Havez, était vraisemblablement une nièce, la fille d'Emile Arthur Cadot, son beau-frère. Celui-ci a été propriétaire du terrain de la Villa Marie Isabelle, qui a appartenu à Arthur Riga. Il a été le tuteur de Paul, le fils mineur d'Emile Havez après Léopold Boyer. Emile Havez possédait des parts du Cercle central des Arts et des Lettres (Société E. Cadot et Cie), installé 36 rue Vivienne. Le Cercle Central poursuit, de nos jours, ses activités de maison de jeux dans le quartier Pigalle.

Sa dernière résidence

Emile Havez est décédé, en mars 1899, dans sa propriété de Beaulieu-sur-mer.

 

 

Il avait acquis la villa Ma Maisonnette en 1894 de Joséphine Paris. Théodore Gagelin, rentier à Paris, l'avait fait construire, vers 1887, sur une parcelle détachée de la propriété du prince Serge Galizin.

Blanche avec un toit en terrasse, elle lui a peut-être inspiré la construction de la villa Grand Trianon (rebaptisée Le Verger par Pierre Decourcelle), qu'il a réalisée à Villennes dans l'avenue du Président (avenue Georges Clemenceau).


De nombreuses personnalités, notamment des directeurs de théâtres, assistèrent à ses obsèques.

Etaient également présents les maires de Médan et de Poissy ainsi que le propriétaire du château d'Acqueville, le commandant de Lassuchette.

 

Le Gaulois, 17/3/1899

Sa succession

Les meubles garnissant La Pêcherie, de peu d'importance, ont été repris par l'acquéreur de cette propriété, M. Zonet. Les bâteaux et radeaux qui se trouvaient sur la Seine ont été vendus.

 

 

Dans le cadre de diverses affaires théatrales, trois personnes devaient rembourser un prêt, dont le plus important (73 614 F) était celui accordé à Sarah Bernhardt. Plusieurs autres dirigeants, anciens ou actuels, de théâtres lui devaient également de l'argent :
- M. Bacharah dit Mussay (Théâtre du Palais-Royal),
- M. Samuel (Théâtre des Variétés),
- M. Rival (Grand théâtre de Rennes).
- M. Bernou (Théâtre du Vaudeville),
- Léopold Boyer (Théâtre des Variétés).

Lui-même devait de nombreuses petites sommes à divers fournisseurs, dont plusieurs villennois :
- M. Parvery, marchand de plâtre,
- M. Mirgon pour commission de location (de la Villa Marie) et pour travaux de maçonnerie,
- M. Redureaux, menuisier,
- M. Demail, serrurier,
- M. Bodin, restaurateur,
- M. Derain, jardinier.

Il avait également une dette envers M. Oréel pour le garage de bateaux à Poissy et de plus importantes envers l'entrepreneur qui construisait les villas Grand Trianon et Bon Accueil (M. Bourdillon), l'architecte Emile Hurtré, un fumiste, un charpentier et deux plombiers.

.La villa de Beaulieu a été vendue.

L'annonce, ci-contre, de la vente de propriété de Villennes a été publiée dans le journal Le Courrier de Versailles.

Les acquéreurs ont été les suivants :
- villa Beau Séjour : Léonie Lefort, veuve du fils décédé d'Emile Havez, mère de ses trois petits-enfants,
- villa Marie : Camille Gernaert, ingénieur,
- villa Grand Trianon : Pierre Decourcelle, homme de lettres,
- maison contigüe (Bon Accueil) : Henri Guillaume, propriétaire du Langham Hôtel, (le locataire),
- pavillon La Pêcherie : àFrançois Gonet, entrepreneur de peintures,
- terrain à bâtir au lieu-dit Les Cloquetins, Pierre-Ernest Levallois, négociant (qui possédait la propriété voisine),
- îlots des Bicochets : Edouard Briens (propriétaire de l'île de Villennes).


Arthur Riga, régisseur général du Théâtre des Variétés
(1850 - 1903)


Arthur Riga était artiste dramatique puis régisseur en chef du théatre des Folies Dramatiques, avant d'assurer la régie du théâtre des Variétés.

 

 

Officier de l'Instruction Publique, il était également Chevalier de l'Ordre Royal du Cambodge et Officier de l'Ordre du Dragon d'Annam.

Arthur (Jean Baptiste Marcellin) Riga a eu une propriété à Villennes, qu'Emile Havez lui a fait, peut-être connaître. En effet,  il a acquis, en 1899, deux portions du terrain, de part et d'autre de l'actuelle avenue Foch, sur lequel n'existait qu'un petit bâtiment avant la construction de la Villa Marie Isabelle.

Nous reproduisons et transcrivons une lettre d'Emile Riga à son notaire, auquel il demandait conseil.

 


Cher Monsieur Cauvin,

C'est un malheureux propriétaire qui vient solliciter de vous un conseil. Le saut de loup de mon terrain se remplit chaque jour, de façon que les passants se trouvent être de plein pied avec le niveau du mur très bas, et pendant que je déjeune, ils s'arrêtent, s'accoudent et me regarde[nt] prendre ma nourriture comme un fauve en cage. Quel droit ai-je et de quelle façon dois-je agir contre tous ceux qui viennent y déposer tout ce qu'ils ont en trop ?
Le garde-champêtre ?
ou y mettre des pieux et un treillage ou autre barrière pour les empêcher d'approcher.
Vous excuserez mon indiscrétion et mon sans-gêne de vous mettre chaque fois que je suis embarassé de la sorte à contribution.

Votre bien dévoué
A. Riga


 

Après son décès en 1903, sa veuve Pauline Clémence Adèle Vilvandré a fait vendre ses meubles, en la salle du théâtre de Poissy.

 

Victor Koning, journaliste
puis auteur dramatique et directeur de théâtre
(1842 - 1894)

Victor Koning était un auteur dramatique et librettiste.

Il fut directeur du théâtre de la Gaîté (1868-1869) et du théâtre de la Renaissance (1875-1882).

 

 


 

En collaboration avec d'autres auteurs, il écrivit des pièces de théâtre, surtout des comédies, des vaudevilles et des livrets d'opérettes à succès, notamment :


- Un Voyage autour du demi-monde, revue en cinq actes d'Eugène Grange, Henri Thiéry et Victor Koning,
- La Cocotte aux œufs d'or de Clairville, Eugène Grangé et Victor Koning,

 
 


- La Revue n'est pas au coin du quai de Paul Siraudin, Victor Koning et Clairville,

- La Fille de Mme Angot de Paul Siraudin, Clairville et Victor Koning, musique Charles Lecocq.


Secret de Polichinelle : c'est sous ce pseudonyme que collaborait, en 1865, le directeur du Théâtre du Gymnas au journal spécial Le Figaro-Programme. Il signait Vif ses articles dans La Vie Parisienne (source : Dictionnaire des pseudonymes de Georges d'Heylli).

L'ouvrage Le boulevard : croquis parisiens d'Edmond Benjamin et Paul Desachy présente Victor Koning.

Fit ses premières armes, comme journaliste, à l'âge où le plus souvent on passe son bachot. Il inaugurait une nouvelle manière, dans ses échos vifs, alertes, incisifs ; il collabora successivement au Diogène, au Figaro et au Nain jaune. Auteur dramatique, il a donné sur diverses scènes parisiennes nombre de pièces en collaboration avec Crisafulli, Grangé, Clairville, dont certaines eurent un succès retentissant et durable : qu'il nous suffise de citer dans le nombre la Fille de Madame Angot.
Secrétaire général du Châtelet, puis directeur de la Gaîté, et ensuite de la Renaissance, il lança ces deux étoiles : Jeanne Granier et Mily-Meyer avec Giroflé-Girofla, la Petite Mariée, le Petit Duc, la Marjolaine, etc.
Après dix années où la veine ne lui fit jamais défaut, a pris le Gymnase dont il a fait la salle la plus confortable, la plus luxueusement élégante comme une des plus à la mode du Paris moderne. Il y a trouvé des triomphes éclatants comme Serge Panine et le Maître de Forges. Il y attire le public le plus aristocratique pour applaudir les artistes les plus en vedette. Ceux qui connaissent à fond Koning savent que sous la brusquerie énervée de ses dehors se cache le cœur le meilleur : tous ceux qui savent juger un homme rendent justice à sa vaillance et à son activité.
Koning a pour bras droit, comme caissier dans le jour et contrôleur en chef le soir, l'aimable Lorimey, l'inventeur des Fauteuils-debout et du Plus que le maximum.


 

Sa biographie publiée en 1882 par Henry Buguet dans son ouvrage Foyers et coulisses - Histoire anecdotique des théâtres de Paris, nous en apprend plus sur les débuts de sa carrière :

 

Un exemple frappant et palpable de ce que peut la ténacité d'un Israélite intelligent et ambitieux. Victor Koning a été d'abord marchand de plumes a écrire, non en fabrique, non en magasin, non dans la commission, mais sur la voie publique, en plein air, devant les cafés.
A force de vendre ses plumes, l'ambition vint au jeune Victor, d'écrire avec. Il entra un beau matin au Diogène qui comptait dans sa rédaction bien des bohêmes devenus aujourd'hui des écrivains de premier ordre.
Victor Koning devint bon journaliste au Soleil, à l'Eclair et acquit toute l'expérience de son nouveau métier au Gaulois et au Figaro. Il publia chez Dentu, trois ou quatre volumes pleins d'humour et de potins intéressants dont les titres m'échappent. Il s'improvisa auteur dramatique, puis directeur du théâtre de la Gaîté où il sombra sous les décombres de l'incendie de la Madone des Roses. Comme auteur il a signé les Cabotins, trois actes, joués aux anciennes Folies-Dramatiques ; la Reine Carotte, grande pièce fantaisiste et grand succès de Thérésa aux Menus-Plaisirs, et une demi-douzaine de levers de rideau, mais sa collaboration la plus productive s'est traduite par un grand nombre de billets de mille encaissés pour sa part de droits d'auteur dans la Fille de Madame Angot. L'affiche de cet ouvrage lui valut une mémorable polémique avec M. Cantin, directeur des Folies. M. Cantin avait imaginé de faire imprimer le nom d'un des trois auteurs, justement celui de M. Koning, en lettres beaucoup plus petites que celles composant les noms de Clairville et de Siraudin.
M. Victor Koning, froissé de cette différence humiliante, et soutenu dans ses prétentions de collaborateur par son fidèle Siraudin, fit un procès à M. Cantin qui dut rétablir l'impression des trois noms d'auteur sur Ie même pied d'égalité.
M. Cantin eut alors une idée encore plus machiavélique que la première "Koning s'est trouvé imprimé en trop petites lettres, se dit-il, et bien ! cette fois, il sera difficile s'il n'est pas content de moi" et, bientôt on put voir sur l'affiche les noms des trois auteurs s'étaler dans la disproportion suivante : CLAIRV!LLE, SIRAUDIN, VICTOR KONING.
C'était à renoncer et à se taire, c'est ce que fit spirituellement Koning en pensant, à part lui, qu'il saurait bien se donner l'importance de M. Cantin un jour où l'autre. Il prit en effet la direction de la Renaissance, et le succès le plus grand couronnant aussitôt son avènement à ce théâtre, il ne tarda pas à faire à son voisin, M. Cantin, une concurrence inquiétante pour celui-ci. Si la réclame disparaissait de Paris, on la retrouverait dans les accessoires de la Renaissance et du Gymnase dont Koning a saisi aussi le sceptre, histoire de conduire le char de sa fortune, à deux chevaux. On n'ignore pas que c'est lui qui a inventé le célèbre écho :
"Koning est décidément la veine en personne ; son théâtre a encore fait hier plus que le maximum." Ouvrez un journal, au hasard, n'importe quel jour. Il y est parlé de Koning, des succès de Koning, des idées de Koning, des améliorations de Koning, des recettes de Koning, des étoiles découvertes par Koning, des mots de Koning, de tout ce que fait Koning.
En a-t-il des camarades, ce Koning ! Ou plutôt en dépense-t-il des lignes à trois francs pour placer des fauteuils à dix ? C'est un malin, il n'y a pas à dire. Et sa marquise du Gymnase, qu'il a redorée sur tranche ! Elle a fait oublier le grand escalier de l'Opéra. Pendant un mois, il n'a été question que de la marquise de Koning. Nicolini lui-même, n'a pas fait tant de bruit avec la sienne.
Et, ses huissiers à chaîne ! Comme à la Comédie-Française ! D'ailleurs il ne désespère pas d'y arriver à la Comédie-Française. Ayant déjà en mains le répertoire d'Augier et celui de Dumas, il n'aura plus longue étape à parcourir pour aller dire à M. Emile Perrin : " Ote-toi d'là que j' m'y mette ! ".
Triolet du Gaulois a fait de Victor Koning, le très exact portrait suivant :
"Prenez un de ces gros bébés en cire que l'on vend chez les marchands de joujoux, et qui ont l'air calqué sur les keepsakes ; effacez les couleurs trop vives et remplacez-les par une pâleur poétique, environnée d'une jolie barbe frisottée et luisante, que la main du coiffeur soigne avec amour. Sur cette boule ronde, des cheveux non moins jolis que la barbe, courts et ondés comme un vaisseau au vent. Eclairez votre sujet de deux yeux, nageant avec extase dans une nacre sombre. Fendez les lèvres en un sourire spirituel et fréquent ; puis laissez marcher votre gros bébé sur deux bonnes petites jambes : vous aurez Victor Koning."
C'est un homme qui a de la veine et aussi de l'intelligence. Les courriéristes de théâtre, l'appellent "l'intelligent directeur." Je n'y ai jamais contredit, quoiqu'il ait été soupçonné d'avoir souvent lu la copie avant qu'elle parût. Il a de très grandes qualités. Très large en affaires ; il est fastueux comme Louis XIV, hardi comme Napoléon et heureux comme Bidard. Généralement, il est moins aimé que redouté, comme tous les hommes forts. Personne ne doit lui résister, ni homme, ni femme. Il y a du Zampa dans ce jeune directeur dont le nom retentit dans les journaux, comme un éclat de trompette dans Aïda.
Au demeurant, bon garçon, serviable, amusant, d'une franche gaieté, avant un joli capital d'esprit à dépenser, et n'ayant pas besoin de paraître plus riche qu'il n'est.
Jusqu'ici, la fortune a favorisé ses entreprises ; disons qu'il n'a rien négligé pour mériter son bonheur.

C'est dans sa maison de campagne de Villennes, qu'il fut transporté, dans un état grave, après une chute dans l'escalier d'une maison du boulevard Montmartre.

Ernest Blum relatait la maladie qui a emporté prématurément Victor Koning dans sa chronique Journal d'un vaudevilliste, publiée dans Le Gaulois du 3 octobre 1894, deux jours après son décès. Il y narrait également, avec de nombreuses anecdotes, ses débuts, sa carrière et son caractère très ferme.

Pauvre Koning, le voilà mort ! Mort à cinquante-deux ans. Hélas ! il l'était déjà depuis plusieurs mois ! La malechance après tant d'années heureuses l'avait terrassé. La paralysie générale, qui en a déjà tant tué dans notre monde : Guy de Maupassant, Chabrier, Cœdes, était venue. Il semblerait que c'est la maladie des intellectuels !
Victor Koning avait commencé par être journaliste ; il avait même commencé par être auteur dramatique à seize ans ! Est-ce le moment de raconter son entrée dans la vie, maintenant qu'il en est si tôt sorti ? Pourquoi pas ? Il en a tant ri lui-même et il le racontait si complaisamment et avec tant d'esprit !

Un matin, Sari, un autre Parisien disparu, alors directeur des Délassements-Comiques du boulevard du Temple, était encore au lit, quand sa domestique lui annonce la visite d'une jeune femme vêtue en homme.
̶  Une femme habillée en homme, pense Sari ; une de mes pensionnaires, sans doute, qui s'offre une petite farce  ̶  faites entrer.
Et Koning entre. Il avait seize ans, ai-je dit ; il était petit, imberbe, et avait parfaitement l'air d'une jeune personne travestie.
̶  Asseyez-vous, mademoiselle, dit Sari, encore endormi. Qu'est-ce que vous me voulez ?
̶  Mademoiselle ! reprend Koning, rougissant, mais froissé, je ne suis pas une femme, je suis un homme !
̶  Vous croyez ? fait Sari en regardant plus attentivement mais si vous n'êtes pas une femme, qu'est-ce que vous me voulez, alors ?
̶  Je vous apporte une pièce ! Une pièce ? Vous êtes auteur ?
̶  Oui, monsieur, j'ai écrit une pièce en un acte que je serais très heureux de voir représenter en lever de rideau sur votre théâtre !
̶  C'est bien, laissez ça là, je ne vous promets pas de la lire, mais je vous promets de la jouer si elle est à peu près possible, puisque ça a l'air de vous amuser !
Brave Sari ! il avait aussi beaucoup d'esprit celui-là !
J'étais l'auteur assermenté des Délassements-Comiques avec Flan et chargé de revoir, gratis, les levers de rideau des débutants !
Sari me remit la pièce de Koning et m'envoya l'auteur chez moi. C'est ainsi que je fis la connaissance du futur directeur du Gymnase. Je ne me rappelle plus si ce fut la pièce de Koning qui fut représentée ou une autre, à laquelle je le fis travailler ; tout ce que voulait le jeune homme, c'était ses entrées dans le théâtre et surtout dans les coulisses : il les eut.
Il était gai, aimable, amusant ; il devint bientôt notre ami à tous. Un jour, il vint avec joie nous annoncer qu'il entrait au Diogène comme échotier. Le Diogène était à cette époque un journal qui avait pour rédacteur en chef, si j'ai bonne mémoire, Alphonse Duchesne, et pour principaux rédacteurs Jules Claretie et Paul de Cassagnac.
Un peu agressifs, déjà, les nouvelles à la main et les échos de Victor Koning furent remarqués.
Il avait, par-dessus tout, et il l'a gardé toute sa vie, l'esprit du petit journalisme, un esprit qui s'en va et qui est remplacé par un autre, dit-on, lequel ? l'esprit du grand journalisme, probablement. Plus tard, Koning entra au Figaro, au Nain jaune de Scholl. C'est dans Paris-Journal qu'il publia des chroniques joyeuses et essentiellement parisiennes, qu'il réunit ensuite en volumes.
Je me souviens encore d'un de ses "échos" resté célèbre sur le boulevard. Il en voulait à Dumaine qui lui avait fait prendre la Gaîté à vingt-deux ans, et qui la lui avait vendue 700.000 francs
 ̶  700.000 francs, la Galté, hein ! monsieur Debruyére, qu'est-ce que vous en pensez  ̶  ou plutôt qui lui avait repassé ses 700.000 francs de dettes ! [...]

Après sa malencontreuse gestion de la Gaîte, Koning devint le secrétaire du Châtelet sous le règne d'Hostein ; il s'êtait refait journaliste et cumulait facilement les deux emplois.
Mais son rêve était de prendre sa revanche comme directeur de théâtre, et un jour, à force d'énergie, de volonté et de patience, il parvint à acheter la Renaissance.
On se souvient des belles années de sa direction, des succès de la Petite Mariée, de la Marjolaine, du Petit Duc. C'était l'époque bénie où, en effet, on faisait chaque soir plus que le maximum  ̶  jamais moins !

Koning s'est fait beaucoup d'ennemis avec son besoin d'autorité  ̶  qui n'était, au fond, que de la fermeté bien entendue et réfléchie. [...] Le défaut de Koning est d'avoir été parfois un peu trop brutal, mais sa fermeté lui a rendu de grands services et en a rendu de plus grands encore à tous ses artistes !
Dans son cabinet, chez lui, il était la gaieté et l'amabilité mêmes ; sur son théâtre, à l'avant-scène, il redevenait de fer, au grand étonnement de ceux ou de celles à qui il venait, à l'instant même, de parler en camarade.

Seulement, ses conseils étaient excellents. Le sérieux féroce qu'il apportait dans le travail obligeait tout le monde à faire de son mieux.

C'est ainsi qu'il a pu métamorphoser Mme Jane Hading, devenue plus tard sa femme, de petite étoile d'opérette en grande étoile de comédie. [Après trois ans de mariage, elle demanda le divorce en 1887 et quitta le Théâtre du Gymnase pour suivre Coquelin dans sa tournée en Amérique ...]

Demandez à Sardou, le roi des metteurs en scène et des professeurs, si, lorsqu'une femme pleure aux répétitions, elle n'est pas a deux doigts d'avoir du talent ! Koning donnait aussi de très bons conseils aux auteurs  ̶  suivant en cela l'exemple de son prédécesseur Montigny, qui a fait en partie les grands auteurs d'à-présent ̶ mais, avec les écrivains dramatiques, il était toujours aimable.

 

A l'encontre de bien des directeurs qui par crainte d'ennuis, par horreur de la lutte, sont toujours prêts à se ranger du côté de leurs artistes, Koning était toujours du côté des auteurs, et il avait bien raison ! Les auteurs veulent le succès ! Les acteurs ne le veulent qu'à peu près ; ils ne désirent et ne cherchent que leur succès personnel, rêvant même volontiers in petto  ̶  pas tous ! pas tous !  ̶   l'insuccès de leurs camarades !
La fermeté de Koning est restée légendaire, il n'avait peur de rien, et plutôt que d'avoir tort et de céder, il aurait tout risqué ! C'est ainsi qu'à la Renaissance, une de ses étoiles, que je ne veux pas nommer, avait l'habitude d'arriver trois quarts d'heure en retard pour la représentation, ce qui l'obligeait à commencer très tard et à finir de même, au grand déplaisir du public, qui commençait à s'en plaindre.
La pièce était en plein succès et son heureux sort dépendait entièrement de la diva. N'importe ! Koning donne à son régisseur l'ordre de commencer à l'heure inscrite sur l'affiche, si l'étoile n'est pas arrivée, de lever le rideau quand même et de faire une annonce pour avertir le public que la diva ne s'est pas rendue à son devoir. L'étoile, effrayée de ce scandale en perspective et sachant son directeur capable de le lui procurer, devint plus exacte. Il y avait bien des soirs où elle arrivait encore un peu en retard, mais elle se déshabillait déjà dans l'escalier et s'habillait en trois minutes !

Pauvre Koning ! Il a eu des commencements difficiles et une triste fin ! Nous avons tous, dans la vie, une dose de prospérité dont nous profitons plus ou moins ; il a eu, c'est vrai, la sienne pendant plusieurs années ̶  à la Renaissance et au Gymnase il a passé pour un des meilleurs directeurs de Paris  ̶   et c'était justice.
Un jour Got, qui était au plus mal avec M. Perrin, eut l'idée de mettre Koning à la tête de la Comédie-Française ; il en parla à Vacquerie, qui n'aimait pas non plus l'administrateur de la rue Richelieu et qui trouvait Koning fort intelligent  ̶  un dîner eut lieu chez lui auquel j'assistais.
Un mot de Koning, et c'était probablement chose faite. Koning demanda à réfléchir. Le lendemain, il alla trouver Vacquerie, le remercia de ses bonnes intentions, mais :
̶  Voyez-vous, lui dit-il, je ne suis pas encore assez riche pour aller faire de la gloire et de la bile là-bas !
Aujourd'hui, c'est fini. Le jeune et brillant directeur d'il y a dix ans est mort, et, il faut l'avouer, mort à temps, car, avec la maladie, la misère était venue. Il est allé rejoindre un tas d'amis à moi, au nombre desquels j'étais heureux de le compter, car malgré toutes les attaques dont il a été l'objet, je savais, moi. nous savions tous, nous ses intimes, à quel point, sous son enveloppe de directeur hargneux, il cachait une nature bonne et tendre, combien il était dévoué à ceux qu'il aimait !
Ce qui nous console un peu, c'est qu'il s'est éteint sans souffrances. L'esprit s'en était allé le premier ; autrement, soyez-en sûrs, Koning, le petit journaliste, le Parisien, le boulevardier par excellence, ne serait pas parti sans un mot de la fin !


Gaston Akoun, pionnier des parcs d'attraction

 

La villa "La Nourrée", appelée ensuite "Eden Roc", est devenue "Le Country-Club de la Nourrée", avant de laisser la place à la résidence "Gallieni-Clémenceau".

Son propriétaire, dans les années 1920, a laissé son nom dans les archives municipales en tant que l'un des 3 abonnés au téléphone qui, en 1914, ont accepté "de supporter des frais pour l'établissement d'un fil supplémentaire pour téléphoner à Paris".

Quelles étaient les affaires, qui nécessitaient de maintenir un contact rapide et fréquent avec la capitale ?

Gaston Akoun dirigeait la société qui exploitait le "Luna Park", situé de 1909 à 1948 à la Porte Maillot à l'emplacement actuel du Palais des Congrès.

 

L'ouvrage "Vie et histoire du 17e arrondissement" cite le journal La Nature du 3/9/1909, pour expliquer l'origine du nom de ce parc d'attraction :

Le nom de Luna-Park donné à cet établissement provient probablement de ce qu'en anglais on appelle lunatic les aliénés, et qu'il faut être quelque peu fou pour goûter ce genre de jeu.

L'aventure américaine

Les attractions de Coney Island

En fait, un Luna Park a existé de 1903 à 1944 dans l'île située en face de New-York, au sud de Brooklyn, où se trouvent toujours d'importants parcs de loisirs.

D'après un site Internet sur l'histoire de Coney Island, il semble que Gaston Akoun et son frère Ferdinand y aient exploité, vers 1900, dans le cadre du "Sea Beach Palace", plusieurs attractions (notamment un manège et une piste de patinage).

L'orientalisme aux Etats-Unis

 

Il est vraisemblable que Gaston Akoun avait joué un rôle dans la réalisation, lors de l'Exposition universelle de Paris en 1889, de la rue du Caire où avait été reconstitué un village oriental avec des souks, des cafés arabes qui offraient des spectacles de danse du ventre.

 

En effet, il a ensuite obtenu des concessions pour présenter un tel spectacle, lors de diverses expositions internationales.
 

 

Chicago, 1893

L'attraction "A Street in Cairo" a été présentée, la première fois aux Etats-Unis, lors de l'Exposition Universelle de Chicago qui célébrait le 400ème anniversaire (Columbian Expo) de l'arrivée de Christophe Colomb à New York.

Gaston Akoun y produisit le spectacle de danses orientales The Algerian Dancers of Morocco.

 

Omaha, 1898

Ce jeton a été réalisé pour l'exposition Trans-Mississippi, qui s'est tenue 5 ans plus tard dans le Nebraska.

 

 

 

Le journal Omaha daily bee publia, dans son édition du 1er juin 1898 une photo des "rues du Caire" ainsi qu'une autre de Gaston Akoun.

 


Buffalo, 1901

C'est dans cette ville proche des grands lacs que Gaston Akoun a ensuite laissé son nom, à l'occasion de l'exposition panaméricaine de 1901, où il avait construit et présentait un pavillon baptisé The Beautiful Orient.

Dessin illustrant un article paru dans le journal Brookfield NY Courier.

 

 

 

Les "villages ethniques" étaient alors à la mode ; leurs concessionnaires avaient une double obligation : amuser et instruire les visiteurs.


A gauche : Donkey Station ; à droite : La mosquée El Azhar

(photos publiées en mars 1901 dans leguide Ins and outs of Buffalo, the queen city of the Lakes ; a thoroughly authentic and profusely illustrated guide)


Jamestown, 1907

Cette exposition célébrait le 300ème anniversaire de la présence permanente des anglais en Amérique.

Gaston Akoun y présentait également ses attractions Beautiful Orient et Streets of Cairo.

Le Luna Park de Paris contiendra une "crypte des pharaons".

 

Le voyage vers la lune

 

Gaston Akoun avait participé également à un autre spectacle de l'exposition de Buffalo, baptisé "A trip to the moon". Grâce à un système électrique et à des effets visuels et lumineux, il produisait, toutes les dix minutes, la sensation de quitter la terre et de naviguer dans l'espace entre étoiles, comètes et planètes jusqu'à la lune.

Un engin spatial, équipé d'ailes énormes et de grandes hélices, était alimenté par de puissantes dynamos ; un mécanisme complexe créait une force antigravitationnelle.


Le rôle de G. Akoun avait été de recruter, dans une douzaine de pays, une troupe de "sélénites" : 30 danseuses, 20 géants et 60 nains.

 

C'était une préfiguration du Luna Park !

Les Luna Parks

Un site Web, guide des parcs de loisirs en Europe, nous raconte l'histoire des parcs d'attractions :

Le succès fou de ces nouvelles attractions spectaculaires rendues possibles grâce à l'électricité, fit germer l'idée de construire à Paris et dans l'Europe entière de nouveaux parcs. Le plus ancien : le Blackpool Pleasure Beach en Angleterre (1896) ; en 1904, le Luna Park de Berlin, un des plus spectaculaires.

Le Luna Park, en 1909 qui marqua à Paris le grand retour des parcs d'attractions permanents et dura près de 30 ans.

L'entrée était à 1 franc avec une attraction gratuite, sauf le vendredi qui était le jour de la clientèle mondaine et où l'entrée était plus chère. Il était ouvert de 13 heures à minuit.

 

 

Ses principales attractions étaient le water chute, les montagnes russes avec un parcours d'environ 2000 mètres, la "roue diabolique" ou katcheli dont les wagonnets s'agitaient en tout sens lors de la rotation et le "moulin de la rivière mystérieuse", une sorte de train fantôme sur l'eau.

On y découvrit aussi le Scenic Railway, une montagne russe de 1945 mètres de long.

Sur le même modèle, en 1912, fut créé Magic City, une sorte de Vauxhall moderne qui dura jusqu'en 1926. A cette même époque, les carrousels troquèrent les chevaux de bois pour des véhicules plus modernes : bicyclettes, wagons de métro, automobiles, motos, puis avions à l'étage. Rapidement, cependant, reviendront au goût du jour les manèges d'animaux, caricaturaux ou humanisés, mais aussi des manèges de vaisselles et de salle de bain (baignoires, bidets, pots de chambre), cochons, navires, objets volants... De plus en plus, on soignera l'aspect esthétique. Les manèges seront somptueusement décorés, sculptés et amplement illuminés, grâce à l'électricité.

L'ouvrage sur l'histoire du 17e arrondissement de Paris nous précise :

Après avoir payé un franc au contrôle, on vous remet un joli carton orné d'une lune verte avalant une file de curieux. Le verso vous indique que vous avez droit à une attraction gratuite. Vous choisirez peut-être le Scenic railway, qui est l'endroit le plus visité. C'est une montagne russe longue de 1947 mètres, qui, à une vitesse folle, vous fait ressentir les plus fortes sensations. Enorme machine dont la construction a réclamé le travail de 270 ouvriers, pendant deux mois. Les câbles électriques employés pour cette construction, mis bout-à-bout, auraient atteint 270 kilomètres.

 

Information publiée dans le numéro 35 du journal La Liberté de Seine et Oise (27/8/1909)  

L'article suivant a été publié dans Le Figaro du 18/8/1811 :

 

A Luna Park.

Au moment où Paris semble désert, il est bon de faire savoir que le superbe établissement de la Porte Maillot n'a jamais vu une affluence aussi nombreuse se presser aux guichets de sa porte d'entrée et de rappeler que la Ville Enchantée a versé à l'Assis-tance publique de Neuilly la somme formidable de 443,817 fr. 50 depuis son ouverture. Cette vogue persistante s'explique d'autant mieux que M. Gaston Akoun offre gratuitement à ses visiteurs, en plus des attractions habituelles qui ont consacré à Paris sa réputation, des numéros sensationnels comme ceux des trois Diables chinois et du Polenian. Ces attractions obtiennent un succès triomphal chaque jour et les retardataires doivent se hâter d'aller les applaudir avant leur prochain départ.


Dans le cadre de l'Exposition Universelle de Bruxelles, en 1910, un Luna Park a été aménagé sur les plans de celui de Paris.

Gaston Akoun y a construit et présenté le "Palais des folies".

Il y avait également une rivière avec chute d'eau.

 

La fin du Luna Park

 

Cet article paru, le 21/12/1946, dans la revue américaine The Billboard annonce que le Luna park sera bientôt rasé pour laisser la place à un stade municipal.

Il mentionne les noms des Américains qui ont construit les attractions et ont participé aux spectacles.

La rivière du Jardin d'Acclimatation

 

Le courant de la rivière mystérieuse du Luna Park parisien était créé par les pâles d'un moulin, qui relevaient le niveau de l'eau du canal, d'une longueur de 600 m.

Ce même procédé actionne encore, de nos jours, les barques de la "Rivière Enchantée", célèbre attraction du Jardin d'Acclimatation du Bois de Boulogne (inauguré en octobre 1860, en présence de l'empereur Napoléon III) :
elle a hérité de ce mécanisme ingénieux de chute d'eau, utilisé au Luna Park, de 1909 à 1931.

Un théâtre pour les familles anglaises

 

Cet article paru, le 16/11/1912, dans le journal The New York Times annonce la location de l'Opera Hammerstein de Londres par la famille Akoun. Elle y souhaite que les parents puissent y accompagner leurs enfants sans qu'ils soient agressés par ce qu'ils y verront et entendront.


Andrée Vally, cantatrice soprano niçoise


Bnf-BMO-RES 889

 

 

Joséphine Vial de Montanier, originaire de Nice, a chanté sous le nom d'Andrée Vally à l'Opéra de Paris.

 

Elle est principalement connue pour ses apparitions à l'Opéra de Monte-Carlo, en particulier dans Béatrice de Messager, dont elle tint le rôle principal lors de sa création en mars 1914.  

À l'issue de cette représentation, un journaliste résuma sa récente carrière :

Andrée Vally est un pseudonyme, celui d'une femme du monde très répandue dans la société niçoise. Elle était fort réputée en outre dans les salons à raison d'une voix de soprano qui faisait merveille. Un certain soir, M. Messager l'entendit et fut charmé. Présenté à la chanteuse par M. de Farconnet, directeur du casino municipal, le directeur de l'opéra reçut de Mme Vally la confidence qu'elle aspirait à monter sur les planches. M. Messager lui conseilla de travailler "professionnellement". Ce qu'elle fit. On répétait alors Les Joyaux de la Madonne. M. Dalmorés ayant refusé son rôle, Mlle Mary Garden refusa de chanter le sien. Quelques mois plus tard M. Messager fit appel pour remplacer Mlle Mary Garden à Mme Andrée Vally. On sait le succès qu'elle remporta dans Les Joyaux de la Madonne et dans Thaïs et enfin dans le rôle de Juliette. [...]
 

André Messager lui dédia une mélodie pour voix et piano, sur une poésie de Louis Aufauvre : "Va chercher quelques fleurs pour parer notre couche".

Pierre-Barthélemy Gheusi, directeur du Théâtre de l'Opéra Comique, écrivit dans ses mémoires en 1919 :

André Messager me demande une reprise de Fortunio avec Andrée Vally en travesti. [...]
Andrée Vally n'est pas sans timidité : le travesti y ajoutera une gaucherie charmante. [...]
Samedi, 12 juin [1915], reprise de Fortunio ; conduit par Messager, le spirituel ouvrage rencontre en Andrée Vally un travesti fort élégant : sa gaucherie mondaine, empreinte de grâce, ne laisse pas d'être à l'avantage de l'artiste.

Andrée Vally chanta à l'Opéra de Paris, avec le ténor Paul Franz, dans Parsifal de Richard Wagner, en janvier 1914, le mois où cet opéra, réservé jusque là à Bayreth tomba dans le domaine public.

 

Une histoire, transmise dans l'île de Villennes par tradition orale, doit être classée parmi les légendes : les initiales EW, qui figurent sur la porte de la villa L'Ile du Rêve (de nos jours, Les Cerisiers), seraient celles d'Édouard VII (Windsor), qui était l'une des nombreuses personnalités fréquentant Monte-Carlo.

Le futur roi d'Angleterre aurait été séduit par la beauté de la cantatrice. Leur fils, prénommé Maurice, aurait habité cette maison, recevant une pension de la couronne britannique à la condition de ne jamais mettre les pieds en Angleterre.

Par contre, nous n'avons pas pu vérifier la réalité de liens entre Andrée Vally et Edward Whitechurch qui fut le second propriétaire de la villa après son frère Stanley et l'a cédée à la cantatrice en 1923. La suite semble vraisemblable en fonction de la carrière monégasque de la cantatrice : elle serait devenue la maîtresse du prince de Monaco.

Léon Siritzky, l'un des premiers exploitants
de salles de cinéma

Léon Siritzky et son épouse Rosa Brener étaient originaires de Russie, où ils étaient nés respectivement en 1883 et 1891.

Ils ont été propriétaires de la Villa du Parc, à partir de 1939.

 
 

Léon Siritzky a créé et dirigé la société Paramount-Océanic, qu'il a ensuite nommée Parafrance.

Ses fils Jo et Samy ont pris sa suite, jusqu'à la disparition de la société en 1984.

Ce "circuit" comprenait notamment plusieurs salles qu'il avait achetées, telles que celles-ci :

- le Ciné Max Linder : salle créée en 1912 sous le nom de Kosmorama, reprise en 1914 par l'acteur burlesque, qui lui a donné son nom. Ne pouvant pas mettre à l'affiche ses anciens films, dont il ne possédait pas les droits, il présentait des films américains, dont les premiers de Charlot. Ne pouvant simultanément exploiter sa salle et poursuivre sa carrière de comédien, il l'a revendu au début des années 20. Elle a été reprise par Pathé en 1932, qui l'a revendu quelques années plus tard à la société Parafrance. La salle a été mise en vente après la faillite de celle-ci.

- le Texas : devenu le Translux Montparnasse lorsqu'il a été acheté par Parafrance en 1962, il a été baptisé ensuite Paramount Gaité. Rachetée par des indépendants en 1979, cette salle a été divisée et est devenue l'Espace Gaité, qui a disparu 8 ans plus tard.

Seul le Paramount Opéra, qui est resté la propriété de la société Paramount, subsiste sous ce nom. Les autres cinémas Paramount parisiens (Elysées, City Triomphe, Gobelins, Montparnasse, Orléans, Montmartre, Odéon...) faisaient partie du circuit Parafrance et avaient généralement la même programmation.

Parafrance a également assuré la programmation des cinémas Publicis intégrés dans les trois "drugstores" : Elysées, Matignon et Saint Germain. Ces salles ont été reprises par Gaumont en 1985 ; les deux dernières ont disparu lors de la fermeture des drugstores auxquels elles étaient associées.

Des russes devenus gaulois et restés dans le cinéma

Jo et Samy Siritzky, percevant le potentiel du premier dessin animé de la série "Les Aventures d'Astérix le Gaulois", conçu en 1967 pour une diffusion à la télévision, ont décidé de le distribuer dans leurs salles, comme les films de Walt Disney !

Les descendants de Léon Siritzky n'exploitent plus de cinéma mais deux d'entre eux continuent des activités dans l'industrie cinématographique française :

- Alain, dans la production de films (notamment de certains de la série "Emmanuelle"),

- Serge, dans la presse spécialisée : PDG d'Ecran Total et directeur de cette publication hebdomadaire destinée aux professionnels du cinéma, de la télévision et de la vidéo, il a auparavant dirigé la société Parafrance, alors active dans l'exploitation de salles, la distribution et la production de films puis Télécip, société de production pour la télévision.


Albertine Corrard-Dorfeuil, la veuve de la Gaîté,
directrice de théâtre


Georges Corrard, sa femme et leur fils se

succèdent à la direction du théâtre de la Gaîté


Le café-concert de la Gaîté-Montparnasse est construit, rue de la Gaîté, par François Jamin, limonadier en 1868.

Il utilise des matériaux récupérés de la démolition du Théâtre de l'Exposition Universelle, qui s'est tenue l'année précédente au Champ de Mars.

 

 

Il présente des revues de 1875 à 1899, dont la plupart sont écrites par Georges Corrard, dit Dorfeuil, qui dirige le Concert Parisien (son fils le vendra, en 1910, à Mayol qui lui donnera son nom).

Il lui loue le café-concert, à partir de 1882. Georges Dorfeuil fait parfois des échanges d'artistes (tels que Max Dearly, Dranem, Mayol, Yvette Guilbert, Liane Desty, Maria Pacra, Fragson, Dorville, Polin) entre ses établissements, certains se produisant chaque soir sur les deux scènes.

Georges Dorfeuil, succédant à Paulus, dirige simultanément le théâtre Bataclan de 1897 à 1899. Il est notamment l'ami d'Aristide Bruant.

Lorsqu'il meurt à 52 ans, en 1904, sa veuve lui succède pendant 3 ans. Leur fils, prénommé également Georges, prend la suite. Il engage de jeunes chanteurs qui deviendront célèbres, Maurice Chevalier et Georgius, ainsi que Colette pour un numéro de "poses plastiques et de pantomimes".

Albertine Didier dirige le théâtre, après son époux

En mai 1923, Georges Dorfeuil fils décède. Sa veuve reprend la direction du théâtre.

 

L'année suivante, elle acquiert sa résidence secondaire, la villa "Le Vieux Moulin" à Villennes.

Les cafés-concerts n'étant plus à la mode, elle se lance dans d'autres types de spectacles : tours de chant, drames réalistes, revues légères. Pour sauver le théâtre de la Gaîté, menacé en 1933 de devenir un cinéma, le fantaisiste Georgius qui y a débuté et rencontré le succès, prend la direction artistique du théâtre.

 

Pour écouter un extrait de sa chanson "Le genre de la maison", sur le site Web de Paul Dubé, consacré à la chanson française de la fin du Second Empire aux années cinquante, cliquez sur le grammophone.

Georgius redécore la salle et en fait un "Studio d'Art Comique". Toutefois, le coût de ses revues à grand spectacle le ruine et il doit abandonner deux ans plus tard.

En 1941, le music-hall redevient populaire ; comme à l'époque du café-conc', Albertine Corrard-Dorfeuil présente des artistes de variétés : Roger Nicolas, Félix Paquet, Fred Adisson, Jean Cyrano, Alex Marodon, Adrienne Gallon, Gina Manès, Luce Bert, Fréhel, Jacqueline Bert, ...

L'année suivante, elle passe la main pour l'organisation des spectacles ; son successeur programme des chansonniers jusqu'à la Libération : Roméo Carlès, Raymond Bour, René Paul, René Dorin, Del Rysel, Jean Marsac, Pierre Destailles.

Albertine Corrard-Dorfeuil reste toutefois présente jusqu'en 1949 ; sa famille aura été, pendant 62 ans, à la tête de ce célèbre théâtre parisien, rénové et dédié aux comédies en 1958.

Pour aller plus loin dans l'histoire de ce lieu, nous vous proposons de visiter le site Web du théâtre de la Gaîté-Montparnasse, qui nous a fourni une grande partie des informations qui précèdent.


Lucienne Watier, actrice et agent artistique

Lulu, l'épouse d'un industriel

Doube V ou double T ? Son nom a été écrit avec les deux orthographes, selon l'époque. Lucienne Vattier ou Watier possédait, avec son époux André Létang, la villa Les Groux de la rue Gallieni.

C'est son activité d'"impresario" d'acteurs célèbres, tels que François Périer, Marie Daems, Gérard Philippe et Jean Marais, qui l'a conduite à les inviter dans leur maison de Villennes.

 


Lulu, actrice de théâtre

De 1926 à 1930, Lulu Watier a joué plusieurs pièces de théâtre, notamment :

- Au premier de ces Messieurs au Palais-Royal (1926)
- Le Monsieur de Cléopatre au Palais-Royal (1927)
Madame ne veut pas d'enfant à La Renaissance (1927)
- Un Monsieur qui se regrette au Théâtre de l'Ambigu (1928)
- La réjouissance et Pomme d'amour au Théâtre de l'Ambigu (1929)
Durand bijoutier au Théâtre Saint-Georges (1929)
- Les évènements de Béotie à l'Athénée (1932)

La Semaine à Paris annonça, en octobre 1927, l'ouverture, rue Caumartin, d'un bar dont le nom Davia-Lulu associait son prénom et le patronyme d'une autre artiste, avec laquelle elle en était la "promotrice enthousiaste".

Elle s'engagea dans le championnat automobile des artistes qui eut lieu, le 14 juin 1929, au vélodrome du Parc des Princes.

Le dessin ci-contre fut publié en 1930 dans le numéro 101 de l'Officiel de la mode.

 

 

Le numéro 166 de cette même revue annonçait le Bal des Petits Lits Blancs, qui aura le mardi 5 juin 1935 au Cercle Interallié.

Lulu Watier sera l'une des nombreux artistes qui apporteront leur concours (Joséphine Baker, Maurice Chevalier, Gaby Morlay, Fernand Gravey, Serge Lifar, ...).

Lulu, actrice de cinéma

Elle s'est produite, ensuite, au cinéma, dans quelques courts-métrages, en particulier :

- A bas les hommes d'Henri Decoin (1931),
- Une demi-heure en correctionnelle d'Henri Diamant-Berger (1935)

ainsi que dans dans les films suivants :

- Je vous aimerai toujours de Mario Camerini (1932)
- Champignol malgré lui de Fred Ellis (1933)
- Les Bleus du ciel d'Henri Decoin (1933)

La revue Hebdo-film présenta, en novembre 1933, ce premier film d'Henri Decoin en tant que metteur en scène, comédie sentimentale et sportive dont les péripéties assez mouvementées se déroulent presque entièrement sur le terrain d'un Club d'aviation. En conclusion, il écrivit que Lulu Watier et trois autres acteurs "donnent des preuves de leur talent dans des rôles secondaires".

 

 

A cette époque, elle joua également dans quatre films d'Henri Diamant-Berger :

- Clair de lune (1932)

- La bonne aventure (1932)

- Miquette et sa mère (1933)

- Les trois mousquetaires (1933)


 

Lulu, agent artistique

Elle fut, ensuite, l'une des trois fondatrices de l'agence Ci-Mu-Ra (pour Ciné-Music-Hall-Radio), qui devint l'une des plus importantes sociétés s'occupant de la carrière des acteurs de cinéma. Micheline Rozan était l'une des jeunes agents artistiques de cette agence ; celle-ci sera acquise vers 1965 par Gérard Lebovici avant d'entrer dans le giron de la plus importante agence américaine MCA (Music Corporation of America), "talent agency" active d'abord dans la musique puis dans le cinéma et la télévision.

Lucienne Watier y fut personnellement chargée de représenter auprès des producteurs et des réalisateurs de nombreux acteurs célèbres, en particulier les quatre suivants :

François Périer

et Marie Daems,
qui fut son épouse


Jean Marais


et Gérard Philippe

De 1947 à 1959, l'agence Ci-Mu-Ra a participé à la préparation de nombreux films, dans lesquels ce dernier a joué, et de quelques projets qui n'ont pas abouti. En voici la liste, le titre étant mis en gras lorsque les archives d'Anne et de Gérard Philippe (Bibliothèque du film) mentionnent que Lucienne Watier a contribué au sujet ou a été l'un des auteurs :

- La Chartreuse de Parme de Christian-Jacque (1947)
- Tous les chemins mènent à Rome de Jean Boyer (1948)
- Les crimes de l'amour (1950)
- Souvenirs perdus de Christian-Jacques (1950)
- La Ronde de Max Ophüls (1950)
- Juliette ou la clé des songes de Marcel Carné (1950)
- Fanfan la Tulipe de Christian-Jacque (1951)
- Les belles de nuit de René Clair (1952)
- Nos fils (1952 à 1959)
- Arsène Lupin (1953 à 1959)
- Le loup et la bergère (1953)
- Les orgueilleux de Marc Allégret (1953)
- Si Versailles m'était conté de Sacha Guitry (1953)
- Monsieur Ripois de René Clément (1953)

 

- Le rouge et le noir de Claude Autant-Lara (1954)
- Les grandes manœuvres de René Clair (1955)
- Si Paris nous était conté de Sacha Guitry (1955)
- La meilleure part d'Yves Allégret (1955)

- Les aventures de Till l'Espiègle de Joris Ivens & Gérard Philippe (1956)
- Montparnasse 19 de Jacques Becker (1957)
- Pot-Bouille de Julien Duvivier (1957)
- The nun's story (Au risque de se perdre) de Fred Zinnemann (1957)
- Le joueur de Claude Autant-Lara (1958)
- Les liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim (1959)
- La fièvre monte à El Pao de Luis Bunuel (1959)
- Le comte de Monte-Cristo (1959)
- Platero et moi (1959)

L'agence Ci-Mu-Ra a également produit, en 1955, le film Marguerite de la nuit de Claude Autant-Lara avec Michèle Morgan et Yves Montand, d'après un ouvrage de Pierre Mac Orlan.

Jean Marais parle de son amie Lulu Watier dans son livre Histoires de ma vie. Son compagnon, Jean Cocteau, qui viendra également à Villennes, sera peut-être à l'origine de l'acquisition de la villa Le Manoir, proche de la villa Les Groux, par le banquier Jean-Pierre Peyraud, qui gérait ses biens, et son épouse qui assurait son secrétariat.

Dans deux de ses ouvrages, Journal et Le passé défini, il mentionnera Lulu Watier, notamment à propos du film Orphée, qu'il a réalisé en 1950, Jean Marais et Gérard Philippe étant deux des principaux acteurs.