Les chasses royales sur notre territoire

La dernière manifestation de l'Hostellerie de la Nourrée (Eden Roc) avant sa prochaine fermeture, a été un Gala de la chasse, qui a eu lieu en octobre 1955, sous le patronage de Madame Coty. Le gérant avait demandé au maire, Léon Mirgon, de lui fournir un texte sur la légende d'une chasse qu'aurait fait à Villennes Louis XIII ou Louis XIV ; il était prévu qu'il soit publié dans Le Figaro, qui patronnait le gala.

C'est vraisemblablement le frère du maire, Marcel Mirgon, qui, avouant qu'il  ignorait tout de la légende en question, a rédigé le texte sur les chasses royales et seigneuriales à Villennes et dans la région, que nous reproduisons ci après.

[...] la plupart de nos rois, dont la chasse était le passe temps favori, ont couru la grosse et la petite bête dans les bois qui environnaient nos coteaux et qui faisait partie de l'immense forêt qui commençait aux abords de Paris par la forêt de Rouvre  (actuellement Bois de Boulogne), englobait celles de Marly, de St Germain et des Yvelines pour finir aux environs de Dourdan en Hurepoix, aux portes de la Beauce.

 

Dès les temps mérovingiens on trouve trace de séjours de nos anciens souverains à Poissy et dans les environs.

A Villennes, il semble, d'après certains vestiges, qu'avant l'édification au XIe siècle de l'Eglise actuelle, dédiée à Notre Dame et à St Nicolas, Ste Radegonde, la touchante épouse du barbare Clotaire 1er, était l'objet d'un culte.

Plus tard, Robert le Pieux fit construire à Poissy un château à l'emplacement de la statue actuelle de St Louis et ses successeurs y vinrent souvent, nul doute que l'admirable situation de Villennes, la variété de ses aspects les attirèrent souvent.


Dans des temps plus rapprochés aux XVIe et XVIIe siècles, le gibier était particulièrement abondant et lorsque les poètes de la Pléiade venaient faire la fête chez les seigneurs de Villennes et Médan, les Perdrier et les Brinon, leur grand plaisir était de chasser dans les bois et dans les îles, l'un de ces hommes d'esprit, l'infortuné Pierre Belon, nous a laissé urne relation savoureuse.

Note : en avril 1564, alors qu’il traversait le bois de Boulogne pour rentrer chez lui, ce savant naturaliste, considéré comme le premier ornithologue, a été attaqué par des gens armés et frappé à mort.

 

A ce moment-là, François Ier venait de mourir, c'est un roi qui avait la bougeotte, il aimait particulièrement Fontainebleau mais on le rencontrait partout,  chassant tous les gibiers.

Les derniers Valois et les premiers Bourbons préféraient St Germain et ses environs.

Henri IV, notamment, avait apporté au château de St Germain de magnifiques embellissements, c'est à lui que l'on doit les splendides jardins qui descendaient en terrasses jusqu'au bord du fleuve.

 

Le Vert Galant connaissait bien Villennes, il y passa et séjourna plusieurs fois au cours de sa tumultueuse existence, depuis ce matin de février 1575 où, pour se réchauffer, il battait la semelle avec son fidèle d'Aubigné à la pointe de l'île dans le brouillard, pendant que les quelques cavaliers de son escorte qui étalent sur l'autre bord, aux Grésillons attendaient la barque du passeur pour traverser à leur tour.

Henri, qui n'était encore que roi de Navarre, fuyait alors Paris, où ses affaires prenaient mauvaise tournure, il n'avait pas voulu s'aventurer par le pont de Poissy, cette place étant aux mains de la Ligue, il devait la reprendre quelques années plus tard.

Devenu enfin roi de France, lorsque la fantaisie lui en prenait, il venait courir la grosse et la petite bête sur les terres de son secrétaire Nicolas Bourdin, seigneur de Villennes, ou sur celles de Jacques de Morogue, son chambellan, seigneur de Médan.

Son fils, le morose et bégayant Louis XIII montrait une prédilection marquée pour nos coteaux, c'était aussi un grand chasseur, son grand plaisir était d'enfumer les renards dans leurs terriers, de chasser à l'épervier et de courir les loups. Il n'y a plus de loups à Villennes, mais chaque hiver on prend encore quelques renards. C'est au cours d'une de ces randonnées que se place l'anecdote suivante rapportée par Tallement des Reaux :

Se trouvant à Breteuil, il avisa un paysan qui lui parut un peu naïf, il le fit approcher. "Hé bien,  Monsieur, lui dit cet homme, les blés sont-ils si beaux chez vous qu'ils sont chez nous ?"

Il se nommait Jean Doucet. Le Roi le prit en affection et l'emmena à St Germain. Là, ils jouèrent à la Pierrette et Louis XIII gagna 10 sols, ce dont l'autre fut bien marri. Le roi était si content qu'il porta ces 10 sols à Rueil pour les montrer au terrible Cardinal. Un autre jour Louis XIII lui donna 20 écus d'or, Doucet les prit, les mit dans son gousset en disant : "Vous revanront, Sire, y vous revanront, vous mettez tant de tailles et autres diableries sur les pauvres gens".

On ne sera pas surpris de trouver par la suite quelques Doucet dans la proche domesticité du roi.

 

Hélas ! le temps n'est plus où l'on pouvait chasser les cerfs et les sangliers sur nos côtes et dans nos taillis.

 

[Ces illustrations sont des reproductions de panneaux décoratifs, découverts dans un chalet de la famille Manganne dans le quartier du Coquart (Albert Manganne était un chasseur, comme nous verrons ci-après).]

A la fin du siècle dernier un bon chasseur pouvait aligner, de l'ouverture à la St Vincent, une quinzaine de pièces par semaine, sans parler des garennes et des alouettes.

Maintenant, il faut se contenter d'un malheureux merle ou d'un funèbre corbeau et lorsque celui-ci est jeune, une fois dépouillé, le faire passer pour un perdreau ou un pigeon.



Problèmes de territoires de chasse

Conflit entre chasseurs villennois et médanais

La chasse

Le Syndicat de chasse de Médan possède sur le territoire de Villennes quelques petites pièces de terre dont quelques-unes ont de 4 à 5 mètres de largeur. Ces parcelles, sur lesquelles on a intensifié l'élevage de la sauterelle, font l'objet d'une surveillance attentive de la part du garde-chasse de Médan qui néglige ainsi tout le territoire de la commune, dont il a la surveillance principale.
Ce garde qui passe la journée entière assis au coin d'un petit champ de maïs, guette l'inoffensif chasseur qui égarera le pied gauche, ou le droit, sur la parcelle gardée jalousement. Sa façon de faire a fini par ne pas être prise au sérieux, puisqu'un chasseur, ou plusieurs peut-être, voulant voir la chose du bon côté, ont profité d'une absence du garde pour clouer sur l'arbre, qui est en tête de la parcelle, une pancarte avec cette inscription :

CHASSEURS, ATTENTION !
IL Y A UN OURS DANS LE MAÏS,
TUEZ-LE !

Journal de Poissy, Meulan, St-Germain-en-Laye, Rueil, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi, 15/9/1927


Les grandes manœuvres du 18 septembre

L'annonce parue la semaine dernière, concernant la chasse, a eu pour conséquence de déclancher un mouvement en avant de l'état-major du Syndicat de chasse de Médan (parti rouge) qui a envoyé sur Villennes un fort détachement, non armé, avec mission de chasser le chasseur.
Le Syndicat de chasse de Villennes (parti bleu) chargé d'assurer la défense, avait rassemblé ses chasseurs à pied et leur avait donné comme objectif : chasser le perdreau, épargner les sauterelles et prendre tous renseignements sur les intentions du parti adverse.
A la faveur de la pluie, le parti bleu réussit, à se faufiler entre les filets tendus par le parti rouge et poussa une pointe jusqu'en plein centre de Médan.
Le résultat de cette manœuvre fut que le parti rouge resta le nez au vent, sur des positions conquises sans coup férir. Quant au parti bleu, il fit quelques prisonniers et sut que l'état-major adverse s'était réuni et avait décidé d'envoyer une réplique à l'annonce précitée qui signalait le danger du fortin en maïs.

Journal de Poissy, Meulan, St-Germain-en-Laye, Rueil, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi, 22/9/1927


Une explication

On pouvait espérer qu'après les deux articles inoffensifs qui ont précédé, que le Syndicat de chasse de Médan ayant su lire entre les lignes, apporterait plus de souplesse, et de camaraderie envers les chasseurs de Villennes qui se trouvent fatalement amenés à traverser, dans leur parcours, les parcelles de terre lui appartenant, parcelles qui se trouvent enclavées avec celles du Syndicat de Villennes. Il y avait là un échange de bons procédés, puisque la même difficulté existe de part et d'autre. Il n'en est malheureusement rien. Ce Syndicat n'a pas compris et son action peu heureuse se continue. Force est donc de lui préciser ce qu'il ne veut pas comprendre.
Les propriétaires de Villennes possèdent sur Médan, environ 50 hectares de terre et ceux de Médan une dizaine. Il était facile de faire un échange de terrain pour arriver à former deux lots distincts et placer au besoin des pancartes limitatives. Tout le monde s'en serait bien porté. Il est encore temps de le faire ou de tout mettre en commun.
Médan n'a pas à tirer dans les jambes des habitants de Villennes. Cette petite localité profite des avantages que lui donne sa voisine. Des enfants de Médan vont à l'école de Villennes. Elle profite de la présence d'un bureau de poste. La Fanfare lui prête son concours. Une Société des Mutilés et Combattants qui n'existerait qu'à Médan serait un leurre ; c'est pour cette raison, sans doute, dans un esprit de bonne camaraderie que Médan et Villennes se sont réunis en une seule Société dont la prospérité est assurée en grande partie par Villennes. La gare ne lui a pas coûté beaucoup de sacrifices, etc... En un mot, sa vie prospère en raison de celle de Villennes.
Il est dit plus haut que l'action de ce Syndicat est peu heureuse, ce qui n'est pas sans l'entraîner à des conséquences graves dont il ne se rend pas compte.
Parlons peu et net. Un chasseur a été pris par le garde, parce qu'il se trouvait sur une parcelle sur laquelle il ne devait pas mettre le pied — soit, ne discutons pas — ce cas se représentera innocemment tous les jours et de chaque côté. Eh bien, dans les circonstances qui existent, dans la force du terme, il n'y a pas délit de chasse pour plusieurs raisons. Prenons un exemple bien caractéristique. Tout le monde dans la contrée connaît la chasse Deutch de la Meurthe. Il s'agit d'un territoire giboyeux qui forme une propriété. Des pancartes indicatrices limitent le terrain, et une suite n'est donnée contre le chasseur fautif que s'il a franchi une zone, laissée neutre, de 80 à 100 mètres de profondeur à l'intérieur de la propriété (cette zone garantit celui qui par inexpérience des lieux s'égare un peu de son chemin).
Il n'en est pas de même dans le cas qui nous occupe. Ceci dit. Le chasseur dont il est question plus haut, d'après l'invitation du garde, est allé trouver le Président du Syndicat qui lui a fait verser, séance tenante, une somme de 300 francs contre reçu libellé ainsi :

SOCIETE DE CHASSE DE MEDAN
Reçu de M. X..., la somme de 300 francs pour amende (délit de chasse). Signature

On se demande si cette façon de faire ne constitue pas un acte de chantage ou d'escroquerie. Certainement, la bonne foi de ce Syndicat est surprise et étant donné qu'il ne lui appartient pas d'être juge et partie, il serait très heureux, c'est un point d'honneur pour lui, que la somme perçue illégalement soit restituée à l'intéressé qui n'a pas osé ou n'a pas su se défendre et qu'un accord subsiste pour mettre fin à toutes ces chinoiseries qui risquent de faire casser le garde pour abus de pouvoir et d'amener des ennuis bien inutiles au Syndicat.

UN CHASSEUR.

Journal de Poissy, Meulan, St-Germain-en-Laye, Rueil, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi, 22/9/1927


Il était à prévoir que cette année la chasse de Médan et de Villennes attirerait encore des désagréments à tous ceux qui ont intérêt à son bon fonctionnement. Ces deux chasses qui sont l'une dans l'autre n'en faisaient qu'une il y a quelques années. C'était l'accord complet sous la direction d'un syndicat commun.
Depuis qu'elle a été scindée, rien ne va plus ; il faut donc reconnaître que le nouveau procédé est mauvais. On se reproche ceci, on se reproche cela. Dans le fond, rien de grave. Ce qui manque c'est de la sagesse ou de la bonne volonté ; que chacun y mette du sien et qu'on revienne à l'ancienne situation dans l'intérêt de tout le monde. Ça ne changera rien à la chasse, ça ne pourra être que parfait.
Un fait curieux est à constater : c'est que tous les ans, qu'ils soient de Médan ou de Villennes, les chasseurs cherchent un gîte — en matière de chasse on aime à en renontrer un frais — et après avoir battu et rebattu la plaine, ils finissent par le découvrir caché dans la verdure, au pied du poirier à Daumont. Vous ne voyez, à ce moment, que des gens heureux qui se connaissent de longue date et qui, au besoin, se rendent des services journaliers. Alors !

Journal de Poissy, Meulan, St-Germain-en-Laye, Rueil, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi, 6/9/1928

Délimitation des territoires des sociétés de chasse de Marolles et d'Orgeval

Nous transcrivons deux courriers adressés, pendant l'été 1931, par les responsables de la société de chasse de Marolles à celle d'Orgeval afin de parvenir à une entente cordiale.

Villennes-s-Seine, le 8 juillet 1931

Monsieur le Président de la Société de chasse d'Orgeval

Il me serait particulièrement agréable de pouvoir m'entretenir avec vous au sujet de la chasse.

M. Poitel, président de la chasse de Marolles, me charge de vous dire qu'il souhaite ardemment vivre en bonne intelligence avec tous les chasseurs d'Orgeval et éviter tout ce qui pourrait troubler la bonne harmonie.

Il me confie la mission de chercher avec vous à établir d'un commun accord une délimitation claire, vous abandonnant les pièces de terre enclavées dans celles de votre chasse, à titre de réciprocité.

En outre il serait possible et même nécessaire de s'entendre pour la garde de nuit qui va commencer très prochainement.

Je vous saurais gré de vouloir bien me fixer un rendez vous auquel vous pourriez convier, si vous le jugez utile, les membres du bureau de votre chasse. J'ai le plan des terres de Marolles que j'emporterai et j'espère qu'une entente cordiale sera réglée.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes meilleurs sentiments.


A. Manganne                              


Villennes-sur-Seine, le 16 août 1931

Monsieur le Président de la Société de Chasse d'Orgeval,

M. Manganne m'a rendu compte de votre entrevue du mardi 11 août et de votre arrangement amiable et amical qui est résulté relativement à la délimitation entre votre chasse et celle de Marolles.

Je ratifie cet arrangement et vous le confirme par cette lettre en vous priant de bien vouloir me faire parvenir votre adhésion.

Je joins à cette lettre deux plans. Les lignes rouges indiquent les limites, les parties teintées en rose représentent la chasse de Marolles, et la partie bleue le terrain neutre sous la Remise.

Veuillez signer les deux plans. Gardez en un par devers vous et retournez-moi l'autre.

Ainsi que M. Manganne vous l'a dit, je ne puis m'engager pour plus de deux années de chasse, mais je ne desespère pas de pouvoir continuer par la suite.

Croyez, mon cher Président que nous ferons tout pour que nos rapports soient toujours guidés par une sincère amitié.

                                                             Bien cordiale poignée de main.

R. Poitel                              

Pour aller plus loin dans l'histoire de la chasse, nous vous proposons de visiter deux sites Web :

 une collection d'enluminures sur la chasse, de l'époque de Charles V (1338-1380), sur le site de la Bibliothèque Nationale de France,
 une page relative aux chasses royales de la forêt de St Germain, sur le site du château de Maisons-Laffitte.