La place de la Gare est devenue le lieu qui maintient le souvenir de chacune de deux guerres mondiales : elle a pris son nom actuel de Place de la Libération, à l'issue de la seconde.



Le monument, érigé en 1919 à la mémoire et à la gloire des défenseurs de la patrie, se compose d'une pyramide à base carrée de 1,50 mètre de côté et de 5,50 m de hauteur, sur laquelle est appliqué un coq gaulois victorieux en bronze de 1,30 m de hauteur. La pyramide, en pierre d'Euville, a été fournie et installée par un marbrier de Poissy, le coq ayant été réalisé par la Maison Fumière et Cie de Paris. La dépense de 15 000 francs a été, en partie, couverte par des dons particuliers et par une souscription.

Deux poèmes ont été lus lors de l'inauguration du monument, le 15 mai 1921. Le premier a été composé par le Lieutenant Maurice Saunier.


AUX   DEFENSEURS   DE   LA   PATRIE

Couvrant son flanc meurtri de ses ailes sanglantes,
L'aigle noir d'outre-Rhin, aujourd'hui terrassé,
Considère, hurlant d'une rage impuissante,
L'écroulement de tout l'orgueil de son passé.

Et l'empereur germain, que le remords enchaîne,
Mesure le néant de son rêve dément ?
Il se courbe honteux, infâme loque humaine.
Au souffle précurseur du dernier châtiment !

Cependant que pour nous, le Coq gaulois, sonore,
Dressé vers le soleil, clame un chant glorieux.
Chassant au loin la nuit, faisant briller l'aurore
Sur l'or des étendards aux noms victorieux.

De la joie est partout, partout des jeux, des danses,
Et des espoirs naissants, des rêves et des fleurs.
Tandis que libre et fier, notre peuple de France
En un superbe effort se remet au labeur.

Mais dans l'air parfumé que la Victoire exhale,
Quand luit enfin le jour du grand apaisement,
Gardons-nous d'oublier tous ceux que la rafale
A heurtés mille fois, mille fois vainement.

A ceux qui sont tombés dans la mêlée ardente,
Enfants faisant au sol l'offrande de leur sang,
A ceux que la souffrance, infernale passante,
A meurtris et vieillis, soyons reconnaissants!

Et devant cette pierre, où pour toujours réside
Un peu de l'esprit pur des morts et des vivants
Dont la poitrine fut un bouclier splendide,
Français sauvés par eux, méditons un instant ?

Méditons, comparons, et que passe en notre âme,
La vision d'hier et celle de demain.
Du soleil nous sourit après l'horreur des flammes.
Devant nous s'est ouvert un radieux chemin.

Et si tant de douleurs et tant de sacrifices,
Tant de craintes, d'espoirs, tour à tour envolés,
Si tant de gloire enfin après tant de supplices,
Mettent des pleurs de joie à nos yeux consolés,

Offrons très simplement la rosée émouvante
De ces larmes d'amour à tous nos défenseurs ?
Bien mieux qu'en notre voix, encor toute tremblante.
Ils sentiront monter le Merci de nos cœurs.


La poésie de Jean Péheu a été dite par lui-même.


LE JOUR DE GLOIRE

I

Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé.
Ne t'en fais pas femme chérie,
Va... je viendrai te retrouver.
Et toi, sèches tes pleurs, grand'mère,
Embrasse pour moi les marmots,
Dis-leur que je pars à la guerre
Pour leur éviter ce fléau.
Au revoir Villennes ma belle,
Au revoir mes chers bons amis,
Puisque la France nous appelle,
Faisons tous face à l'ennemi...
En avant la locomotive...
Un coup de sifflet... eh aïe donc !
Contre nous prenant l'offensive
Les fleurs tombent sur nos wagons ;
On chante, on boit, on danse, on crie,
On va se battre... on croit rêver.
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !

II

Il faut défendre la Belgique
Où les Boches veulent passer.
Superbes autant qu'héroïques
Les Belges se sont surpassés,
Grâce à eux... Grâce à leur courage,
Nous maintenons nos positions,
Ce qui nous donne l'avantage
Pour notre mobilisation...
Mais l'ennemi arrive en masse
Rangs serrés... armé jusqu'aux dents,
Et croit nous faire crier grâce
Car nous sommes un... contre cent !
Hélas nous reculons sans cesse...
Nous reculons... la rage au cœur...
Devant notre grande détresse
La joie enivre nos vainqueurs,
Et fiers de leur sauvagerie
Ils vont pouvoir nous achever...
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire ?

III

Non ! Tant pis !... L'ennemi s'acharne,
Il nous faut tenir... jusqu'au bout...
Oui jusqu'au bout... Voici la Marne...
Nous y jouons notre va-tout.
Bravo ! Bravo ! Von Klück recule
Le grand Galliéni décidé
Le tarabuste et le bouscule
Employant le système D.,
Les taxis de la Capitale
Sur le front versent par milliers
Contre la horde colossale
Nos valeureux et bons troupiers...
Et maintenant... Paris respire,
Les Boches crient : " Maléticzion ! "
Ah ! quel triomphe et quel délire !
Mais... Nous manquons de munitions
Pour les bouter avec furie
Vers la frontière... et les braver...
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arri.....

IV

Et maintenant... c'est la tranchée,
La guerre pour longtemps, longtemps...
Le cafard... et l'âme rongée
Par la boue, le froid, les tourments...
Car les nouvelles sont mauvaises,
La Russie a signé la paix
Et bientôt les armées Françaises
Capituleront ! Çà, jamais !
Il faut dans un effort suprême
Les faire sortir de leurs trous.
En avant ! En avant quand même !
Chassons les Boches de chez nous...
Et brisé de fatigue... il rêve...
Pendant que taubes et obus,
Nuit et jour sans repos ni trêve,
Sèment la mort sur nos Poilus...
Adieu... Adieu... Femme chérie,
Je n'irai pas te retrouver.
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de......

V

Nom de Dieu !
Faut qu'on en finisse...
Debout les Morts...
On les aura...
Courage... un dernier coup... o... hisse.
Verdun ! Ils ne passeront pas !
Car là-bas le Soleil se lève,
Le Coq Gaulois victorieux
Entonne, et ce n'est pas un rêve,
L'Hymne chanté par nos aïeux,
Nos aïeux de Quatre-vingt-treize
D'Austerlitz et de Marengo.
L'aigle, sous la furia Française,
Du Coq a senti les ergots,
Et ce Coq à l'âme guerrière,
Ce Héros fier et résolu,
Solide comme cette pierre,
Ce beau Coq... c'est notre Poilu.
Poilus du Rhône ou de la Seine,
Du Midi, de l'Est ou du Nord,
En ce jour, Poilus de Villennes,
Tous... nous couronnons votre effort,
En sacrifiant votre vie,
Par vous le Monde fut sauvé.
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !